Billet invité.
On n’en aurait jamais fini d’instruire le procès de la City of London, mais il ne fait jamais de mal d’y revenir ! Ce centre mondial de la finance, à la fois en concurrence et de connivence avec Wall Street, cette honorable façade d’un réseaux de paradis fiscaux issus de l’Empire colonial qui servent de rabatteurs, expression la plus aboutie de la finance de l’ombre accueillant les hedge funds et instrument performant du recyclage des capitaux à l’origine douteuse. Ce lieu de prédilection des scandales financiers – à commencer par celui de la phénoménale manipulation du Libor – où les innombrables filiales des banques étrangères rivalisent avec les établissements britanniques pour réaliser leurs transactions les plus osées dans un contexte permissif très recherché.
Avant-hier, on apprenait que les banques américaines ne dédaignaient pas les bords de la Tamise pour les opérations de produits dérivés (swaps de taux, de devises et de crédit, etc…) de leur clientèle non américaine, afin de bénéficier de la mansuétude de la réglementation. Un de ces contournements qui fait tout le charme de la mondialisation. Hier, le chancelier de l’échiquier George Osborne avait à Pékin les yeux de Chimène pour les banques chinoises désireuses de se frotter à la grande finance, leur promettant que les régulateurs britanniques sauraient être compréhensifs, prenant sans tarder en marche le train du yuan dans un bel élan d’opportunisme, n’en déplaise aux cousins américains. Avec comme objectif que la City devienne la plate-forme des opérations financières chinoises à l’international, quitte à prendre le risque de baisser la garde réglementaire en faveur d’un système bancaire particulièrement opaque et de créer des remous avec la Prudential Regulation Authority (PRA).
Ce matin, on lisait l’éditoral du Financial Times, dans ses fonctions de porte-parole officieux de la City, qui mettait en garde contre l’acharnement dont JP Morgan Chase est victime aux États-Unis, sur le thème « trop, c’est trop ! » et qu’il n’y a pas de raison à « humilier » ce roi ayant perdu sa couronne. Comme s’il y avait des limites atteintes à l’exemple que les autorités américaines veulent donner, qu’elles s’apprêtent à étendre à d’autres établissements impliqués dans le scandale des subprimes et ses suites.
Aurions-nous donc sous nos yeux, à notre portée, le principal centre des turpitudes de la mondialisation financière ? Ce serait compter sans la haute protection d’un gouvernement britannique qui fait assaut de savoir faire dans les négociations à propos de l’union bancaire européenne : hors de question de s’immiscer dans les affaires de la City et que la BCE ou tout autre organisme réglementaire puisse prendre le pas ! Il propose de mettre en place un mécanisme de double vote – dans deux collèges, selon que les pays appartiennent ou non à la zone euro – avant toute adoption de mesures de régulation européenne, revenant à donner un droit de véto au Royaume-Uni, permettant d’éviter de se retrouver en minorité tout en préservant son accès au marché unique européen.
David Cameron, le premier ministre, avait prétendu placer l’évasion fiscale au centre de sa présidence du G8, mais sa croisade s’est limitée à quelques accords d’échange d’information avec Man et les îles anglo-normandes, un simulacre comme à chaque fois qu’il est question des paradis fiscaux. La City est un État dans l’État dont la devise est « Seigneur, guidez-nous ! », administrée de manière autonome par la Corporation de la Cité de Londres. Une couronne dont les bijoux portent le nom de trusts, cette facilité qui brouille les pistes, qui elle-même repose sur une législation des affaires sur mesure et une armée d’avocats et de comptables rompus à tous les montages financiers. Mais il ne faut pas penser traduire en justice les contrevenants qui d’aventure y séviraient, tous les délits commis dans son enceinte étant du ressort de son Lord-Maire issu du sérail… Chacun son métier et les vaches seront bien gardées.
Bonjour Régis, il y a du vrai dans v/com. et à son sujet, j’avais écrit, il y a quelques temps,…