Je poursuis la publication des chapitres de Principes des systèmes intelligents. On passe ici aux choses sérieuses : à la manière dont des penseurs importants se sont représentés le mécanisme selon lequel nous enchaînons les « idées ». Je suggère que si nous comprenons comment les « idées » s’enchaînent, nous sommes automatiquement très proches de comprendre comment les mots s’enchaînent dans le discours.
6. Remémoration, pensée, raisonnement et discours (1e partie)
Les traces mnésiques
Rien ne permet de supposer a priori que la manière dont les traces mnésiques sont stockées et organisées dans le cerveau humain est nécessairement optimale. Les travaux des biologistes nous ont habitués à l’idée que l’anatomie des organes et leur fonctionnement résultent souvent de reprises bricolées de solutions dépassées, et que celle qu’offre la nature est en réalité fort éloignée de ce qu’aurait pu être une solution optimale découverte sans a priori. Dans le cas des systèmes intelligents, on observe cependant que les solutions proposées par les chercheurs sont en général manifestement moins économiques (en nombre d’opérations) et moins productives (en termes de complexité) que celles que démontre la neurophysiologie du cerveau humain. On a donc affaire ici à une situation où il est clair qu’une meilleure compréhension de la solution naturelle serait payante dans la perspective de sa simulation artificielle.
Les éléments de discours dont un système intelligent dispose et qu’il combine pour produire ses réponses, correspondent chez l’homme à des traces mnésiques stockées d’une certaine manière (localisée ou distribuée) dans le cerveau humain. Quelle que soit la forme de stockage, elle contraint nécessairement la manière dont un parcours pourra être établi entre ces traces mnésiques pour la réalisation d’une tâche particulière. Même si la tâche qui retient ici notre attention est la production de réponses à l’utilisateur en sortie, d’autres tâches intermédiaires doivent être aussi nécessairement accomplies, et l’optimisation les concerne donc également. Parmi celles-ci, la remémoration, le raisonnement et le monologue intérieur qu’on appelle la pensée – pour autant que celle-ci se distingue de la production du discours en général, ce qui n’est pas certain. Autrement dit, chez l’être humain, l’organisation des traces mnésiques représentant des éléments de discours, doit être optimale dans une perspective multitâche de remémoration, de raisonnement et de génération du discours.
C’est là une raison suffisante pour se poser tout d’abord la question de savoir dans quelle mesure ces tâches – que la machine aura aussi à accomplir – sont liées chez l’homme puisque, comme il a été dit d’entrée, le verdict d’intelligence ou de stupidité porté sur la machine l’est par un être humain qui juge selon les critères spontanés qu’il applique par ailleurs à ses semblables.
Perspective historique
L’idée que les traces mnésiques sont nécessairement organisées et que cette organisation est décelable dans la remémoration est une hypothèse extrêmement ancienne dans notre culture. On la trouve exprimée pour la première fois sous la plume d’Aristote. Dans un court texte intitulé De la mémoire et de la réminiscence, il suggère une organisation particulière aux traces mnésiques, sous la forme d’un « chapelet » que la remémoration oblige à parcourir :
« L’habitude fait que les impressions se suivent dans un certain ordre. Ainsi lorsqu’un homme souhaite se souvenir de quelque chose, voici quelle sera sa méthode : il essaiera de trouver un point de départ pour une impression qui conduira à celle qu’il recherche. Voilà pourquoi les remémorations réussissent le plus rapidement et avec le plus de succès quand elles commencent à partir du début d’une série; car de même que les objets sont liés les uns aux autres dans un ordre de succession, ainsi sont aussi les impressions. » (Aristote [1957] 451b 452a : 303).
Processus qu’il illustre par un exemple,
« (Certaines personnes) passent rapidement d’un endroit au suivant ; par exemple, du lait au blanc, du blanc à l’air, de l’air à l’humidité; à partir de quoi on se souvient de l’automne, si telle est la saison dont on s’efforce de se souvenir. » (Ibid. 452a : 305).
Aux Temps Modernes, certains philosophes suggéreront que la pensée en général ne procède pas autrement que la remémoration. On trouve cette hypothèse exprimée chez Hobbes, le grand précurseur de la philosophie politique. Il écrit ainsi dans les premières pages du Léviathan :
« Et cependant même dans un tel errement désordonné de l’esprit, un homme pourra souvent percevoir son principe, et la dépendance d’une pensée par rapport à une autre. Car dans un discours de notre guerre civile présente, qu’est-ce qui aurait pu sembler plus dénué de pertinence que de demander, comme le fit quelqu’un, combien valait un denier romain ? Pourtant, pour moi, la cohérence était tout à fait manifeste. Car la pensée de la guerre, introduisit l’idée de la remise du roi à ses ennemis; la pensée de cela amena la pensée de la remise du Christ ; et celle-là à son tour, la pensée des trente deniers, qui fut le prix de cette trahison ; et de là s’ensuivit facilement la question malicieuse ; et tout ceci en un instant ; car la pensée est agile. » (Hobbes 1894 [1651] : 20).
« La dépendance d’une pensée par rapport à une autre » n’est autre que le principe évoqué par Aristote, même si le mouvement considéré est inverse. Dans la remémoration, le parcours s’établit en direction du souvenir à retrouver, alors que dans le cas de la pensée, il a son origine dans une idée précise – « la pensée de la guerre » dans l’exemple de Hobbes – et se trace à partir de là en se pliant aux contraintes qu’il rencontre successivement.
On trouve une conception semblable exprimée chez Locke, le philosophe qui considérait l’homme comme une tabula rasa, une tablette de cire vierge, et qui mérite pour cela le titre de fondateur de la psychologie. Locke écrit par exemple que,
« Certaines de nos idées ont l’une avec l’autre une correspondance et une connexion naturelle ; c’est la fonction et l’excellence de notre raison de les retrouver, et de les retenir ensemble dans cette union et correspondance qui est fondée dans leur être particulier. En plus de ceci, il y a une autre connexion des idées qui dépend entièrement du hasard ou de la coutume : des idées qui en elles-mêmes ne sont pas du tout apparentées, mais qui en viennent à être à ce point unies dans l’esprit de certains hommes qu’il est très difficile de les séparer ; elles restent toujours en compagnie, et il suffit que l’une vienne à un moment quelconque à notre entendement, pour que son associée apparaisse avec elle ; et s’il en est plus de deux qui sont ainsi unies, c’est toute la bande, toujours inséparable, qui se présente ensemble. » (Locke s.d. [1689] : 316).
La « bande d’idées », c’est bien le chapelet d’idées enfilées l’une à la suite de l’autre qu’évoquait déjà Aristote. Mais l’idée la plus originale de ce passage, c’est l’hypothèse du caractère automatique de la pensée dû à cette organisation particulière des traces mnésiques – que les connexions « naturelles » qui existent entre elles soient partagées par tous les hommes, ou qu’elles n’appartiennent qu’à un individu singulier.
Dans la même veine, David Hume, qui consacre quelques pages célèbres de son Treatise of Human Nature à la « Connexion ou association des idées », observe que,
« Tels sont donc les principes de l’union ou de la cohésion entre nos idées simples, qui fournissent dans l’imagination la place de cette connexion inséparable, par laquelle elles sont unies dans notre mémoire. Il y a ici une sorte d’ATTRACTION, qui dans le monde mental s’avérera posséder des effets aussi extraordinaires que ceux constatés dans le monde naturel, et se révéler sous des formes aussi nombreuses et aussi variées. » (Hume 1888 [1739] : 12-13).
Il ne fait aucun doute pour le philosophe écossais que l’association des «idées simples» reflète leur organisation en tant que traces mnésiques, et que c’est cette organisation qui donne leur forme particulière à l’ensemble de nos « pensées » et de nos raisonnements puisqu’il précise quelques lignes plus loin que,
« Parmi les effets de cette union ou association d’idées, aucun n’est plus remarquable que ces idées complexes qui sont les sujets communs de nos pensées et de notre raisonnement, et apparaissent généralement à partir de quelque principe d’union parmi nos idées simples. » (ibidem 13).
L’associationnisme
Dans la perspective ouverte au chapitre 4 par la définition d’une méthode dite au coup par coup pour le parcours d’un lexique, l’étape ultime consisterait à penser qu’il existe bien une simple gradation de la remémoration à la génération du discours ordinaire, en passant par le raisonnement. Croire à cette possibilité, c’est adopter la thèse associationniste. Celle-ci est reconnaissable sous une forme implicite chez Freud, c’est elle qui conduisit l’inventeur de la psychanalyse à abandonner l’hypnose au profit de l’« association libre » en tant que méthode qui permet à une patiente hystérique de remonter jusqu’au souvenir perdu de sa séduction infantile par un adulte. Ceci à une époque où Freud demeure convaincu de l’origine traumatique de l’hystérie – période qui s’achève en 1897 (Freud 1956 : 190-193). C’est sa patiente Emmy von N. qui lui impose l’association libre en lui reprochant de l’interrompre à tout propos (Breuer & Freud 1956 [1895] : 48). Freud accepte l’injonction de bon gré car, dit-il, elle lui rappelle un conseil de Ludwig Börne dans son ouvrage Comment devenir en trois jours un écrivain original (1823) :
« Prenez quelques feuilles de papier et pendant trois jours de suite écrivez sans le dénaturer, et sans hypocrisie, tout ce qui vous passe par la tête. Écrivez ce que vous pensez de vous-même, de vos femmes, de la guerre turque, de Goethe, du crime de Fonk, du Jugement dernier, de vos supérieurs et, au bout de ces trois jours, vous serez stupéfait de voir combien de pensées neuves, jamais encore exprimées, ont jailli en vous. Voilà en quoi consiste l’art de devenir en trois jours un écrivain original. » (Jones 1958 [1953] : 271-272).
Pensée et idées
La deuxième moitié du XIXe siècle verra se multiplier les recherches expérimentales sur l’« association induite » : dans l’expérience standard un mot était proposé au sujet d’expérimentation et il lui était demandé de répondre spontanément par un autre. Ce courant de recherche culmina en France par l’ouvrage du Suisse Edouard Claparède, L’association des idées (1903). L’association induite ne produisait malheureusement que l’enchaînement de deux mots à la fois. Dans ses ouvrages, Freud décrivit toujours des enchaînements considérablement plus longs apparus à l’occasion de l’association libre.
Comme le rappelle le titre du livre de Claparède, jusqu’à Freud, l’accent avait toujours été mis sur les « idées ». Dans la conception courante à l’époque, les mots n’intervenaient dans le discours qu’au titre de représentants des idées, et les expériences n’étaient faites sur les mots qu’à défaut de pouvoir opérer directement sur les idées censées se cacher derrière eux (*). Il était alors considéré comme normal que les mots ne parviennent à exprimer des « pensées » constituées d’« idées » que de manière insatisfaisante, puisqu’ils n’étaient au départ que l’expression approximative des idées. Cette représentation du mécanisme se perd dans la nuit des temps de notre culture d’origine gréco-latine. Ce qui a dû contribuer à lui conserver une certaine plausibilité, c’est probablement le fait que tout locuteur « hallucine » les images qui s’associent aux mots qu’il prononce; il sait aussi que ces images « ne passent pas » dans les mots qu’il dit, et il peut en éprouver le sentiment douloureux que son interlocuteur est privé de ces visualisations. Cette inquiétude est bien sûr sans fondement : la personne qui écoute voit se reconstituer en elle des images correspondant à ceux des mots prononcés par son interlocuteur qui sont visualisables, figurés (voir le prochain chapitre). Bien sûr rien ne garantit que les visualisations de l’émetteur et du récepteur coïncident parfaitement, mais l’expérience perceptive ordinaire et la culture partagée, constituent la garantie que rien d’essentiel de l’imagerie ne se perd dans la communication.
Il est intéressant de noter que cette conception de la pensée comme faite de « quelque chose de plus » que des mots et des images automatiquement évoquées, et qui ne s’exprimerait du coup qu’imparfaitement à l’aide des seuls mots, est tout à fait étrangère à d’autres cultures, en particulier à la culture chinoise :
« … on peut caractériser les théories sémantiques chinoises comme la conception que le monde est une collection de « sortes » et de substances qui se chevauchent et s’interpénètrent. Un nom (terme ou prédicat – ming) dénote (renvoie à, choisit – chü) une certaine substance. L’esprit n’est pas considéré comme un mécanisme d’imagerie interne qui se représente les objets individuels du monde, mais comme une faculté qui distingue les frontières des substances ou des sortes auxquelles renvoient les noms […] Il n’y a pas de place dans les théories philosophiques chinoises pour les termes de signification, concept, notion ou idée que l’on trouve dans la philosophie occidentale. » (Hansen 1983 : 30-31).
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(*) C’est un peu comme dans la science contemporaine où l’on suppose que le monde sensible de notre réalité quotidienne tient lieu d’une réalité objective qui serait elle, « vraiment vraie », et qui, seule, mériterait qu’on l’étudie. Dans un cas comme dans l’autre, il s’agit d’une inclination platonicienne qui consiste à considérer un réel foisonnant comme constitué des manifestations imparfaites de quelques formes simples : les idées de Platon, la réalité objective de la science contemporaine, etc.
28 réponses à “PRINCIPES DES SYSTÈMES INTELLIGENTS (1989), chapitre 6 (I), réédition en librairie le 23 novembre”
[…] Blog de Paul Jorion » PRINCIPES DES SYSTÈMES INTELLIGENTS (1989), chapitre 6 (I), réédition en l…. […]
Bonjour Monsieur Jorion.Votre exposé n’est pas sans rappeler l’ouvrage de Maurice Halbwacs »les cadres sociaux de la mémoire ».Celui-ci explique notamment la recomposition mémorielle des lieux que le Christ est censé avoir fréquenté à Jérusalem: que ce soit à l’époque de l’empereur Constantin,en passant par la période byzantine ,sans oublier les croisades,ces lieux soi-disant fréquentés par le Christ dans la ville sainte ,ont évolué et changé en fonction des attentes et des espérances des fidèles . Bien entendu, les véritables lieux fréquentés par Jésus sont impossibles à reconstituer mais les croyants ,pour les besoins de leur cause, en ont fabriqué de toute pièce.
je sens que je vais demander pour Noel qu’on m’offre la réédition de votre livre…
passionnant! une synthèse de l’ensemble des travaux et de l’histoire sur le domaine
c’est si rare la synthèse de nos jours qui augure d’une vision large ( où seuls les spécialistes restreints ont droit au chapitre)
intuitivement je ressens qu’il vous faudrait écrire la suite mais que cela demande un travail de recherche dont vous n’avez peut-être pas le temps actuellement, et pourtant…
comme la résolution des problèmes économiques demandera nécessairement l’addition de multiples visions pour aboutir à une synthèse éligible collectivement , ça ne doit pas être si simple de savoir sur quel branche de votre immense culture porter l’effort pour apporter votre pierre à l’édifice de la façon la plus pertinente et accomplissante.
la vie vous a portée vers la collaboration à la résolution des problèmes de restructuration de l’économie, c’est que de ça dépend notre avenir d’humanité de façon évidente
et que le chemin semble ( au ( re) départ) parfois ardu tellement la tâche est encore immense
rassembler et remettre à jour les éléments de sa construction est une phase utile.
la fin de ce reportage est intéressante sur le sujet des recherches sur l’intelligence
commencer à la minute 33.56
de http://www.youtube.com/watch?v=V3FjPS14LKk&feature=related
pour une meilleure compréhension d’un détail ,sur cette fin de reportage on y voit à un moment un petit poulpe attaquant une murène ( contradictoire avec le comportement naturel des poulpes qui fondent toute attaque sur un rapport de volume et puissance pour savoir qui est proie ou prédateur et se situer)
le reste du document (avant la minute) démontre l’intelligence des poulpes
leurs capacités de réflexion, analyse, mémorisation ,conscience corporelle, comportement
la recherche sur l’intelligence comme résultat global , aboutissement, sorte de convergence indépendante des moyens , un peu sous la forme « tous les chemins mènent à Rome »
ce qu’on pourrait déduire de ces recherches si elles aboutissaient
serait que l’intelligence n’est pas un facteur intrinsèque aux individus quelque soit l’espèce
mais une chose extérieure , ce qui me semble évident
sur votre fil:
et suites
effectivement nous avons des circuits pré-imprimés en stock
les chamanes utilisent ces circuits pour se souvenir du chemin qui mène aux informations « attendues ». ces circuits ne se parcourent pas avec la volonté de trouver un objet , ce que fait le cerveau dans la fonction » où ai je mis les clefs » ou » où ai-je vu cette information que je veux relire »
ces circuits se pratiquent en terme d’ouverture à un autre niveau de réceptivité
ils permettent d’accéder » au premier étage » si on peu dire: un stock d’informations laissées par les générations précédentes (la question se travaille par un changement de paradigme du temps donc sur la notion de « précédentes »)
puis sur des étages supérieurs et certains mots ou notions forment clef pour pouvoir
» rapatrier » l’information sous forme d’impressions ou même de pensée cohérente sous forme de langage, pour qu’une information de la » pensée mère » qui se présente un peu sous la forme d’un océan , puisse être » enregistrable donc transmise, il est nécessaire que le support de transmission ait en quelque sorte la mémoire adaptée aux signes, au volume et surtout à l’énergie de la pensée reçue, sous peine d’implosion.
c’est l’énergie des informations qui compte plus que leur formulation
« le poids des mots et le choc des photos » la balance d’évaluation qui reçoit l’information
doit avoir le ressort adapté à la pesée et le plateau en rapport avec le volume de la » chose »
le mental est pour beaucoup un outil d’évaluation de comparaison etc
On dit que les japonais sont plus susceptibles que d’autres d’un problème de folie lorsqu’ils arrivent en Inde, parce que le contraste de civilisation ne les prépare pas émotionnellement
à préserver leur cohérence face aux flux d’informations sensorielles et autres, contradictoire avec leur schéma de pensée. Bien qu’à priori la culture japonaise soit l’une qui permettrait de valider dans une acception « magique » » symbolique » » énergétique » , »invisible » ou un niveau de douleur envisageable à un degré très élevé, ceci malgré le calme légendaire dont ils savent faire preuve et qui ne les protègent que dans le cadre de l’organisation de la réponse collective
le calme japonais est une réponse de groupe qui ne protège pas l’individu.
comme quoi la culture ne prépare pas toujours l’individu à ce genre de confrontation au niveau du mental.
au niveau de la communication visible , la pensée mentale s’engendre par enchainement comme les pièces du puzzle sont associées , par les bordures qui forment des chemins conduisant à l’emboitement des unes aux autres
La Pensée réelle( qui n’est au delà du palpable individuel ) s’engendre dans ce niveau par analogie, pour autant que celle-ci se distingue de la production du discours en général, ce qui n’est pas certain. Le discours est un sous ensemble de La Pensée
L’analogie fonctionne sur le mode de la résonance énergétique.
se dissocie de la forme pour se fonder sur une association de sens en terme de réponse harmonique ( ou parfois dysharmonique complémentaire)
ainsi les cloches répondent par la mise en mouvement associé de leurs harmoniques en réponse à celle qui est agitée.
ceci n’est qu’une illustration partielle de la pensée analogique qui dépasse le cadre des résonances entre objets de même nature ou de même formes.
la parenté de sens va au delà de la forme qui n’est que le moyen « visuel » d’en identifier la parenté énergétique.
La Pensée est énergie
ainsi on peut la capter ou la transmettre , le verbe n’étant qu’un vecteur, le regard peut servir de vecteur, les mains aussi, l’être tout entier est un capteur ou émetteur de la pensée, un outil avec des différences de niveau de performance. et de surcroit un outil collectif…
Il n’y a pas de place dans les théories philosophiques chinoises pour les termes de signification, concept, notion ou idée que l’on trouve dans la philosophie occidentale. » (Hansen 1983 : 30-31).
Ces termes n’en sont absents qu’en tant que termes opérants qui auraient une utilité quelconque. Il y ont moins d’importance parce que la relation du sujet avec son environnement dans les philosophies taoiste, confucianiste puis bouddhiste n’est pas caractérisée par le triptyque européen habituel : sujet-relation-objet. signification, concept, notion ou idée n’ont d’utilité que dans une approche intellectualisée, démembrée, non pragmatique, du réel. Cette relation n’existe que dans le domaine de la vérité relative, ou conventionnelle, pas dans celui de la vérité absolue.
On ne peut pas être à la fois dedans et dehors. « Dedans », c’est le vivant. « Dehors », c’est la tendance du vivant à s’observer, et à observer, comme si cette position d’observateur était un état indépendant du vivant, comme si le vivant avait la faculté de se dédoubler et d’affirmer qu’un vivant A observerait ce que fait et ressent un hypothétique vivant B sans que cette observation ne modifie immédiatement à la fois ce qui est observé et l’observateur. C’est une fiction si l’on admet qu’il n’y a ni immanence ni transcendance mais seulement le déroulé d’un principe de nécessité qui se traduit par la rencontre instantanée et à chaque instant d’une multitude de relations de causes et d’effets. La position de l’observateur n’est qu’une modalité du vivant (un décalage par rapport à un état initial) et non une autre nature possible de celui-ci. Le langage trahit le réel quand il permet d’écrire des propositions comme « Je suis content », « je suis déçu », etc… qui affirment qu’existerait quelque part un « je » qui éprouverait un sentiment de contentement, comme si contentement et « je » pouvaient être disjoints (ici le je est le contentement). L’esprit cherche à différencier (mesurer, rationaliser, décomposer… etc) pour connaître l’objet de la connaissance, mais paradoxalement cette différenciation ne permet plus de connaître l’objet que l’on voulait étudier, un autre objet semble avoir remplacé l’objet initial. L’observation modifie l’objet observé en ce qu’elle lui ajoute des qualités. Plus cette observation s’approfondit, plus ces qualités s’enrichissent en nombre, plus l’objet se modifie à mesure.
le « mot « chinois n’est pas exactement un mot mais une phase d’un mouvement
les sinogrammes contiennent « le souffle » de la pensée, d’où l’art de la calligraphie ,
les mots chinois fonctionnent comme des ensembles au sens mathématiques en plusieurs dimensions. dans un sinogramme on peut lire l’histoire du mot, les notions apparentées comme une arborescence analogique ou linéaire qui fait sens.
j’ai discuté avec une linguiste chinoise sur le rapport des sons au « mot » chinois la langue chinoise étant proportionnellement pauvre en sons malgré l’adjonction des tons pour traduire le sens qui ne se révèle merveilleusement qu’à l’écrit, afin de comprendre comment passait dans la langue chinoise la notion de Verbe au sens de la parole énoncée sur un plan mystique qui rejoint plutot pour eux la notion de poésie.
en fait il y a un bourgeonnement de cet aspect du langage dans la langue chinoise( plus prononcée certainement dans la langue vietnamienne) sur le plan phonique mais la culture chinoise a couplée la notion de « Verbe », capter et transmettre l’Esprit, essentiellement par le geste ou l’intelligence dynamique des mouvements y incluant de fait le silence, l’espace et le temps dans le langage . En fait, l’énergie de La Pensée se traduit en chinois sur un mode tactile et dynamique, dont la capacité de transmission en terme d’outil de communication offre un autre espace de jeu de transcription. en chinois plus qu’ailleurs le geste est parole et la parole n’est pas qu’écrits.
Notre langage est plus linéaire et purement verbal, et favorise l’usage de l’outil sous cet angle de performance . Notre langage a fait dans des temps précédents notre époque l’objet d’une polyphonie bien plus vaste illustrée par l’art dramatique au théâtre, de la lecture publique, de la poésie, du chant et l’élaboration de la science musicale au moyen âge. Ceci se perd à cause de l’hégémonie du visuel qui imprime le mode imaginaire de façon dictatoriale. et surtout le rétrécit à une forme de pensée abstraite qui s’étend au travers une dualité entre un appauvrissement sémantique et figuratif et sensoriel constant et un degré d’abstraction quasi mathématique
ref: le travail de Patricia Petibon sur son dernier disque dans la résurrections de sons musicaux anciens,
ainsi que le travail de luthiers d’exception pour maintenir la possibilité d’écouter des fréquences inhabituelles à nos oreilles. la panoplie des flutes en différents niveaux herziens.
d’autre langues ont mieux conservé( en tout cas jusqu’à présent ) une richesse phonique permettant un espace verbal bien plus large( langues à clics, arménien et éthiopien entre autre)
l’appauvrissement de notre langage devrait lever des signaux d’alerte sur l’appauvrissement de la pensée qu’il met en forme. la vitesse dans la communication fait Communication mais pas langage et encore moins système intelligent.
Les questions soulevées par ce §6 sont passionnantes ; il va me falloir du temps pour avancer . Il me semble qu’il est impropre de parler de parler de « mots » chinois ; quant à patricia Petibon , elle sera plus heureuse sans T ,tout en restant excellente .
» Les travaux des biologistes nous ont habitués à l’idée que l’anatomie des organes et leur fonctionnement résultent souvent de reprises bricolées de solutions dépassées, et que celle qu’offre la nature est en réalité fort éloignée de ce qu’aurait pu être une solution optimale découverte sans a priori. »
Cher Paul,
Voila une phrase qui me dérange car cela me parait être une lecture dans le sens inverse du temps. À regarder en arrière nous nous faisons tous pièger à penser qu’il y a un « fil rouge » qui se déroule comme un roman. Mais la Nature semble simplement passer son temps à faire des essais, sans se poser de pourquoi ou de but finaux. Donc c’est évident que cela peut nous paraitre à nous, petits humains égocentriques et se prenant pour dieu (petit D), comme bricolé et non optimal.
Mais ce n’est pas le propos, ou plutot cela peut être le propos d’un biologiste religieux.
La Nature me parait bien plus prodigieuse et j’ai la chance de ne rien comprendre et de me passionner des découvertes de l’Homme.
Merci de tout ce que vous me faite découvrir.
Les objections qui confirment ce que je dis, sont de loin mes préférées !
Ne pas être compris peut s’avérer réjouissant.
http://www.dailymotion.com/video/xegu8_leo-ferre-les-specialistes_news
En soins infirmiers la structuration de la pensée se fait en tentant de rentrer dans le monde phénoménologique de nos patients.
Nous raisonnons en besoins fondamentaux (physiologie, sécurité, Appartenance…). Notre pensée est donc structurer par une hiérarchie de besoins.
Notre discours et nos actions vont ensuite tenter se suivre ce lien logique.
Cependant il arrive parfois que notre pensée n’arrive pas a percevoir le besoin profond qui est exprimé par les mots de nos patients, notre affect nous permet alors de rentrer dans une dimension plus profonde de la compréhension.
En résumée notre pensée est structurée en besoins fodamentaux et en degré d’affect perçu.
Bonsoir à tous
« …si nous comprenons comment les « idées » s’enchaînent, nous sommes automatiquement très proches de comprendre comment les mots s’enchaînent dans le discours. »
L’inverse est également vrai!
La production philosophique allemande comparée à la française est liée à la structure de leur langue , la production technique anglo – saxonne à la leur….
Paul, vous qui maniez, au moins, l’anglais en plus du français, vous savez bien qu’on ne pense pas de la même manière en anglais ou en français; sans parler du chinois ….
Le mécanisme à l’oeuvre est bien celui décrit par Leroi Gourhan: Je me forge en mes gestes qui me forgent…
Cordialement
Non seulement je le sais, mais j’écris même des billets à ce sujet : Penser dans deux langues !
Bonsoir Paul
Le « cela ne vous dit rien » est peut être plus profond que l’affect: au delà du ressenti plus ou moins conscient , agissent des structures résonnantes construites: rythme, accentuation, prosodie engendreraient des « patterns » neuronaux spécifiques. Au delà du sens intelligible même d’une succession de mots ordonnés, les effets produits par la poésie nous ouvrent une voie de recherche ….
Passionnant d’étudier comment une simple voix peut mettre en résonance quelques milliers de tonnes de pierres agencées comme à Vézelay ou au Thoronet: ce qu’une sonorisation moderne développant une partition orchestrale ne peut obtenir bien au contraire….
Architecture et musique sont liées. les sonorités et la rythmique du français génèrent d’autres schèmes que les anglais…. Le « langage » outrepasse le cortex, le système limbique pour atteindre jusqu’au tronc cérébral….
Cordialement
Le dernier paragraphe laisse à penser que les idées n’existent pas, il n’y a que des associations de mots. C’est ça où j’ai mal compris ?
Pour ce qui est de la remémoration, il y a aussi le « mode inconscient » qui marche très bien. Quand je ne me souviens plus du nom d’un acteur, je commence à le chercher pendant une minute, puis j’abandonne en décrétant que « ça me reviendra ». Et ça ne loupe jamais : dans les 24 heures qui suivent, son nom me revient subitement et n’importe quand, sans l’aide d’aucune association consciente.
Ça ne loupe pas sauf toutes les fois où ça loupe et pour lesquelles tu ne remarques évidemment rien… Note la question lorsque tu cherches et contrôle quelques jours plus tard… sauf qu’ayant noté la question tu perturbes notoirement ton protocole expérimental « spontané »…
Effectivement, avec ma méthode, si la réponse ne vient jamais, l’on ne peut pas comptabiliser un échec. Mais si la réponse ne vient jamais, ça veut dire qu’elle n’intéressait pas. Au départ, il faut donc de la motivation, (ie de l’affect), par exemple apprécier ou détester la personne dont on cherche le nom. Ca marche très bien pour un rendez-vous à ne pas louper, et probablement pour beaucoup d’autres choses.
Batraman, alors tu ferais mieux de te demander pourquoi le nom de tel acteur échappe systématiquement au bout de ta langue quand celui de tel autre reste immuablement au garde à vous dans ton gosier.
notre pensée est massivement ( actuellement ) conditionnée par la visualisation qui n’est pas un outil de la pensée et usurpe un langage de l’image en lieu et place de notre langage et même du partage de la pensée en nous fédérant dans une observation commune de représentations qui alignent notre attention et notre mémoire visuelle sur les même bases et tient lieu de prêt à penser.
le fait de penser est un sens en soi
la perception de la pensée et de la signification passe continuellement dans l’activité de représentation et de jugement. Il est très difficile de distinguer le fait de penser dans le flot continu des sensation celui des représentations.
La France frémit, la France se réveille, la France qui résiste, la France qui éclaire les nouveaux chemin de Liberté de ce monde désenchanté relève le front, le regard, le poing. Les damnés de ce monde, les humiliés, les moins que rien, les taiseux, les modestes disent Non. D’eux et d’eux seuls montera le vent de l’Espoir, du caniveau l’Élévation. Come on up for the Rising.
Les laboratoires de biologie médicale seront en grève les 7, 8, 9 novembre (l’après-midi)
Le Jour se lève, camarde !
La mort vient, la mort veut. Qu’on la mouche !
la France éternelle ! Le grand jour se lève le matin, pour ceux qui se lèvent tôt allant embrasser le monde pour se l’approprier. Pour cette raison, grève l’après-midi…
Selon Frege, ce n’est pas le monologue qui est la pensée mais le sens du monologue. Pour Frege, une pensée est le sens d’une expression. Dans ce cas, penser est produire des expressions (formuler), notamment en monologuant. Ainsi, le monologue n’est pas la pensée mais l’acte de penser, la pensée étant le sens du résultat de cet acte, le sens des expressions produite par cet acte. Dans ce cas, la pensée se distingue du discours, elle est le sens du discours.
Je lis en ce moment le passage sur le monologue de Temps et Roman de Pouillon. Très intéressant.
C’est un oxymoron masqué ce mono-logue. Il n’y a que du dialogue, fût-il intérieur.
Je suis tout à fait d’accord : le monologue s’adresse à un public indifférencié, il s’exerce depuis une tribune avec le monde en arrière-plan. Tout monologue est un dialogue à la Platon selon Socrate ou Platon fait
les questions et les réponses.
Théâtralement parlant, le monologue de Hamlet (to be or not to be) s’effectue devant un large public, depuis des siècles. Il était destiné à un large public. Tout le monde aimerait que ses monologues puissent être destinés à un aussi large public. Le public habite le privé, il le hante comme la ville habite ses habitants et les hante.
LITTRÉ :
Jean Pouillon (1916-2002)
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hom_0439-4216_1997_num_37_143_370302#
Je lis dans “Jean Pouillon et le mystère de la chambre chinoise” :
«…la formule mathématique (“algorithme”), (…) n’a aucun sens du tout et est donc non pas un discours…», soit, mais les symboles qui composent la formule ont un sens, sinon elle ne serait pas lisible, Dans le cas d’une machine, celle-ci n’a aucun problème de lisibilité quand elle exécute le code opérationnel produit par le compilateur à partir du code source lisible, lui ; mais c’est le programmeur qui hériterait des problèmes de lisibilité : il ne pourrait programmer (en code lisible) l’algorithme si les symboles de la formule à programmer n’avaient pas de sens.