Billet invité.
Venant hier de tous les coins de la planète, des informations nous signifient comment le monde est en train de radicalement changer, sans que nous en prenions garde et que cela soit toujours conforme au discours ambiant.
Le nouveau miracle – chinois dorénavant – a son revers qui vient d’être reconnu par les autorités : les écarts de revenus s’accroissent, selon le coefficient Gini qui les mesure. Il a très largement dépassé la côte d’alerte, qui est de 0,4. Selon le Bureau national des statistiques chinois, il était de 0,491 en 2012, un bond par rapport à l’année 2000, où il avait été calculé pour la première fois et évalué à 0,412. Voilà qui modifie les prospectives qui ne mettent en avant que le développement des classes moyennes et l’élévation générale de la richesse. Le phénomène n’est pas propre à la Chine. L’augmentation de la richesse génère celle des inégalités.
Toujours à propos des pays émergés, dont on pressent que leur modèle de société va jouer un rôle important dans l’avenir, mais selon un autre angle, un site intitulé Poderpedia a été mis en ligne au Chili, sur lequel il est possible de suivre à la trace les relations qui unissent le monde des affaires et de la politique. Plus de 4.000 personnalités y sont répertoriées, offrant ainsi une autre vision : celle de la structure du pouvoir au Chili, dont la concentration apparaît dans sa vérité nue. C’est un champ d’étude prometteur pour ceux qui veulent s’y plonger, sans qu’il soit besoin d’aller voir si loin.
Tout n’est pas nécessairement noir dans ces pays pourtant, si l’on considère les nouvelles dispositions en faveur de la culture adoptées par le gouvernement brésilien. Le « Vale-cultura » (Bon-culture) prend la suite de la Bolsa familia (le porte-monnaie familial) destiné à lutter contre la faim. Il ne concerne cependant pas les mêmes catégories de Brésiliens, car il est financé par les entreprises du secteur formel, qui peuvent déduire le coût des bons qu’elles émettent de leurs charges sociales, seuls 10% de la valeur du bon restant à la charge des travailleurs. Mais les dizaines de millions de bénéficiaires de la Bolsa familia travaillent dans le secteur informel et n’y auront donc pas accès.
Changement de décor : la Sacem, chargée en France de distribuer leurs droits d’auteurs aux ayant-droits, dénonce « un transfert massif de valeurs » en faveur des industries électroniques et informatiques au détriment de l’industrie culturelle, profitant d’un créneau politique et de la prise de conscience de l’optimisation fiscale à grande échelle opérée par les grands acteurs de l’Internet. À « l’exception culturelle », elle oppose « l’exception numérique », créée par « une asymétrie injustifiée de régulation » (quand les technocrates parlent aux technocrates !). Nous ne sommes pas loin de l’accaparement illicite, qu’en dit le marché ?
Il joue aussi parfois de sales tours ! C’est en tout cas ce qui ressort du marché des quotas de CO2, mis en place en 2003, qui était destiné à financer les investissements dans le secteur des énergies renouvelables. Trop de permis ont été distribués alors que l’activité économique s’est ralentie et le marché est à l’arrêt. Des discussions en cours portent sur le gel d’une partie des droits à émettre du CO2 mis en réserve par les entreprises, faute d’acquéreurs, afin de relever le prix du carbone. Mais une question doit au préalable être réglée par le Parlement européen : est-il possible d’intervenir sur le marché en gelant des droits d’émission et ne faut-il pas le laisser faire ? En attendant, il ne sert à rien du tout.
Et, puisque l’on en est au marché, les junk funds enregistrent actuellement des entrées record de fonds à la recherche de hauts rendements, dont les opportunités se font de plus en plus rares. L’appétit du risque est revenu, les pertes précédemment enregistrées en raison de risques pris dans l’insouciance oubliées. Des analystes en viennent à critiquer les injections des banques centrales et leurs bas taux d’intérêt, les assimilant à des distorsions de marché qui créent une nouvelle bulle et risquent de mener les investisseurs droits dans le mur. L’absence de régulation n’est pas faite pour les rassurer. Ce système est décidément fait de contradictions dont il n’est pas sûr que le marché en soit le meilleur rempart… À quel Saint se vouer ?
@Khanard, Merci pour ce commentaire stimulant et bienvenu. Il me fait penser à cette phrase de Hölderlin : « Là où…