Nous sommes souvent consternés d’apprendre, à la lecture des livres d’histoire, qu’alors que des mondes s’écroulaient, « chacun vaquait tranquillement à ses occupations ». Nous sommes à l’heure où j’écris à moins de 48 heures d’un éventuel défaut des États-Unis sur leur dette et si la nouvelle fait la une de la plupart des journaux, elle ne fait qu’exceptionnellement les gros titres.
On me dit parfois : « Vous annonciez la crise des subprimes et personne n’y prêtait attention, comment cela est-il possible ? » La réponse est là aujourd’hui : le sentiment toujours communément partagé qu’« Il y a sûrement quelqu’un, quelque part, qui fera en sorte que cela n’arrive pas ». C’est cela qu’on découvre par exemple lorsque sont interrogés a posteriori les acteurs de la tragédie Dexia : la conviction de chacun de ceux-ci qu’il y avait sûrement quelque part, quelqu’un d’autre que lui-même, qui veillait au grain.
Les titres de dette américains : Treasury bills, Treasury notes et Treasury bonds, jouent au sein du système financier mondial un rôle essentiel de pseudo-monnaie : en sus de l’argent proprement dit, ils font office d’instruments de paiement et de collatéral privilégiés. Si un versement d’intérêt ou un remboursement de principal inscrit à l’échéancier devait ne pas intervenir, le prix d’un tel instrument de dette se déprécierait d’autant, et cette dépréciation se répercuterait dans l’ensemble du système financier, faisant basculer dans l’insolvabilité celui ou celle dont la bonne santé financière était liée au prix plein.
Pire encore, l’imprévisibilité désormais des versements qui auront lieu ou n’auront pas lieu, creuse alors un fossé entre le prix réclamé par les vendeurs de l’instrument de dette et ceux encore disposés à vouloir l’acheter, conduisant les transactions à s’interrompre. Comme s’expriment alors les intervenants sur les marchés financiers : « Il n’y a plus de prix ! ».
Or, je l’ai dit, les instruments de dette américains jouent à l’échelle de la planète un rôle de pseudo-monnaie essentiel – qu’il continuèrent d’ailleurs de jouer, à l’étonnement de certains, aux pires moments de la crise qui avait débuté en 2007. S’ils devaient cesser de jouer ce rôle, ce ne serait plus comme en septembre 2008 une partie majeure du système financier qui serait grippée, ce serait la machine financière toute entière, avec des conséquences impossibles à évaluer.
Nous en sommes là ce matin. Il y a sûrement quelqu’un, quelque part, qui sait comment stopper le processus de déliquescence entamé. Malheureusement pour nous, il ne s’agit ni de M. Obama, ni des membres du Congrès ou du Sénat américains.
Quant aux autres – à l’exception des Chinois dont la préparation aux événements qui menacent souligne selon certains, la malveillance – ils continuent tranquillement de vaquer à leurs occupations.
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