Billet invité.
Depuis son élection, je suis les actes et les déclarations du pape François jour après jour. Je peux ainsi lire des déclarations fracassantes qu’il fait dans la presse italienne, dont on assure qu’il a revu le texte avant publication, mais… dont il corrige quelques jours plus tard l’aspect « révolutionnaire » sans que la presse en fasse état. Puis, il sort un texte très officiel (« Gaudium… »), sur lequel il n’aura aucun besoin de revenir parce qu’il est suffisamment équivoque. Force est donc de penser qu’on a affaire, avec Francis, à un Jésuite de la forme la plus aboutie, un pur génie de l’équivoque entre les mots, et entre les mots et les actes.
Encore aujourd’hui, les vaticanistes les plus sophistiqués sont incapables de lui attribuer une visée certaine sur la plupart des problèmes : on peut dire qu’il veut dissocier les finances de l’Eglise du Vatican ; mais il ne faut pas dire trop vite qu’il approuve « la-théologie-de-la-libération », car tout dépend laquelle, qui et quand ; en tout cas, il n’approuve nullement l’aspect « libération » de cette théologie (l’autonomisation des « pauvres » par rapport à toute hiérarchie), mais seulement le fait qu’elle a pour objet les « pauvres ».
Dès lors, prendre, comme le fait Karl Levitt dans un article de The Atlantic : Pope Francis’ Theory of Economics, quelques citations de lui pour en faire un élève de Polanyi, c’est un peu gonflé. De fait, il n’est sans doute un disciple ni de Marx ni de Hayek. Pour ce qui est de Keynes, je ne vois même pas sous quel rapport on pourrait les comparer. Mais de Polanyi, comment l’affirmer sinon de façon très vague ?
François a réussi à accréditer mondialement l’idée qu’il allait « révolutionner » l’Eglise et le catholicisme sans changer un iota à la doctrine. Jusqu’ici, il n’a en effet pas changé un iota à la doctrine, et il a convaincu l’opinion qu’il allait réussir sa révolution, qu’elle était déjà là, que le temps du catholicisme punitif était révolu (ce qui ne l’empêche nullement de punir et même d’excommunier, opérations dont la presse ne dit mot). Je ne veux pas dire qu’il ne fera pas cette révolution-qui-ne-touche-pas-le-dogme, mais seulement qu’il est impossible de lui attribuer sérieusement aucune opinion, y compris en matière de « théorie économique ».
@Paul Jorion Je préfère utiliser le mot « mimétisme » à celui d’identification . Histoire de vocabulaire . Dans « identification » il y…