Ma tante Sophie est morte le 31 décembre, à l’âge de 95 ans.
Dans ma famille, c’était elle la dernière survivante de la génération de mes parents.
Jusqu’à la mort de ma mère, nos rapports étaient tendus. Elle n’aimait pas mon père et, en toute bonne logique patrilinéaire, elle m’avait fait hériter de la même animosité.
Un jour, j’avais sept ou huit ans, elle m’a découvert, lors d’une partie de cache-cache, dissimulé sous le même lit qu’une petite fille.
Elle n’a pas appelé la police. Mais je l’ai échappé belle ce jour-là !
Nous nous sommes revus à la mort de ma mère et tout a changé. Il m’est revenu que (contre toute attente manifestement) j’étais en réalité quelqu’un de tout à fait charmant.
Ma cousine, l’une de ses deux filles, à qui j’ai pu parler ce matin, m’a rapporté ses dernières paroles. Apprenant que sa mort était prochaine, le jour de la saint Sylvestre, elle a dit : « C’est bien : je voulais mourir la même année que Mandela ! »
J’ai toujours connu de ma tante, les très grosses maisons qu’elle a habitées, la maison sur la Côte d’Azur, les voitures de son mari, dermatologue à la gentillesse proverbiale et « connu à l’étranger » : toujours la plus grosse berline qu’on puisse trouver alors sur le marché.
Jamais je n’ai entendu ma tante Sophie se préoccuper du sort de quelqu’un qui n’appartienne pas au cercle de la famille et des amis immédiats. Alors, de savoir qu’au moment de mourir elle s’est félicitée de communier de cette manière avec la mémoire de Nelson Mandela, cela me remplit aujourd’hui d’une très grande joie et d’un très grand espoir.
Rectif : Poutine (pas Cicéron) : i