Billet invité, paru cette semaine dans La Tribune
Après Barclays et UBS, RBS vient à son tour de se voir infliger une énorme amende au titre de ses manipulations des taux de référence du marché monétaire du Libor. En vertu de ce qui semble être un jeu de bascule, les amendes pleuvent pendant que la régulation financière piétine, pouvant faire croire que les premières sont finalement considérées plus dissuasives que les secondes, ou bien que les régulateurs interviennent là où ils ont les coudées plus franches.
Cela n’est pas fini, car une dizaine d’entre eux poursuivent des enquêtes impliquant une vingtaine de banques. Après s’être élargie du Libor à l’Euribor, la suspicion gagne le Tibor au Japon. Un ex-trader japonais y accuse les banques d’avoir constitué un cartel et de faire monter artificiellement le Tibor, avec pour effet de profiter du différentiel entre celui-ci – sur lequel leurs crédits sont indexés – et le yen Libor dont leur financement dépend. La famille entière de ces taux qui influent sur les prix de milliers de milliards de dollars d’actifs est désormais touchée, les cas de tricherie bénéficiant de procédures permissives se sont généralisés en raison d’un conflit d’intérêt exemplaire.
L’actuel projet britannique de réforme ne prend pas le chemin de le réduire. La British Banker’s Association mise hors jeu, les banques faisant partie du futur panel devront être autorisées par le FSA, le régulateur, et le nombre d’indices (suivant les maturités et selon les monnaies) sera restreint. Des contrôles ponctuels seront effectués pour vérifier la véracité des déclarations des banques, et celles-ci resteront confidentielles pendant trois mois, afin d’éviter toute stigmatisation (en cas de taux élevé d’une banque).
Faute de l’intervention d’un organisme public, rien ne garantit toutefois que ces dispositions empêcheront les banques de recommencer ! Peut-on confier la fixation de taux de référence à ceux qui sont les premiers à en jouer ? Cette situation n’est pas sans rappeler celle des agences de notation, qui se sont lourdement trompées dans leurs notations des produits dérivés : quelle en est l’origine, si ce n’est leur statut privé et la défense des intérêts commerciaux qui en découle, au nom desquels elles ne peuvent pas reconnaître ignorer comment évaluer un risque ?
Placé devant la défection du panel de l’Euribor de cinq banques, dont on peut supposer qu’elles cherchent ainsi à s’exonérer de toute faute passée ou future, Michel Barnier, commissaire aux services financiers, annonce une disposition rendant obligatoire pour certaines d’entre elles la déclaration de leur taux de référence. La Commission devrait présenter courant second trimestre 2013 un projet de réforme de l’Euribor, annoncé il y a quelques mois comme pouvant inclure une supervision publique. Mais la BCE a depuis refusé de s’impliquer, considérant que la procédure relevait du marché, et l’on ne sait ce qu’il en sera finalement.
Lorsque l’on revient à la case réforme, on a tout lieu d’être circonspect en ces temps de pseudo séparation des activités bancaires et d’union bancaire prenant des chemins de traverse. Que penser de ce système financier qui, certains de ses fleurons pris la main dans le sac de manipulations et de tromperies, parvient à préserver à des endroits-clés de son fonctionnement – la formation des taux de référence du marché monétaire et la notation des entités et actifs – une autonomie dont on a pourtant mesuré les conséquences quand elle se prévaut de l’autorégulation ?
1) On peut utiliser des bombes nucléaires pour stériliser l’entrée d’abris souterrains (au sens galeries bien bouchées, comme au sens…