Ami du conseil municipal : tu as un grand service à nous rendre, par Pierre Sarton du Jonchay

Billet invité.

Pour le meilleur et pour le pire, notre ville n’est pas politisée. Comme dans la plupart des communes françaises, les électeurs n’ont pas la moindre idée de ce qui peut opposer la droite et la gauche sur la politique locale. Il n’y a que quelques initiés qui savent pourquoi tu as démissionné de ton rôle d’adjoint dans l’équipe actuelle. Les gens supposent que vous vous êtes disputés entre vous mais n’ont pas l’idée du pourquoi et encore moins des positions de droite ou de gauche que les uns ou les autres ont.

Si aux prochaines élections, ta liste se présente plutôt à droite pour suggérer que les autres sont plutôt à gauche, les gens n’y comprendront rien et accorderont leur vote à la liste qui paraîtra héritière de la gestion actuelle sans même savoir ce qui a réussi ou échoué dans la présente mandature

La prochaine campagne municipale intervient dans un nouvel univers politique et économique où tous les critères traditionnels de compréhension et d’appréciation du vivre ensemble sont explicitement périmés. Les gens savent intuitivement que notre système politique a perdu pied avec la réalité ; l’argent manque pour tous les services publics et fuit dans les poches privées. La politique est devenue une activité de gangster : délibérément ou par nécessité le bien commun est ignoré.

Techniquement, la crise des dettes privées et publiques a rendu toutes les comptabilités imbéciles. Les budgets publics et les bilans comptables sont falsifiés pour que les services essentiels puissent continuer à fonctionner malgré l’accumulation de dettes. Théoriquement si les lois étaient respectées, il faudrait, comme expérimenté dans la zone euro, consacrer tous les revenus de l’activité économique au remboursement des dettes même s’il y a des gens qui ne sont plus ni nourris, ni soignés, ni logés.

Même si le discours politique officiel dit le contraire, en privé, tout le monde se rend compte que la finance a détruit le système économique. Le système politique du local au mondial ne parvient plus à diriger l’activité économique par l’équité et la loi. Tous les pouvoirs politiques s’effondrent sur le plan de la démocratie : la finance barbare désagrège l’état de droit dans sa raison d’être au service de tous.

La cause de la banqueroute politique est bien identifiée par les élites qui regardent la réalité : la libre circulation des capitaux interdit au pouvoir politique de contrôler la conformité au bien commun des décisions économiques et financières. Seules les dépenses d’intérêt privé sont intégralement financées. Seuls les pauvres maintenus hors de la globalisation financière paient des impôts.

De fait, la démocratie n’existe plus. La république ne peut se maintenir que si elle est ploutocratique et autoritaire : il ne faut surtout pas suivre l’avis des citoyens qui ferait fuir tous les créanciers privés d’une chose trop publique. Tous les candidats aux prochaines élections municipales sont obligés de prendre position sur cette nouvelle réalité : abandonner la politique réelle à la cupidité financière ou reconstruire les finances de la démocratie.

La politique la plus simple est bien sûr de faire semblant : on promet, on ne fait pas et on jouit de sa position politique pour faire son « business perso ». À l’inverse, le vrai responsable politique ne pourra que reconnaître sa dépendance totale aux électeurs. Il va devoir expliquer que la démocratie est à reconstruire par le travail des citoyens ; que le système politique n’est efficace que pour appliquer la loi délibérée par les citoyens ; et que la justice sociale n’est plus finançable par l’argent mafieux mais seulement par le travail coordonné des citoyens.

Une fois que ces dures réalités seront reconnues devant les citoyens, alors il deviendra possible d’imaginer un vivre ensemble concret du local au global. Si le bien commun public et privé est financé par le travail des citoyens, l’argent des spéculateurs politiques et financiers devient inutile et inefficace. Concrètement, il faut comprendre et expliquer :

  1. que l’arbitrage public de la justice est exclusivement financé en impôts réglés en travail ;
  2. que les fonctions de décision, d’arbitrage et de contrôle sont un travail soumis aux mêmes règles de rémunération que tout autre travail ;
  3. que le vote d’un citoyen dans un pays, une commune, une entreprise ou un marché est un travail rémunéré par la bonne vie morale, matérielle et physique ;
  4. que tout travail est une monnaie légale à la condition que son prix soit publiquement négocié sur un marché où tous les citoyens ont exactement les mêmes droits et obligations.

Ces quatre principes sont déjà inscrits dans les lois la constitution de nos pays. Mais ils sont contournés par les spéculateurs grâce à la négation économique des frontières politiques. Si le pouvoir politique ne peut pas voir ce qui rentre et sort de son périmètre de juridiction, il est évidemment placé dans l’incapacité matérielle d’apprécier la conformité au bien commun de ce que les citoyens vendent et achètent à l’intérieur des souverainetés publiques.

La négation des frontières politiques entre les collectivités locales, les entreprises, les États et les associations d’États s’opère par la monnaie. Depuis les années quatre-vingts, la comptabilité monétaire est un monopole bancaire exclusif. La suppression des barrières douanières entre les États ne permet plus de calculer et de prélever au profit de la démocratie le prix du non-droit à l’extérieur de la démocratie. Enfin, le travail et le capital délocalisables échappent au paiement de l’impôt dû aux autorités d’application des lois.

Pour rétablir le financement de la citoyenneté du bien commun à n’importe quelle échelle, il suffit de restaurer les périmètres de juridiction financière que la déréglementation liberticide a aboli. Le système monétaire de comptabilité des budgets et des bilans doit redevenir une norme et une responsabilité politique publique soumise à la censure des citoyens. La révolution numérique a posé les deux premiers piliers de la compensation des budgets et des bilans par la réalité juridique négociable.

Le pilier le plus ancien est les systèmes comptables informatisés. Le pilier le plus récent est les réseaux sociaux numériques formés sur des intérêts libres représentés par des images numériques déposées dans l’Internet. Le troisième pilier est en cours de développement prêt à l’expérimentation.

La monnaie numérique consiste à intégrer les systèmes de comptabilité dans les réseaux sociaux afin de régler les échanges en crédits et débits numériques personnalisés. Au lieu de la vente et du règlement en monnaie bancaire déconnectés de la réalité économique et juridique, la compensation numérique offre une vérification préalable à toute transaction de la chose contre le prix. La chose ne peut pas être vendue sans la légalité de tous les engagements mobilisés dans la livraison.

L’application de la compensation numérique à l’économie locale est immédiatement bénéfique et liquide. N’importe quelle commune peut transformer son état civil, la liste électorale et la liste des contribuables en cadastre de citoyenneté. Les personnes physiques et les personnes morales de la commune sont toutes dotés d’un compte bancaire local d’offre et de règlement de services échangeables sous la souveraineté communale.

Tous les comptes en euro du budget et des services municipaux ont un reflet dans la caisse municipale de compensation. Tous les objets de crédit et de recette sont inscrits en vis-à-vis des droits et obligations inscrits au nom des contreparties citoyennes. Ces contreparties financières sont les électeurs, les élus, les agents municipaux, les fournisseurs et toutes les collectivités externes liées par des engagements constitutionnels, légaux ou contractuels.

La caisse municipale de compensation est un moteur de consolidation comptable de toutes les transactions d’économie locale effectuées dans la juridiction municipale. Dans tout règlement actuellement effectués en euro s’inclurait la livraison publique des biens et services réglés dans la compensation communale. La différence entre un règlement simple en monnaie bancaire et un règlement communal compensé se trouve dans la fiscalité et dans le contrôle de légalité du bien.

Dans le régime financier actuel, les règlements bancaires délocalisables dans les paradis fiscaux sont légalement soustraits au contrôle de la démocratie. Tous les élus, fournisseurs et clients de la commune peuvent se soustraire à la loi en ouvrant des comptes dans les paradis fiscaux gérables par l’Internet. Les surfacturations et les commissions occultes sont indétectables : les petits contribuables surpayent les services publics qu’ils consomment. Le chômage et la précarité écrasent le coût du travail et assurent les bénéfices fictifs des entrepreneurs multinationaux.

Dans le régime de la compensation numérique communale, laquelle est tout aussi bien intercommunale, nationale ou internationale, tous les acteurs économiques sont nominalement référencés par leurs droits, leurs obligations et leurs engagements. Avant de comptabiliser des règlements par le prix, il faut avoir vendu un vrai bien.

Il est impossible de créditer quelqu’un sans identification de l’objet livrable du travail : l’identification du bien livrable étant publique, n’importe qui et spécialement la personne politique peut contester la réalité du travail annoncé en motif d’un prix crédité à quelqu’un.

Quand un prix ne peut plus régler un travail sans qu’un service réel soit livré à l’observation publique, la monnaie est interdite sans l’existence des produits du travail légalement vérifiables. Le vrai travail de définition du bien commun, de coordination des travaux de production, de mise à disposition des biens de production et de transformation de la demande en offre concrète de service devient la seule monnaie économiquement liquide.

Dans l’économie restaurée du bien commun, un élu travaille à définir le prix des biens collectifs exécutés par le pouvoir administratif. Un crédit budgétaire mesure la dépense publique maximale pour qu’un objet obligatoire de bien public soit effectivement livré à tous les citoyens. Une recette fiscale est le capital consommable sur un exercice budgétaire à tous les travaux de réalisation des biens publics garantis par la commune.

L’excédent des recettes sur les dépenses est capitalisé dans la chambre de compensation comme réserve de garantie de la demande communale. L’offre en biens et services produits à l’intérieur ou importés dans la municipalité, est perpétuellement compensée par la demande formulée dans la politique communale. Le solde budgétaire est la réserve de change dont la finalité est de garantir la convertibilité des soldes communaux de compensation en biens et services réels.

La mécanique de la compensation numérique consiste à soumettre tout objet de bien à une définition déposée légalement vérifiable en droit, en travail et en réalité concrètement livrable. Toute offre compensable est créditée au nom du vendeur et débitée au nom de l’acheteur à la condition :

  1. que le coût fiscal soit réglé par le vendeur ;
  2. que le coût du travail soit réglé par l’acheteur ;
  3. que le coût du risque de crédit soit réglé par les prêteurs de la liquidité financière ;
  4. que le coût d’assurance du bien des citoyens soit réglé par la collectivité publique
  5. et que le vote des citoyens personnes physiques finance la légalité du système public de paiement.

La logique économique, juridique et politique de la compensation numérique est que le pouvoir d’achat de la monnaie réglant les dettes n’est pas étalonné seulement par le crédit des banques. Les électeurs règlent le contrôle du pouvoir politique par leur vote et assurent financièrement ce pouvoir politique par la taxation des revenus et des transactions. Le pouvoir politique règle le contrôle du crédit bancaire en assurant le prix du capital des banques déposé dans la compensation communale.

La compensation numérique est un marché de la monnaie localisé dans une souveraineté politique identifiée et incarnée. Les citoyens y sont effectivement et concrètement garants de la stabilité des banques et des assureurs :

  1. la réglementation du crédit et de l’assurance appartient exclusivement et réellement au pouvoir politique national ou supranational garant du pouvoir politique local ;
  2. le capital bancaire et assurantiel ne peut pas appartenir à des intérêts privés mais uniquement à des sociétés dont le capital est compensable contre le travail effectif du crédit et de l’assurance ;
  3. les dépôts des citoyens que sont les comptes courants débiteurs pour les banques sont intégralement garantis par la compensation numérique dont le capital est exclusivement public ;
  4. un règlement en compensation est garanti par le travail des citoyens, par le crédit compensé des institutions financières, par le contrôle public de légalité et par l’assurance publique du droit des citoyens ;
  5. La rémunération de tout travail de gouvernement de la cité est publique par la fiscalité et par le vote uninominal comptabilisés dans la chambre de compensation au nom des élus et de leurs agents.

L’innovation majeure de la compensation numérique est l’interposition du prix en monnaie entre la réalité économique concrète et la réalité politique immatérielle. La monnaie et la vraisemblance du prix de tout bien effectivement livrable sont vérifiables par une chaîne infinie d’engagements personnels. Tout acheteur est garanti par une chaîne continue de garants économiques, juridiques et politiques. Tout vendeur est rémunéré par une monnaie irrévocablement convertible en biens et services réels.

Par la chambre de compensation publique, les échanges entre l’intérieur et l’extérieur d’une souveraineté communale sont garantis en droit quels que soient les lois, les contrats et les comportements à l’extérieur de la communauté. La mise en équivalence, entre des personnes identifiées égales en droit, de tous les biens et services offerts et demandés à toutes les échéances du présent au futur oblige l’équilibre des prix par le travail réel vérifiable.

Les mécanismes d’ajustement des prix entre l’extérieur et l’intérieur de la communauté de compensation sont absolument classiques. Si la production communale est matériellement insuffisante par rapport à la consommation, la hausse des importations est réglée par la baisse des prix internes, donc la hausse des prix externes. Mais le prix de l’ajustement est réparti sur toute la communauté proportionnellement au solde créditeur ou débiteur de droits locaux dont chacun dispose.

L’effort d’ajustement à un déséquilibre des échanges avec l’extérieur de la commune est objectivement partagé entre les comptes créditeurs de réalité future et les comptes débiteurs de travail immédiat. Pendant que tous les créanciers externes de la compensation communale perdent en pouvoir d’achat externe par la dévaluation locale, ils récupèrent du pouvoir d’achat interne par la dépréciation locale relative du travail et par la baisse des prix des biens et services achetés localement.

Le mécanisme est exactement symétrique entre créanciers et débiteurs, exportateurs nets et importateurs nets, dans le cas d’une production communale excédentaire par rapport à la consommation interne. Les prix externes se dévaluent et permettent d’importer en monnaie locale ce qui ne peut pas être produit localement à cause du plein emploi du travail.

Une commune adoptant la compensation numérique sous la souveraineté française au sein de la zone euro est ainsi parfaitement transparente sur ses échanges et sur sa contribution réelle au bien commun municipal, national, européen et mondial. La localisation numérique des transactions par la chambre locale oblige tout offreur même le plus étranger au droit local à se faire représenter par un citoyen physiquement solidaire du vivre ensemble local.

L’effondrement de l’économie et du bien être mondiaux en pleine révolution industrielle numérique est dû au reniement de la démocratie dans la conscience des élites. La mondialisation numérique permet de se servir sur le bien commun en toute impunité en gardant pour soi le bénéfice des immenses progrès accomplis dans la productivité du travail.

Les prochaines élections municipales en France seront décisives. Les pouvoirs politiques nationaux et multinationaux sont neutralisés par la cupidité financière généralisée dont personne ne veut être particulièrement coupable. Les comptabilités nationales et multinationales permettent de dire n’importe quoi sur des réalités que personne ne peut voir intégralement. La seule possibilité de ressusciter la démocratie est donc locale, là où la réalité du bien commun est visible et palpable.

Il suffit que quelques élus locaux jouent franc jeu avec leurs électeurs et s’engagent à rétablir localement l’état de droit. Alors l’économie du travail infiniment plus rentable que le bavardage mathématico-juridique redeviendra immédiatement attractive pour les énormes masses de liquidité qui ne peuvent plus s’investir dans la production de biens réels.

L’opposition entre la droite et la gauche est un amusement de marketing politique. De l’extrême droite à l’extrême gauche, il y a des spéculateurs cupides ou idiots et des démocrates. Il faut que les démocrates se fédèrent et portent le discours de la réalité vraie. Quand la démocratie sera de nouveau le chemin effectif du bien-être des peuples, il sera temps de pencher à droite ou à gauche. Nos candidats aux municipales n’ont que le choix d’enterrer la démocratie dans le charabia médiatique ou de nous l’expliquer par la compensation.

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