Billet invité. Paru dans « La Tribune » du 1er au 7 février
Hier portée sur la spéculation affectant les prix des matières premières alimentaires ainsi que sur l’émission de CO2 engendrant des bouleversements climatiques, l’attention se focalise aujourd’hui sur de nouveaux dérèglements, monétaires et fiscaux ou atteignant la sphère des biens culturels.
La guerre des monnaies monte en puissance. Opposant initialement les Américains aux Chinois – coupables de maintenir un cours bas du yuan – elle s’est ensuite étendue, les premiers ayant répliqué en favorisant la baisse du dollar. Les monnaies convertibles des pays émergés ont ensuite grimpé, qui se protègent tant bien que mal avec la bénédiction d’un FMI dérogeant aux principes. Enregistrant des déficits commerciaux, les dirigeants japonais viennent à leur tour d’entrer en guerre, avec pour conséquence que le yen baisse par rapport au dollar et que l’euro grimpe vis-à-vis de l’un et de l’autre. Un instant évoquée, la réforme du système monétaire international est repoussée au plus tard possible par des États-Unis qui ont tout à y perdre, mais ses dysfonctionnements, comme la course à la dévaluation compétitive, y conduisent immanquablement.
Une optimisation fiscale à grande échelle fait des ravages en ces temps de résorption des déficits budgétaires, à laquelle elle fait obstacle en réduisant les recettes publiques. Une enquête du Wall Street Journal vient de révéler qu’environ trois quarts des 1.700 milliards de dollars déclarés investis par les filiales étrangères de grandes entreprises comme Google et Microsoft sont en réalité déposés par celles-ci sur des comptes bancaires américains, échappant néanmoins au fisc en s’appuyant sur des finesses de la réglementation fiscale ! En amont de ce mécanisme, les filières européennes de l’évasion fiscale sont dévoilées. Elles utilisent la tête de pont irlandaise, puis la plaque tournante des Pays-Bas, voie royale vers les paradis fiscaux en raison d’une fiscalité avantageuse pour les royalties et des conventions fiscales avec ceux-ci (*). Bien que répertoriées, les techniques éprouvées de l’optimisation fiscale laissent les administrations fiscales nationales démunies, quand elles ne sont pas complaisantes.
Les industries électroniques, informatiques et de télécommunication pratiquent pour leur part un transfert de valeur – dont font cette fois-ci les frais des industries culturelles et de l’information en mal de modèle économique – accaparant les ressources commerciales de l’économie numérique au détriment des acteurs apportant les contenus. Dans le domaine de l’information, des négociations ont finalement lieu pour obtenir des royalties, mais elles sont tardivement tenues de manière dispersée, dans le cadre d’un rapport de force défavorable.
Dans leur diversité, ces dérèglements ont en commun d’appeler des solutions qui n’acquièrent tout leur efficacité qu’à l’échelle internationale, comme c’est le cas de la régulation financière. L’exemple inaccompli de celle-ci justifie les craintes qu’il n’y soit pas davantage parvenu. Les velléités d’instaurer une nouvelle gouvernance mondiale, lors des premiers G20, a fait long feu, et le traitement par l’OCDE du dossier des paradis fiscaux n’est pas un modèle. Le FMI semble paralysé. Les négociations à propos de l’émission de CO2 n’avancent pas et la spéculation financière sur les produits agricoles continue. La capacité du système à se réformer n’en sort pas démontrée, c’est bien là le problème.
—-
(*) Sandrine Cassini, La Tribune du 25 janvier 2013.
» Voyou » …?…plutôt..!