Billet invité.
Dans sa dimension politique comme financière, la crise reste pour l’instant latente tout en se manifestant en creux par un déficit de démocratie qui s’approfondit et n’est pas près de se remplir. La Commission européenne, la BCE et le FMI – les trois composantes de l’attelage d’une Troïka assurant la tutelle des pays assistés – sont hors d’atteinte du verdict des électeurs, tandis que le Conseil européen, qui regroupe les chefs d’État et de gouvernement, n’en fait qu’à sa tête en passant des compromis mettant en évidence son absence de prise sur les événements. Ils voudraient exprimer par leur soulagement que la crise est finie, mais elle ne l’est que sous sa forme aiguë, pour le temps que cela durera.
Seul, le Parlement européen témoigne de velléités de faire entendre une critique de la politique poursuivie contre vents et marées, mais ses pouvoirs sont limités et ses majorités complexes. Une mission de députés européens procède actuellement à des auditions et parcourt les pays ayant bénéficié de plans de sauvetage, afin d’en établir le bilan. Celui-ci pourrait être rendu public avant la tenue des prochaines élections destinées à la renouveler, mais que faut-il réellement en attendre ?
Ayant différé sa venue à Athènes pour ne pas la télescoper avec le démarrage de la présidence grecque tournante de l’Union européenne, la mission s’est rendue à Dublin, où elle a eu confirmation que le gouvernement avait du céder aux pressions de la BCE (du temps de Jean-Claude Trichet) afin de ne pas procéder à un bail-in des banques au détriment de leurs actionnaires et de leurs créanciers (les banques européennes), mais à un bail-out dont les contribuables font durement les frais. En se demandant à juste titre si une telle intervention s’inscrivait bien dans les missions de la banque centrale.
Les élections européennes approchent et les discours sur les dangers du populisme se multiplient, exprimant une inquiétude à propos de la composition future du Parlement, car il pourrait jouer d’avantage les trouble-fête. Être européen consiste pour ceux qui tiennent ces propos à entériner l’intégration européenne fiscale en cours sans laisser la place au moindre débat et à l’affirmation d’une autre Europe, comme s’ils en détenaient la propriété exclusive.
Pays par pays, la crise politique progresse en exprimant ses singularités. En Grèce, Syriza pourrait provoquer des élections anticipées et les gagner, le Pasok s’effondrant et Aube Dorée devenant le troisième parti. En Espagne, le PSOE s’engage dans un processus de primaire pour désigner sa tête de liste, avec comme perspective de succéder au Parti populaire et peut-être de constituer une coalition avec lui s’il ne parvient pas à mieux. Au Portugal, le Parti socialiste refuse le pacte piégé que lui propose la coalition PPD-CDS au pouvoir, afin d’y revenir après en avoir été chassé pour avoir engagé la politique d’austérité, tout comme son alter ego espagnol. En Italie, enfin, le nouveau secrétaire général du Parti démocrate cherche à détrôner l’actuel président du conseil membre de son parti et passe, afin d’y parvenir, un accord à propos de la future loi électorale avec… Silvio Berlusconi. Tout cela ne mène pas loin, s’il est fait exception du trublion grec.
Dans tous ces pays malmenés par la crise économique et financière, une même et unique question se pose : quelle politique alternative mener à celle qui les a conduits dans le gouffre ou sur son bord ? Qu’y a-t-il à négocier ? Tout en s’observant mutuellement, les prétendants au pouvoir l’abordent séparément, ne se donnant pas la meilleure chance d’y répondre en créant un rapport de force favorable. Un vide domine, qu’il va bien falloir remplir !
Les commentaires des politologues, qui dénoncent le danger des extrêmes, montrent qu’ils sont enfermés dans les mêmes cadres de pensée que ceux dont ils rendent compte de l’activité. La société civile, ce dernier recours auquel il est fait appel quand tout a été tenté, ne sera pas d’une grande utilité aux uns et aux autres. Celle-ci chemine à son rythme, inventant marginalement d’autres manières de s’organiser en société, dont le principal intérêt est de transgresser les normes et d’être déroutantes. L’économie devient collaborative et de partage, ou même informelle quand il y va de la survie, de nouveaux points d’appuis sont trouvés, puisque celui que représente l’argent ne fait pas ses preuves. La traduction politique viendra plus tard, en émettant le vœu qu’elle ne soit pas trop tardive.
Ruiz tu écris : « Le coffre fort de l’argent public est grand ouvert grâce au mouvement écologiste de gauche » C’est…