Dans la série, il y a des « titriseurs » partout, par Jean-François Le Bitoux

Billet invité.

Dans ce qui est devenu la représentation populaire de la titrisation, le titriseur rassemble une collection de dettes pourries, trouve un notateur qui lui accordera la note « AAA », lui accole le tampon « titre » et le lance alors dans la nature en pensant tout bas : « Après moi le déluge ! ». C’est dans ce sens populaire de la titrisation, et non au sens technique que lui attribue la finance que j’utilise par la suite le terme de « titriseur ».

Peut-être est-ce une tendance personnelle qui me fait voir des titriseurs de ce type partout ? Des gens qui vous font prendre des vessies pour des lanternes !

Et c’est à mes yeux une étiologie majeure du néolibéralisme en général de faire perdre le sens originel d’un phénomène ou même d’un objet et lui donner par convention provisoire un sens, un titre nouveau qu’il n’avait pas, afin « d’enfumer » un maximum de naïfs pour un maximum de bénéfices immédiats.

Ce n’est jamais qu’une autre forme de communication plus irresponsable que d’autres ! Que je décèle dans bien des maux de notre société.

Tant que le titriseur fait de la publicité, il est irresponsable. Mais quand une commission décide d’appeler « médicament » une formule dangereuse ou comme d’autres « bricoleurs financiers » décident de donner une valeur à « une pochette surprise », cela tourne vite à la catastrophe mondiale. En fait, c’est sans doute un spin-doctor qui a réussi à faire croire qu’il n’était pas seulement un marchand de vent ? Et qui a mis au point une nouvelle soupe – titrisée – qu’il réussit à vendre aux plus ignorants que lui, dont je fais partie.

Sur France Inter, le chef du service de médecine interne à l’hôpital parisien Lariboisière, le professeur Jean-François Bergmann ex-vice-président de la commission de mise sur le marché de l’Agence française du médicament revient sur le savoir-faire de l’empire Servier, de son génie commercial à « enfumer » absolument tout le monde et il dénonce un ensemble de produits « médiocres ou dangereux ou mauvais ou inutiles ou de peu d’efficacité  médicale ». Il souligne « Lors des réévaluations (= titrisation au sens que j’ai donné au mot plus haut ?) du Mediator, on a manqué de courage, de volonté de savoir et je m’en veux de n’avoir pas insisté alors que j’avais des doutes… car il y a encore du ménage à faire ? » Peut-être ne s’agit-il pas seulement de courage mais comme tant d’autres, cet arbitre faisait sans doute trop de choses à la fois et il y a des moulins à vent qu’il est préférable de ne pas combattre de crainte de prendre un retour d’ailes. Du côté politique, j’avais cru comprendre que M. Servier avait le bras nettement plus long qu’un membre d’une « commission » même de titrisation. On reste peu de chose quand le financier maîtrise l’environnement en toute irresponsabilité.

J’ai l’impression désagréable que tous les professionnels investis dans leur spécialité savent qu’il y a partout des produits médiocres ou dangereux qui méritent d’être dénoncés. Mais même les meilleurs arbitres ont souvent autre chose à faire que d’en démonter les effets pervers et comme ils tiennent à des places politiques souvent chèrement acquises, nul n’est pressé de faire des vagues, encore moins un soliton quand le reste de la mer paraît calme. Mais plus on le scrute de près, moins calme parait l’océan !

À moins qu’un arbitre pour rester en place n’émette que des « opinions » selon un droit aux libertés les plus fondamentales, qui comporte celui d’être ignorant et stupide ? Pour le politique il y a une méthode très efficace pour éviter des enquêtes et des recherches trop intrusives, c’est celle de ne donner à ces « observateurs » ni les moyens techniques, ni les moyens financiers de l’enquête !

Alors de quoi les commissions titrisatrices et leurs membres sont-ils responsables ? Quid de l’irresponsabilité financière des donneurs d’ordre ?

La question est donc à quel moment tenter de savoir qui produit une opinion responsable et qui ne siège en réalité qu’au Café du Commerce ? Dans nos sociétés où se multiplient les normes en tout genre qui prétendent remplacer un droit fuyant, les agences de notation et autres titriseurs prolifèrent et d’autres supbrimes et Mediator sont tapis en toute quiétude dans l’obscurité entretenue.

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