Billet invité
La ligne réaliste s’impose à Bruxelles. Contre la Commission qui cherchait à rééditer un sauvetage comme celui de la Grèce, en s’appuyant sur des prévisions de rentrées fiscales inatteignables, la raison l’a en quelque sorte emporté. Une restructuration de la dette s’imposait et, comme elle ne pouvait pas être opérée sur les obligations souveraines chypriotes (dont les banques chypriotes sont dépositaires), elle l’a été sur les dépôts. Un prêt couvrant l’ensemble des besoins n’était pas pensable, au vu des capacités de remboursement du gouvernement, en raison de la disproportion entre les bilans bancaires et le PIB du pays. Une situation qui n’est pas propre à Chypre, soit dit en passant, et qui résulte du volume disproportionné des actifs financiers par rapport à l’économie réelle.
Afin de préserver l’avenir, le président chypriote voulait que le taux retenu pour la taxe soit inférieur à 10 %, craignant la réaction des déposants russes. Elle ne s’est pas fait attendre, l’expert Pavel Medvedev dénonçant ce matin « un acte barbare » et Vladimir Poutine une mesure « injuste » et « dangereuse », tendant une perche pour que le taux supérieur soit abaissé. La ponction sur les avoirs d’origine russe serait de l’ordre de 2 à 3 milliards d’euros.
Il n’y avait pas de bonne solution à l’équation dès lors que les dépôts étaient en jeu, l’obstacle du vote au parlement chypriote n’étant pas encore franchi, les députés faisant également face à la réaction de leurs électeurs. Des négociations européennes de dernière minute tentent de rendre plus acceptable l’accord. Mais 5,8 milliards d’euros doivent être recueillis et les deux taux sont liés entre eux dans l’équation : baisser l’un, c’est augmenter l’autre. Le discours de Nicos Anastasiades, le président chypriote, défendant « la moins douloureuse des solutions » et appelant à une renégociation des taux, n’apporte pas de solution à ce dilemme. Il a seulement pu annoncer que les déposants qui ne retireraient pas leurs fonds, une fois ceux-ci taxés, seront récompensés en recevant des obligations s’appuyant sur les recettes futures des ressources de gaz naturel de l’île, dans l’espoir de motiver les plus riches d’entre eux, qui peuvent s’attendre à être davantage ponctionnés à la faveur de la renégociation en cours. Mais, quelle que soit la formule finalement choisie, il ne sera pas possible d’exempter les déposants en dessous de 100.000 euros, dont les dépôts représentent 35 % de l’ensemble, car cela augmenterait la ponction sur les plus riches d’une telle manière qu’ils retireraient à coup sur le restant de leurs fonds et précipiterait la chute des banques.
Généralement irrésistible, le signal a sonné dans toute l’Europe : celui d’une ruée sur les guichets des banques qui n’a pas besoin d’être déclenchée pour être entendu. L’alarmisme est superflu. Ce signal balaye tous les discours sur l’union bancaire et la mise sur pied d’un fonds européen de garantie des dépôts bancaires, qui ne voyait de toute façon pas le jour même sous la forme élémentaire de la coordination des fonds nationaux existants. Que penser en effet de la capacité des gouvernements italien, espagnol et portugais à assurer réellement les dépôts bancaires en cas de coup dur ? Quelle conclusion reste-t-il à en tirer ? Une taxe sur les dépôts était impensable, il n’en est plus de même aujourd’hui.
Le ver est dans le fruit, comment la logique d’une restructuration de la dette pourra-t-elle être désormais arrêtée ? Après la Grèce, Chypre montre la voie.
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VIENT DE PARAÎTRE « LA CRISE N’EST PAS UNE FATALITÉ », 280 pages, 13€.
Je propose que l’on offre aux Ukrainiens un missile balistique intercontinental vide et qu’on le balance en plein centre de…