VEUT-ON CONTINUER DE CROIRE ET DE FAIRE L’AUTRUCHE ?, par AncestraL

Billet invité.

Tous les soirs je n’allume pas la télé, mais je m’installe dans mon canapé, et j’en fais à peu près la même chose : je guette sur le net. Qu’est-ce que je guette ? Je guette la fin du monde. Je guette la Catastrophe – ce moment historique où l’Humanité s’horrifiera pour de bon, paniquera jusqu’à s’entre-déchirer et s’entre-dévorer, quand elle se rendra compte qu’elle ne peut plus sortir du trou, de l’Abysse, de l’abîme dans laquelle on l’a poussé. C’est horrible.

Cette attitude d’observer les comportements autodestructeurs et de folie de l’espèce humaine que nous renvoient, aseptisés, les medias et ce en masse continue et permanente, je l’ai adopté quand mon esprit s’est désenchanté, et a pris conscience de l’absurdité rocambolesque du Système dans lequel… je vis toujours, sans en avoir alors jusque là mesuré l’ampleur. Quand est-ce arrivé ? Quand, après que je me sois battu pour obtenir mes diplômes d’enseignant, je me suis retrouvé à pointer chez l’ancêtre de Pôle Emploi et que j’ai alors réalisé que ce temps passé à l’université avait fait de moi quelqu’un, certes de plus cultivé et émerveillé encore, mais qu’il ne m’avait ni appris un métier, ni appris à m’insérer dans cette société. Par contrecoup de traumatisme familial, je me suis dépêché de saisir les offres d’emploi dont personne ne voulait : embellisseur de cadavres (thanatopracteur) puis agent de probation en prison. Bref ! Pourquoi vous dis-je cela ?

On me dit souvent que j’ai du courage pour faire ces métiers-là, mais je pense toujours en mon for intérieur que si j’en avais je ferais tout l’inverse et si j’en viens à écrire ce billet, c’est de la faute à l’article sur le Courage de Bertrand Rouziès-Léonardi. Cela me fait penser que lors de mes précédents billets, c’est de cela et toujours que je parle, et que dans la vie, comme le dit autrement Robert Pirsig dans son Traité du zen et de l’entretien des motocyclettes avec son concept de Qualité,  eh bien, tout est question de courage. Et l’on voit trop qu’en Occident, les dirigeants quels qu’ils soient, n’en ont jamais et envoient leurs troupes, toujours, au charbon ou comme chair à canon.

Encore aujourd’hui même, je discutais avec une personne détenue mais aussi avec les gradés du « Bâtiment », et l’on constatait comment la Direction si chèrement payée, payait de leur crédibilité leur manque de courage pour résoudre les problèmes de certaines personnes détenues, qu’elle évitait bien qu’elle les créait ! Et je ne manquais pas de penser alors, toujours au fond de moi, qu’une fois l’élite corrompue par l’inverse de la Qualité, la Médiocrité, elle attirera toujours à elle les Médiocres, qui alors, défendront leurs places facilement acquises contre de potentiels rivaux qui leur seraient supérieurs en quoi que ce soit (la « théorie du Cancre ») – et vous n’imaginez pas ce que l’on trouve dans les « placards » des directeurs de taule…

Quoi qu’il en soit, j’ai perdu Courage quelque part. C’est vrai. J’ai perdu avant cela : l’Illusion, l’Émerveillement (quand je voyais encore la terre, la Vie comme quelque chose de fascinant où plein de savoirs pouvaient être acquis), les Plaisirs, la Motivation, un certain Optimisme, et le goût pour la Vie.

Outre mes propres combats, avant de me résigner, j’ai voulu combattre cette Inertie de notre société, cette sorte de cannibalisme moderne et effréné de la société civile envers elle-même, son aliénation, sa complexité maladive – mais comment guérir une société malade alors que ses dirigeants, malades, ne se guérissent pas eux-mêmes? La loi de Murphy est implacable. Si quelqu’un peut faire dégénérer un événement, il le fera. Si quelqu’un peut s’enrichir au détriment d’un autre, il le fera. Comment pourrait-il en être autrement – sauf en théorie ? Si la société civile pouvait aller mieux – pourquoi devons-nous sans cesse lutter contre la mauvaise foi, le manque de bon sens, la mauvaise volonté, la psychopathologie de nos dirigeants, et faire moult remue-méninges pour tenter d’ouvrir les esprits ? Si la société civile pouvait aller mieux, pourquoi se pose-t-on la question qu’elle le puisse, ou pourquoi ne l’est-elle pas déjà (imaginons deux secondes que nos dirigeants aient relevé la tête et se soient rendus compte de leur bêtise…) ?

Le propre d’un Directeur est de Décider. S’il se trompe et l’admet, ses subalternes estimeront qu’il est humble mais qu’il manque de Sagesse, de Bon Sens, d’Équité, d’Impartialité n’est-ce pas ? Mais un Directeur, de nos jours, ne peut admettre l’échec et le reconnaître : il va donc persévérer dans ses erreurs pour ne pas perdre la face, quitte à se montrer inhumain et développer une psychopathologie… Je le vois tous les jours… Et Fukushima nous le montre également (bientôt, TEPCO va jouer avec le Diable à retirer le combustible émietté de la piscine du 4), et plus encore les milieux financiers et bancaires depuis… 1999 (Glass-Steagall Act jeté aux oubliettes).

Donc non je ne suis pas courageux. Je ne le suis plus vraiment. Si je l’osais, je vivrais, et je ne me préoccuperais que de me faire du bien et de n’écouter que moi-même, et je ne me sacrifierais pas au rituel quotidien du métro-boulot-dodo, qu’une Catastrophe me soulagerait. Les fausses libertés offertes par la « démocratie » ne sont que des laisses, et la pression actuelle pour garder son emploi, ses maigres économies, son confort tout relatif, voire simplement son logement et manger, est telle que personne ne bronche et que tout s’aggrave silencieusement. Et les vrais héros sont ceux qui s’en débarrassent, choisissant une vie d’errants, d’ermites, qui n’ont ni Dieu ni Maître, et sont peut-être Artistes.

A l’heure où la NSA surveille là où l’on pensait sa vie intime (même pour les Dirigeants), où l’on parle d’un Marché Transatlantique qui transformera à terme, l’Europe en un troisième bras des States ; où la monnaie sonnante et trébuchante disparaîtra pour une autre totalement numérique (tout sera ainsi tracé et surveillé ultimement – mais pour notre sécurité !), où l’on joue au Feu Nucléaire par idéologie (Syrie/Iran) ou fierté (Fukushima), il est l’Heure de s’affronter soi-même – et de décider en dirigeants en ultime ressort de nos propres vies : veut-on vivre avec Courage, ou donner l’illusion ? Veut-on continuer de croire que ceux qui créent les problèmes vont savoir les résoudre ? Veut-on vivre en leur compagnie mais sous leur coupe (changer de pays donc) ? Veut-on vivre comme ils l’ordonnent plutôt que comme on l’ordonne ? Veut-on continuer de croire et de faire l’autruche ?

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