Billet invité.
Une rencontre du 3ème type entre les investisseurs et les banques va-t-elle avoir lieu, afin de combler les trous géants des bilans bancaires en respectant un effet de levier quantifié à 3% de fonds propres par rapport au volume des actifs ? Sous le regard circonspect des régulateurs, les CoCos entrent en scène à petits pas.
La réduction de la taille des bilans ne pouvant à elle seule répondre aux nécessités réglementaires, l’estimation des montants qui vont devoir être levés par les banques européennes sur le marché naissant des CoCos (obligations convertibles contingentes) varie de 400 à 1.000 milliards d’euros ; seulement une vingtaine de milliards d’euros ont été déjà consacrés à l’achat de ces obligations d’un genre nouveau, appelées à muter en actions pour absorber les pertes. Dans l’attente de la finalisation de la réglementation les concernant – la main des régulateurs n’est pas trop assurée – une demi-douzaine de banques émettrices se sont jetées à l’eau et de multiples formules de déclenchement de la mutation ont été expérimentées auprès des investisseurs. La famille des CoCos s’agrandit de jour en jour et bientôt on ne s’y retrouvera plus. Mais un long chemin reste à parcourir avant qu’elle puisse jouer le rôle qui lui est imparti, indispensable pour se hisser à la hauteur des pertes à combler, afin que les créanciers devenus actionnaires aient ensuite quelque espoir de survie. A défaut de se mériter, la confiance se bâtit. On parle de cinq ans, voire du double, pour y parvenir, calquant le calendrier de renforcement des banques sur celui du désendettement des États, venant en cela confirmer que la période qui s’est engagée est de longue durée.
Seuls les mauvais esprits pourront à ce propos relever le paradoxe sur lequel repose ce nouveau mécanisme qui consiste à renforcer les banques en les incitant à accroître leur endettement et non à le réduire ! Les CoCos sont une tentative de faire repartir la machine à fabriquer de la dette en lieu et place de la titrisation, mais sous un autre mode, et de recouvrir la confiance perdue des investisseurs en leur proposant un nouveau pari de dupes. Les mises en garde n’ont toutefois pas manqué ces deux dernières années dans les milieux financiers, face à la totale inconnue que représente l’attitude des investisseurs appelés à financer l’opération. Choisissant un autre axe, la Banque d’Angleterre a relevé que l’introduction des CoCos pourrait susciter des manœuvres spéculatives dont les banques seraient les victimes au lieu d’être renforcées. Nécessité faisant loi, il a cependant été passé outre les objections des uns et des autres, et les CoCos se sont imposés comme la formule miracle sans laquelle le modeste objectif de renforcement des banques qui a été décidé (effet de levier à 3%) ne pourrait pas être atteint. Car c’est bien ainsi que la question s’est trouvée posée.
Il est cependant craint que les investisseurs n’imposent aux banques des conditions à leur avantage, notamment en matière de taux élevés, et qu’ils cherchent à se prémunir de toute mutation jugée défavorable de leurs titres en actions, à l’opposé des intentions des régulateurs. Les CoCos sont au centre de manifestes conflits d’intérêt et chacun prêche pour sa paroisse. Ou bien encore qu’ils ne souscrivent qu’aux émissions des banques les plus solides, laissant les autres démunies… Sur quels investisseurs les espoirs s’appuient-ils ? Pas les banques elles-mêmes, bien placées pour se méfier de l’opacité de leur bilan et de ses pièges, mais des hedge funds à la recherche de hauts rendements pour leurs clients insatisfaits et rompus à la prise acrobatique de risques, et surtout des compagnies d’assurance et des fonds de pension, qui ont un besoin vital de tels rendements afin de remplir leurs engagements dans l’avenir. On ne s’étonnera pas, dans cette perspective, des projets de relance de l’assurance médicale et des incitations à développer la retraite par capitalisation devant la baisse programmée des pensions du système par répartition. Les États n’ayant plus les moyens de financer la prochaine déroute des banques, les protagonistes des renflouements à venir sont tout trouvés.
Mais pourquoi les actionnaires ne décident pas d’augmenter directement leur capital en procédant à l’émission de nouvelles actions au lieu de recourir à de tels montages novateurs ? C’est encore et toujours une affaire de rendement, celui-ci baissant déjà, les dividendes à répartir entre les actionnaires diminueraient encore ces derniers étaient dilués par l’arrivée de nouveaux, et la part des rémunérations des hauts cadres et des bonus pourrait s’en trouver amoindrie… D’où ce montage créatif et complexe, par qui il est par avance prévisible que le malheur arrivera. Le nouvel édifice dont les plans sont à peine tracés n’est pas plus solide que le précédent, car il ne remédie pas à l’hypertrophie d’une activité financière déséquilibrée qui ne cesse de s’accentuer.
Mais auparavant, un petit coup de Crime et Châtiment pour changer d’air, et replonger ensuite dans le sujet avec un…