Il y a quelques jours, j’évoquais avec l’un d’entre vous mon admiration pour Darius Milhaud et je me suis mis à fouiner du coup sur YouTube et DailyMotion. Voici ce que j’ai trouvé : une illustration très décadente de son fameux ballet, « Le Bœuf sur le toit » (1919). Ballet sur un thème de Jean Cocteau, destiné à être la musique d’un film de Chaplin et présenté pour la première fois en 1920 avec des décors de Raoul Dufy au Théâtre des Champs-Élysées.
Le metteur en scène ici, c’est Adrian Marthaler, qu’on peut voir ici expliquant – en allemand – sa mise en scène de La Traviata en 2008.
39 réponses à “Darius Milhaud (1892 – 1974)”
Milhaud le Juif réfugié aux Etats Unis en 1940, accompagné de sa fidèle Madeleine.
Milhaud auteur prolifique, son extravagant « Bœuf sur le toit » peut faire penser à Stravinsky, Poulenc ou Satie.
A tort peut-être.
La légèreté de Milhaud est feinte, contrairement à celle de Satie qui est assumée.
La gravité de Milhaud est pudique, contrairement à celle institutionnelle de Poulenc.
Alors Stravinsky et son « Histoire du Soldat ». Mais les deux hommes sont si différents. Milhaud généreux, Stravinsky gestionnaire avisé.
Erik Satie – Première gymnopédie (1888)
ah celle-la j’aime bien! pas de truquage a posteriori comme les précédentes! et vraiment une super muique!
Tout jeune musicien, j’ai rencontré Darius Milhaud au 2ème festival d’Aix-en-Provence (1949) où il était venu en voisin, de même que Stravinski et Honegger, qui habitaient alors en Suisse. Le contraste était étonnant entre les trois hommes, Milhaud, forte corpulence, habillé en notable, faconde, voix douce et gentillesse, Stravinski, l’air absent, monosyllabique, lunettes d’écaille, l’air souffreteux, Honegger, grisâtre, sans relief ni parole. Ils ne semblaient guère sympathiser. Etait aussi là Germaine Tailleferre, autre membre du groupe des Six à laquelle tous semblaient très attachés.
Vendredi, Salle Pleyel, il y avait la 8e Symphonie de Bruckner (l’oeuvre la plus impressionnante qui existe écoutée en direct) par l’Orchestre Philharmonique de Radio France renforcé par des étudiants du Conservatoire et dirigée par un Myung-Whun Chung à la direction aussi mystique qu’implacable.
Un concert fabuleux qu’on peut réécouter ici:
http://sites.radiofrance.fr/francemusique/_c/php/emission/popupMP3.php?e=80000056&d=395001322
Après ça, difficile de parler de Milhaud…
« Après ça, difficile de parler de Milhaud… »
Chez les grecs, l’anacrouse consistait à faire précéder la musique que l’on voulait écouter, par une série de sons émis violemment et sans raison d’être, de façon intentionnelle. Comme pour mieux apprécier le contraste avec ce qui allait suivre.
Vous étiez donc parfaitement en droit de nous parler de Milhaud après avoir écouté Bruckner…
Plus sérieusement il n’est absolument pas dans mes intentions de dresser un palmarès de la musique savante occidentale.
La musique symphonique de Milhaud, est identifiable dès les premières mesures, infailliblement, non pas comme étant de Milhaud, mais comme étant française: précise et ciselée, amoureuse et subtile.
Musique habitée par des polyphonies malicieuses.
Cette « Sérénade » est surprenante, elle sollicite notre attention amusée.
On y découvre même des bribes de Messiaen et de son « Quatuor pour la fin du Temps », le cinquième mouvement, je crois, « Louange à l’Éternité de Jésus », écrit quelques vingt ans plus tard.
En évoquant l’identité de la musique française qui, elle, peut être définie sans équivoque, il est alors possible d’agréger Milhaud et Messiaen dans une « identité française » dont la nature même est rétive à toute définition.
Ce qui pourrait d’ailleurs en être une très bonne définition.
Vous pouvez voir une pièce de Giraudoux après avoir vu Hamlet ou le Roi Lear? Moi non…
« Vous pouvez voir une pièce de Giraudoux après avoir vu Hamlet ou le Roi Lear? Moi non… »
Moi non plus d’ailleurs, mais pour des raisons financières.
C’est la séquence Bruckner/Milhaud qui a suscité mon ironie, ces deux univers étant à des années lumières l’un de l’autre et caricaturalement(allemand) disjoints.
D’accord avec vous que « ces deux univers » sont « à des années lumières l’un de l’autre ». Il y a un qui est un compositeur de premier ordre, un géant de la symphonie, et l’autre qui est un compositeur de 3e ou 4e ordre. Même différence qu’entre Shakespeare, le « histrion barbare » (comme l’appelait Voltaire), et Giraudoux, le « raffiné ».
Moi qui, sûr de mon gout et de mes croyances, croyait aimer un compositeur visionnaire qui se trouve à 19:13 ravalé au rang de compositeur de troisième, voire de quatrième ordre, vous auriez pu et dû me ménager.
La preuve que Milhaud est bien plus un compositeur de 3e ou 4e ordre qu’un « compositeur visionnaire » c’est la « Sérénade » de sa Symphonie de chambre (très difficile à trouver en disque et jamais donnée en concert) que vous nous faîtes écouter.
Moi je suis plus d’accord avec Wagner (« Je ne connais qu’un homme qui approche de Beethoven, c’est Bruckner ») et avec Furtwangler (« Bruckner est, dans l’histoire de l’art européen, un des rares génies auxquels le destin accorde de pouvoir donner une expression au surnaturel et de rendre présent le divin en notre monde humain ») qu’avec vous.
Pour moi un compositeur visionnaire de premier ordre c’est ça (surtout écouté en direct à quelques mètres de l’orchestre et dirigé par des chefs d’un tel calibre):
Le début de la 8e de Bruckner par Haitink:
Le début de la même symphonie par Karajan:
La fin de la 8e par Karajan:
Et par Giulini:
Des extraits de l’adagio et la fin de la 8e commentés et dirigés par Yannick Nézet-Séguin (l’un des futurs très grands chefs):
Et si vous n’êtes toujours pas convaincu de la différence « d’ordre » entre Milhaud et Bruckner, écoutez le début de la 9e par Karajan avec son premier tutti (vers 2′) – bien plus impressionnant encore dans l’extraordinaire enregistrement de Giulini (1) ou celui de Haitink (2):
http://www.youtube.com/watch?v=iZfOHbD9lKY
Et la fin de la 9e par le même Karajan (écoutez surtout vers 4′ le crescendo vers le tutti final, le colossal « adieu à la vie », qui débouche sur une ouverture vers l’Au-delà (après ça on comprend que Bruckner n’ait pas fini sa symphonie):
http://www.youtube.com/watch?v=scsb2dtQGpE
(1) Pour moi le plus beau disque de Bruckner
http://www.amazon.fr/Symphonie-n%C2%B09-Anton-Bruckner/dp/B000001GAM/ref=sr_1_1?ie=UTF8&s=music&qid=1260260287&sr=1-1)
(2) Pour moi la plus belle intégrale de Bruckner
http://www.amazon.fr/Bruckner-Symphonies-Coffret-Bernard-Haitink/dp/B0009A41VU/ref=sr_1_2?ie=UTF8&s=music&qid=1260260361&sr=1-2
Le début de la 8e de Bruckner par Haitink:
Le début de la même symphonie par Karajan:
La fin de la 8e par Karajan:
Et par Giulini:
Des extraits de l’adagio et la fin de la 8e commentés et dirigés par Yannick Nézet-Séguin (l’un des futurs très grands chefs):
Quelle chance nous avons de pouvoir accéder à ces œuvres. Et de les diffuser.
Varese, Ionisation, Boulez et l’InterContemporain.
D’une oubliée, morte très jeune :
Musique classique ou musique savante ?
Préférons, par presque-définition, le qualificatif « savant» à celui de « classique », ce dernier faisant référence à la musique du XVIIIème siècle et de ses marges, uniquement.
Utiliser improprement le qualificatif « classique » pour dénoter ce qui est « savant » est réducteur: en gommant la diversité des influences, il fait apparaître la musique comme un monolithe inaccessible au commun des mortels.
Parler de musique classique est inhibant et malvenu : cette catégorie n’est pas musicale, mais commerciale avant tout.
Ainsi vont, l’Ars nova , les musiques de la Renaissance, le baroque pré-classique, la musique classique, le romantisme, le post-romantisme, les premiers contemporains, Debussy, Ravel, Schönberg, Stravinsky, et les suivants bien sûr, un peu plus proches de nous mais qui, pour la majorité d’entre eux, restent paradoxalement assez ignorés. C’est un sujet en lui-même dont il faudrait parler.
Difficile, dans ce contexte, sauf à céder aux sirènes du marketing musical, d’élire, parmi tous ces grands, les plus grands d’entre eux ; parmi toutes ces musiques, les plus belles d’entre elles.
à (peut-être) suivre …
@Claude Animo
Pourrait-on parler pour certains de musique « expérimentale » ?
J’avoue ne pas toujours accorcher. Ca ne me parle pas. Il me manque peut-être les clés…
Sans être musicologue, il me semble qu’Erik Satie par ex, était « expériementateur », il a ouvert la voie à d’autres.
Et dans la veine de la musique concrète, d’autres « expérimentateurs » récents comme par ex Brian Eno:
Et que penser d’un JS Bach à son époque quand il « osait » sortir des dissonnances que d’autres n’osaient pas à son époque? Nos oreilles sont maintenant +- « habituées » à entendre de telles dissonances, mais à son époque ? Par ex Fugue N° 24 du 1er Livre du Clavier bien tempéré:
La musique savante a toujours produit ses expérimentateurs, initiateurs de nouvelles écoles pour certains ou personnalités fulgurantes mais isolées pour d’autres.
Satie « [qui] est venu au monde très jeune dans un temps très vieux » est un expérimentateur de cette dernière espèce, c’est à dire isolé, non dans sa fratrie, mais dans sa descendance.
Lucide envers lui-même et les autres, il n’a d’ailleurs jamais souhaité fonder d’école.
Je ne saurais qualifier Brian Eno, dont je connais très mal l’œuvre, d’expérimentateur ou non.
Par contre il est sans conteste le produit d’expérimentations qui se sont propagées en cascades. Ainsi John Cage, qui inspira Eno, fut influencé par Schönberg, lui-même issu du post-romantisme. Cette chaîne, « bout de ficelle, selle de cheval », illustre assez bien ce mécanisme de filiation.
A propos de Bach, tout jugement sur son œuvre doit être formulé avec humilité. Pas seulement pour Bach d’ailleurs.
Petit rappel :
La dissonance est vraisemblablement d’origine culturelle. Rien ne devrait indiquer qu’elle est liée à une physiologie particulière de notre système auditif.
Parmi les dissonances répertoriées, il en est une célèbre : celle incarnée par l’intervalle dit du triton qui s’étend sur trois tons, soit une demie octave : par exemple l’intervalle [do, fa#] est un triton.
La musique Grégorienne, a certainement contribué à populariser, chez ses contemporains, le triton, en en faisant un emploi fréquent.
Sa culturelle dissonance était telle, que le triton fut rapidement qualifié d’intervalle du diable. Ni plus, ni moins.
Bach, mais pas seulement lui, utilise la dissonance comme élément déstabilisateur qui sera « résolu » par l’arrivée à peine retardée d’une consonance ressentie alors comme libératrice. La victoire du Bien sur le Mal en quelque sorte.
Nous serions donc écartelé entre sujétion et autonomie. Rien moins que cela.
Je reviens à Satie, et à une de ses œuvres majeure, Parade.
Je n’ai pas trouvé d’exemple donnant l’intégralité de la pièce. Celui que j’ai dégoté se termine de façon abrupte, au milieu d’une note, ce qui est fort déplaisant.
Néanmoins, écoutez le jusqu’à la fin, au risque bien sûr, d’être sérieusement frustré. Je vous aurai prévenu.
Dernière minute:
ICI, il est possible d’écouter toutes les pistes, dont Parade, composant le disque.
Robert Wyatt et Soft Machine
@ Claude Animo
« La dissonance est vraisemblablement d’origine culturelle. Rien ne devrait indiquer qu’elle est liée à une physiologie particulière de notre système auditif. »
L’excellent documentaire « L’Instinct de la musique » de Elena Mannes, passé sur Arte il y a 2 mois démontre le contraire.
« Qu’est-ce que la musique ? D’où vient sa capacité à toucher chaque individu? Comment agit-elle sur notre cerveau? Le musicien Bobby McFerrin et le neuroscientifique Daniel Levitin accompagnent Elena Mannes dans sa quête de l’essence de la musique. Ils voyagent des laboratoires aux salles de concert, des unités de soin utilisant la musique comme thérapie aux villages camerounais où se perpétuent des pratiques ancestrales. De nombreuses questions se posent au fil de leur longue enquête. En particulier, existe-t-il une biologie de la musique, est-elle le propre de l’homme, et peut-elle guérir une maladie? »
Vous pouvez le voir sur:
http://www.dailymotion.com/video/xauh6d_1x7-linstinct-de-la-musique_tech
Aucun enregistrement d’Erik Wyatt ni de Robert Satie. Je recherche fébrilement ceux de Jean-Sebastien Eno.
Pour faire le lien avec d’autres sujets abordés sur ce blog…
Will Wright and Brian Eno Play with Time
The Long Now Foundation
http://fora.tv/2006/06/26/Will_Wright_and_Brian_Eno
Summary
In a dazzling duet Will Wright and Brian Eno give an intense clinic on the joys and techniques of « generative » creation.
Back in the 1970s both speakers got hooked by cellular automata such as Conway’s « Game of Life, » where just a few simple rules could unleash profoundly unpredictable and infinitely varied dynamic patterns. Cellular automata were the secret ingredient of Wright’s genre-busting computer game « SimCity » in 1989.
Eno was additionally inspired by Steve Reich’s « It’s Gonna Rain, » in which two identical 1.8 second tape loops beat against each other out of phase for a riveting 20 minutes. That idea led to Eno’s « Music for Airports » (1978), and the genre he named « ambient music » was born.
@pablo75
« L’excellent documentaire « L’Instinct de la musique » de Elena Mannes, passé sur Arte il y a 2 mois démontre le contraire. »
J’insiste sur le fait que la perception de la dissonance est vraisemblablement acquise culturellement.
D’ailleurs toute tentative de définition de la dissonance est rapidement infirmée par des contre-exemples : au Moyen Age, la tierce était considérée comme dissonante elle ne l’est plus aujourd’hui, la quinte et la quarte étaient agréables à l’oreille elles le sont moins de nos jours, c’est encore Rameau et bien d’autres qui utilisent abondamment des accords dissonants pour leurs qualités acoustiques … On pourrait citer des dizaines d’exemples de ce type.
L’émission à laquelle vous faites référence, à l’appui de votre « démonstration », ne parle pas de la perception de la dissonance, elle fait allusion une fois je crois au sentiment de panique induit par certains sons.
En outre elle collectionne tous les poncifs ayant cours sur la musique.
Aucun d’entre eux ne nous est épargné, aussi bien par l’image que par le discours.
La seule chose qui est dite et avec laquelle je suis d’accord est qu’il est nécessaire de posséder un cerveau et des oreilles, parfois, pour être sensible à la musique.
@ Claude Animo
-« J’insiste sur le fait que la perception de la dissonance est vraisemblablement acquise culturellement. »
Votre phrase est contradictoire: vous insistez sur le fait que vous n’êtes pas sûr de ce que vous dites. Ou vous enlevez le « vraisemblablement » de votre phrase, ou vous arrêtez d’insister.
-« L’émission à laquelle vous faites référence, à l’appui de votre « démonstration », ne parle pas de la perception de la dissonance, elle fait allusion une fois je crois au sentiment de panique induit par certains sons. »
Je crois que vous n’avez pas du tout regardé de documentaire extraordinaire. Toute la 3e partie (dans le découpage de DailyMotion), qui dure14 minutes, traite de ce thème. On y voit même la preuve que les bébés de toutes les cultures préfèrent la consonance à la dissonance. Le documentaire répond par l’affirmative à la question « est-t-il possible que nos préférences musicales se forment avant la naissance? ». On y voit une scientifique prouver que les bébés qui viennent de naître ont déjà certains acquis en musique.
-« En outre elle collectionne tous les poncifs ayant cours sur la musique. Aucun d’entre eux ne nous est épargné, aussi bien par l’image que par le discours. »
Mais vous ne citez aucun. Et pour cause: il n’y a absolument aucun. Ce passionnant documentaire parle des zones du cerveau touchées par la musique (dont l’une est le siège de nos émotions profondes), il répond à la question: quand on écoute de la musique « qu’est-ce qui provoque la chair de poule, que se passe-t-il dans le cerveau qui déclenche ce phénomène? » Et aussi à celle-ci: « comment se fait-t-il qu’une émotion dépend du fait qu’une note soit plus ou moins longue qu’une autre? à quoi c’est dû? pourquoi la musique nous touche-t-elle tant? ».
Dans ce documentaire des scientifiques examinent « la musique au microscope », analysent le son (le physicien B. Greene), montrent que « l’expérience de la musique est profondément ancrée dans notre physiologie », analysent « les effets physiologiques de la musique », prouvent que « l’homme a un instinct musical » (« on naît tous avec un module musical qui nous permet d’apprendre les règles de tout style musical »), analysent « l’interaction entre le cerveau et la musique ». On y parle aussi des premières traces de la musique il y a 40 000 ans, qui sont des instruments: on y voit la plus vieille flûte trouvée à ce jour.
La deuxième partie de ce documentaire (entre autres thèmes) répond à la question: « qu’est-ce qui est universel dans la musique et qu’est-ce qui nous influence à travers l’empreinte culturelle? ». On assiste à un test fait avec des Camerounais vivant à l’écart de toute civilisation et n’ayant jamais entendu de la musique occidentale. On les voit réagir comme nous aux mêmes sons, ce qui prouve que la même musique produit les mêmes effets partout: « la conclusion est évidente: le contenu émotionnel de la musique est inhérente à la musique, on ne le décode pas uniquement grâce à notre empreinte culturelle.[…] C’est donc la musique elle-même qui semble susciter notre réaction émotive indépendamment de notre culture ou de toute classification par genre musical ». La dernière phrase de ce documentaire que tout amateur de musique devrait voir, résume en une phrase ce qu’il a prouvé pendant presque 100 minutes: que « la musique est inscrite dans le plus profond de notre être ».
Mais pour vous « la seule chose qui est dite et avec laquelle je suis d’accord est qu’il est nécessaire de posséder un cerveau et des oreilles, parfois, pour être sensible à la musique. »
Ça doit être pour ça, d’ailleurs, que la cinquième édition du festival international du film scientifique de Paris, Pariscience, a donné cette année le Grand Prix Pariscience–Ville de Paris à ce documentaire.
Ce soir Salle Pleyel on donne la 9e de Bruckner dirigée par Myun-Whun Chung. Si vous habitez Paris, venez l’entendre de près (il restent quelques places) et si vous voulez on discute à la sortie de la différence qu’il y a entre ce chef-d’oeuvre et par exemple le « Cocktail pour voix et quatre clarinettes » (1920) de Milhaud (puisque pour vous c’est un compositeur de premier ordre), oeuvre où « un barman chante le texte d’une recette sous forme de récitatif, et le répète à son gré. Les instruments qui l’accompagnent jouent indépendamment leurs parties, sans aucune coordination. A la fin de la partition, les instrumentistes attendent leurs partenaires en prolongeant une note tenue ».
(Si vous ne pouvez pas aller, vous pouvez écouter le concert sur France-Musique ou le regarder sur http://liveweb.arte.tv/)
@ Pablo75
Quand il s’agit de musique, le chemin est miné qui devrait nous mener à une meilleure compréhension du domaine.
Difficulté qui ne fait que s’accroître quand « l’échange » se fait dans le cadre d’un blog.
Les arguments d’autorité sont fréquemment utilisés et, la subjectivité aidant, l’expression narcissique est souvent présente.
Est-il possible d’exprimer, hors de toute pollution sémantique, ce qui nous apparaît musicalement essentiel ?
Une réponse possible est de privilégier « le faire ».
Et le faire a besoin de la vraie vie, donc de rencontres et d’échanges.
Ce n’est pas une condition suffisante, mais elle est pour le moins nécessaire.
En musique la pratique instrumentale peut jouer ce rôle, d’autant plus quand elle est inscrite dans un cadre collectif.
Concrètement, j’aurais bien parlé avec vous, en après-concert des mérites respectifs de Bruckner et de Milhaud, mais ce serait comme demander à un enfant, qui, de son père ou de sa mère, est celui qu’il préfère (le lard répondent les Vosgiens).
Cordialement
» En art, il n’y a qu’un critère: la chair de poule » disait Kurt Tucholsky. C’est aussi mon seul critère. Dimanche dernier, dans le programme de tests en aveugle des meilleurs interprétations d’une oeuvre » La tribune des critiques de disques » sur France Musique (1) on parlait de la 9e de Bruckner (ou plutôt de 6 enregistrements sur les 147 qui existent) et l’un des participants a dit que la musique de Bruckner passe par le corps, vous traverse. C’est exactement la sensation qu’elle donne en direct.
Moi ni Milhaud ni Schoenberg et encore moins les « expérimentateurs » (comme dit Fujisan plus haut), les Boulez et compagnie (et n’en parlons pas du pitre J. Cage), me donnent la chair de poule ou me « traversent », contrairement à Bruckner – mais aussi à Bach, Scriabin, Sibelius ou Chostakovich, entre autres. La modernité et autres critères extérieurs aux oeuvres, me laissent froid. Je n’oublie pas que Bach (pour moi le champion incontesté de la chair de poule) était considéré à son époque comme un musicien ringard (c’est ses fils qui étaient « modernes » – on connaît la suite…).
Je suis d’accord avec vous que c’est inutile de discuter de musique. Je n’aurais rien dit de l’auteur du » Boeuf sur le toit » si vous n’aviez pas entamé la « conversation » après ma remarque « Après ça, difficile de parler de Milhaud… »
(1)
Vous pouvez écouter l’émission (très intéressante, surtout pour ce qu’on y a dit sur les prises de son en général et celles de Bruckner en particulier) sur http://sites.radiofrance.fr/francemusique/em/critiques/emission.php?e_id=65000059
Bonsoir, la dissonance, ha la dissonance.. Ecoutez les 2 1erminute de ce concerto, ce n’est que de la dissonance mais..consonante pardi. Je veux dire que quelle que soit les époques, si un compositeur veut faire une « Vraie » dissonance, il trouvera le moyen de se faire comprendre avec le matériel culturel de son époque. Par exemple Beethoven dans la sonate au claire de lune nous offre une dissonance convenue, mais poignante, alors que dans son 4em concerto, dans l’introduction, existe une vraie dissonance avec prise de risque, contenu de son époque. Alors qu’est ce qu’une vraie dissonance. Un calcul maîtrisé du compositeur pour faire évoluer, voir casser, son propre système issu de son environnement culturel; La fausse note n’est pas une dissonance mais elle y ressemble furieusement par le dérangement qu’elle procure. L’harmonie ne traite pas du beau ou du laid, c’est trop simple, elle s’occupe de l’intervalle entre les notes. Suivant les époques, certains ont la côte (la blue note) d’autres non, (le demi ton). Perso j’ai composé une oeuvre superposant 2 demi tons francs sans que ça soit nécessairement agressif. Tout dépend de l’intention du compositeur donc. le jazz est très prise de risque pour ça, Cecil Taylor par exemple.
OMAR YAGOUBI, MUSIVUM OPUS concerto percussions 1 mystérieux
envoyé par zaprouder. – Regardez d’autres vidéos de musique.
« ce n’est que de la dissonance mais..consonante »
Vous rejoignez, sur ce point, la pensée de Schönberg qui ne considérait pas la dissonance comme étant une notion intrinsèque mais seulement un état de « consonance », au sens étymologique du terme, plus ou moins palpable ou signifiante dans le contexte où elle s’exprimait.
« Tout dépend de l’intention du compositeur … »
… de celle de l’auditeur et de leur « complicité » aussi.
Pour Milhaud, je suis tout désolé qu’on oublie son grand ami Jean Wiener. J’ai créé sa sonate pour Darius Milhaud, on peut peut-être la trouver encore au « chant du monde ». Car voici des créateurs français cosmopolites. Jean était le pianiste du Boeuf sur le toit. Sa biographie fait état d’un lieu ou se côtoyer picasso, satie, stravinski, diaghilev etc. Quelle réponse auraient-ils apporté à la question de l’identité française eux ?? La France n’était pas seulement hexagonale à cette époque que j’aurais tant aimé connaître, elle était ouverte et pluri disciplinaire comme dans le boeuf sur le toit ou les « salade de musique du théâtre des champs élysée organisés par Jean.
A lire : Allegro appassionato de Jean Wiener, autobiographie. Il y parle beaucoup de Darius.
@ Omar Yagoubi 10 décembre 2009 à 22:21
Il faut être bien courageux aujourd’hui pour aborder l’identité nationale à propos de Darius Milhaud dont j’apprécie l’œuvre. C’était à une autre époque où l’interpénétration des cultures pouvait s’opérer sans problème. La France à l’époque n’était pas qu’hexagonale, elle était un vaste empire jusqu’au jour où un homme plus courageux que ceux qui l’avaient précédés décida de se saisir d’un problème qu’il fallait regarder en face plutôt que de le nier. Il ne régla qu’une partie de la question en laissant à ses successeurs le soin de parachever l’oeuvre. Il semble que ce qui reste à faire se résoudra tout seul car en fait il ne subsiste aucun problème. Souhaitons que ce soit vrai.
@jducac 11 décembre 11: 38
bonjour, de qui parlez vous au fait pour celui qui regarda le problème en face?Mais je suis bien d’accord, la France a muté, l’empire n’existe plus, et je ne suis pas passéiste. Il n’y a problème que pour ceux qui en voudraient un en fait, pour des raisons de confort et de paresse intellectuel à mon avis. C’est ma position sur beaucoup de sujet. La modernité en musique par exemple « être résolument moderne, c’est être le brillant allié de ses propres fossoyeurs ». On peut l’appliquer à la notion de Nation également. Comme en musique pour les notes, les nations pour les peuples sont un flot continue rebelle à la rétention des courants. Bien sûr, on peut tenter d’essayer de figer (par un débat creux) pour un temps l’expansion culturelle et sociale, par peur du changement souvent, par manque de perspective aussi, et ressentir les changements comme des dissonances agressives et incongrues. Il n’empêche que la musique annonce souvent les subtiles modifications, en l’occurence pour nous aujourd’hui, le paradoxe d’un musique internationale de quartier. D’une économie internationale de quartier pour faire phase avec ce blog..
Je pensais à Charles de Gaulle et ne rêve pas du tout d’un empire. Sincèrement avez-vous trouvé beaucoup de français qui rêvent d’un empire ? Je n’aspire qu’à une France où chaque français, quelle que soit son origine, se sente avant tout français, fier et heureux de l’être. J’ai conscience que ça n’est pas le cas et, comme j’estime que nous sommes tous un peu responsables, je me dis qu’il vaut mieux en parler entre-nous pour mieux échanger nos perceptions et œuvrer afin d’améliorer les choses. Je ne suis pas le seul à m’interroger sur ce sujet. Je vous donne l’adresse d’un site ci-dessous. Il m’a beaucoup intéressé et suis prêt à poursuivre notre échange quand vous l’aurez lu. Quant à ceux qui ne sont pas français, je leur souhaite un bon séjour sur notre sol dès lors qu’ils respectent nos lois. Bonne lecture.
http://www.danielmartin.eu/France/France.pdf
merci, c’est bien à lui que je pensais aussi, mais je ne peux lire votre lien, la page est vide sur mon ordi.
Rêver un empire, oui, il serait bien difficile d’accorder de l’attention à un tel cauchemard. Je suis, comme vous, heureux dans mon petit village, en France, ici et maintenant. Pour autant, j’aspire également à plus de discernement dans le prêt à penser de mes contemporains. Je suis extrémement critique sur les dogmes en général « il croit qu’il sait, il ne sait pas qu’il croit.. », je pense que le débat sur l’identité est un masque, un leurre pratique pour gommer pour un temps des réalités qui vont nous exploser à la figure. ça m’embête beaucoup pour mes enfants voyez vous, je ne sais quoi leur répondre quand à l’évidence on se moque de nous, utilisant notre argent pour renflouer des privés incompétents ou endormir la jeunesse avec une télévision omniprésente et idéologiquement douteuse, l’esprit colonial, la violence et la cupidité comme crédo. Je suis pessimiste sur l’avenir des gens de ma génération, nous qui avons pour encore un temps un certain pouvoir de décision, les 50-70 ans disons.
Vive la musique, et vive la France, nous pouvons continuer ce débat ici. Après tout, l’idée de ce blog est transversal. @mitiés
Pour le lien, il vous donne accès à un livre de plus de 400 pages en PDF, il faut attendre un certain temps pour qu’il apparaisse. Je vous souhaite une bonne lecture.
Le monde musical est un monde merveilleux qui, même pour moi qui ne suis pas un grand mélomane, nous permet l’évasion. A l’époque présente, j’ai l’impression qu’alors que l’iceberg est annoncé, l’orchestre qui plonge l’auditoire dans la délectation musicale ne fait que l’anesthésier. Il fait oublier la réalité en retardant l’instant du plongeon dans l’eau glacée. Nous avons besoin de réfléchir à la réalité qui s’impose à nous même par la voie musicale.
Comme vous l’évoquez, une certaine proportion de notre jeunesse se sent larguée et le chante (non le crie) sur le ton (rythme) d’une musique internationale de quartier. Cette musique est rugueuse, râpeuse, gutturale et peu engageante pour ceux qui aspirent à la douceur de vivre. Il faut renoncer à espérer la mélodie et s’appliquer à entendre les messages qui expriment plus souvent la haine que l’amour. On ne peut pas laisser une partie de notre jeunesse exprimer ainsi sa douleur sans chercher à la comprendre et sans l’aider à se construire dans une autre perspective.
Le débat sur l’identité nationale nous en offre l’occasion et nous appelle au devoir. Il faut se parler. Malheureusement à cause du manque de lucidité, du manque de courage et d’un esprit de dénigrement systématique, beaucoup refusent d’y participer. Ce n’est pas mon cas.
À voir
http://liveweb.arte.tv/fr/video/L_orchestre_Philharmonique_de_Radio_France_interprete_Schubert_et_Bruckner_a_la_Salle_Pleyel/
merci 🙂
Vous en pensez quoi, Omar, de la direction de Myung-Whun Chung?