Vers la crise du capitalisme américain ? a paru en janvier 2007. La crise des subprimes s’est déclenchée à la mi-février. J’ai voulu tenir au courant mes amis des nouveaux développements. Je l’ai fait d’abord par mails. Au bout de quinze jours la formule m’a paru inadéquate. Je suis passé au blog.
Mes billets en 2007 et 2008 constituaient une chronique au jour le jour de la crise. J’ai regroupé leur substance dans les deux livres que j’ai publiés en 2008 : L’implosion et La crise.
Une vive discussion était née sur le blog sur les causes de la crise. Une explication fantaisiste du fonctionnement du crédit et de la monnaie en général circulait sur l’Internet. J’ai tiré parti de mon expérience de dix ans en tant qu’ingénieur financier dans le secteur du crédit pour brosser un portrait fidèle de celui-ci, rectifiant les erreurs de la vision commune, dans L’argent, mode d’emploi, paru en 2009.
Mes premiers livres consacrés à la crise étaient de l’ordre du témoignage et du constat. C’est, je l’espère, la qualité de mes analyses qui a fait que la question m’a été posée de plus en plus souvent et avec de plus en plus d’insistance, des solutions qui devraient être apportées aux problèmes qui se posent.
Je disais qu’il fallait « sortir du cadre » et l’on me répondait : « Mais c’est quoi le cadre ? » Or, d’une certaine manière, ce cadre, je l’avais décrit dans Principes des systèmes intelligents (1990) et dans Comment la vérité et la réalité furent inventées (2009) mais dans ces contextes-là, globalement et sans lien direct avec la crise qui viendrait.
Dans Le capitalisme à l’agonie (2011), je poursuivais la chronique des événements, mais je soulignais les ressemblances entre la situation présente et la période prérévolutionnaire 1780-1789. Dans Misère de la pensée économique, qui paraît dans quelques jours, la chronique se poursuit encore, éclairée cette fois par la réflexion bouillonnante née au XIXe siècle pour tenter de comprendre l’échec de la Révolution Française.
La question du pourquoi de la « misère de la pensée économique » avait déjà été posée dans Le prix (2010) où je propose une autre théorie de la formation des prix que celle qu’a à offrir la « science » économique. Mais la question m’est sans cesse posée : « À quoi aurait ressemblé la science économique qui n’a jamais eu lieu ? »
C’est un défi. De même qu’une réflexion sur le cadre dans la perspective de la crise présente. Ma réponse à cela, je l’avais esquissée dès le début dans ma proposition d’une Constitution pour l’économie, restée toutefois à l’état d’ébauche. Il faut maintenant y revenir et étayer le projet.
C’est à cette croisée des chemins que je me trouve. La rédaction des réponses telles que je les conçois a débuté. Pour la réflexion sur le cadre, elle est désormais le produit d’un effort conjoint, le résultat de ma rencontre avec un intellect d’exception qui avait déjà entrepris une quête semblable et dans le même esprit, quête dont nous avons décidé de faire une cause commune. Pour le projet élaboré d’une Constitution pour l’économie, il se bâtira à partir de mon enseignement à la VUB qui porte sur une « finance au service de la communauté » (Stewardship of Finance).
Tout ceci m’éloignera de la chronique des événements au jour le jour mais pour un bénéfice accru sur le long terme, j’en suis sûr.
Nous pourrons juger, Grégory Maklès et moi, dès les premiers jours de novembre, avec la parution de La survie de l’espèce, l’efficacité du même message traduit dans le médium de la bande dessinée. Si ce moyen fait ses preuves, l’effort devra être poursuivi sous cette forme aussi.
146 réponses à “LÀ OÙ JE ME SITUE AUJOURD’HUI”
Ma réflexion sur le cadre en attendant celle de PJ et de son ovni.
Des piques que PJ a envoyé et envoie à Platon il me semble clair qu’il est moins platonicien que moi (perso j’ai du mal à imaginer un matheux non platonicien). Thom a rectifié le tir dans sa dernière oeuvre (Esquisse d’une sémiophysique) en faveur de Platon et au détriment de la métaphysique réaliste d’Aristote. Il a comparé son propre préjugé (ne considérer que les seules 7 catastrophes élémentaires, seules réalistes car seules réalisables dans l’espace temps) à celui de Newton pour lequel la variable (pour l’époque la notion de fonction commençait à peine à émerger) était nécessairement le temps.
Je pense qu’un gros, le gros problème de nos sociétés est celui de la place de la femme, des femmes. J’ai proposé comme devise de la république à venir, « Je veux (la femme pour son enfant) », « je dois (l’homme) », « nous pouvons », en référence au triangle de l’éthique.
Mathématiquement 🙂 j’associe la femme à l’espace de Hilbert séparable (unique à isomorphisme près, théorème de Riesz). Tous les matheux vous diront que c’est le plus beau des espaces (tout en rondeur, féminin 🙂 ) et qu’il est un carrefour où se rencontrent plusieurs parties importantes des mathématiques (il y a plus de 700 caractérisations de la métrique hilbertienne!). C’est typiquement pour moi l’espace de la musique et des arts graphiques, se correspondant l’un l’autre par la transformation de Fourier, c’est l’espace de la mécanique quantique (la mécanique cantique 🙂 ), Thom utilise un espace de ce type pour ses modèles géométriques de la signification, etc.
Il existe un autre espace métrique moins connu, l’espace d’Urysohn que j’associe volontiers à l’homme. C’est un espace séparable qui a la propriété d’être universel pour tous les espaces métriques séparables, c’est à dire que tout espace métrique séparable est, à isomorphisme près, un sous-espace de cet espace métrique. Je pense que cet espace est’ au contraire de l’espace de Riesz/Hilbert, sculptural, taillé à la serpe (Urysohn est au carré ce que Riesz/Hilbert est au cercle). Je pense que la transformation naturelle sur cet espace est la transformation de Legendre et je ne serais pas étonné que cet espace soit structuré et qu’il possède une mesure naturelle (de Haar?). Puisque l’espace d’Urysohn est universel, l’espace de Hilbert/Riesz est donc un sous-espace de l’espace de l’espace d’Urysohn. Dans ce sens c’est l’homme qui a le dernier mot, c’est le « je dois » qui, en définitive, prime sur le « je veux, c’est la métrique et la mesure, toutes deux quantitatives, qui l’emportent en définitive. Cette désagréable dissymétrie est compensée par le fait que les femmes peuvent s’épanouir dans leur univers naturel(?), celui des arts, des lettres et de la musique.
Si on fronce un tissu, on obtient un point fronce et deux lignes de plis qui en partent. Une fois repassé, il apparaît deux zones, l’une à une seule épaisseur de tissu, l’autre à trois, les lignes de pli étant les frontières catastrophiques. Si on dessine un cercle à la craie de tailleur autour du point-fronce, ça fait toc, toc quand on passe sur les points catastrophique où l’épaisseur passe de 1 à 3 ou de 3 à 1, ça vit comme un coeur (diastole/systole). Thom l’associe à un nombre assez considérable de situations concrètes ou abstraites. L’important à retenir est, je crois, que la vie se caractérise par cette succession de tensions et de relâchements comme dans le mouvement cardiaque et qu’aller contre ce mouvement naturel est tout simplement perpétrer un crime contre la nature (empêcher un gardé à vue de dormir est de ce type). Pour Thom il y a profonde analogie entre biologie (animale), sociologie, psy, linguistique, bref qu’il y a une profonde unité derrière tout ça. Ne pas laisser les sociétés se reposer est un crime contre nature que nous allons payer très cher si nous insistons dans l’actuelle direction.
Thom associe à la catastrophe fronce, le cusp, la phrase de nature translogique « le prédateur est sa propre proie », à la base, selon lui, de l’embryologie animale. En couplant deux cusps on obtient la catastrophe « double cusp », considérée au début par Zeeman et récupérée par Thom dans ES. Pour moi c’est typiquement la catastrophe de couplage de deux cusps, d’accouplement, la catastrophe sexuelle par excellence. Elle nécessite, pour être comprise, de « voir » en dimension 6 (ou 7?): réservé à une élite donc (dont je ne fais pas partie, je ne vois déjà pas en dimension 4).
Claude Lévi-Strauss a produit une formule, dite formule canonique du mythe, qui a, un temps, emballé les esprits. J’ai appris de PJ, sur ce blog, que CLS s’est ultérieurement rétracté, considérant sa formule comme une simple curiosité. Jean Petitot, qui fut longtemps très proche intellectuellement de Thom, a repris cette formule et lui a associé … la catastrophe de double cusp…
A la fin de « Prédire n’est pas expliquer », il y a une carte du sens, comme il y a une carte du tendre dans d’autres bouquins. La place centrale y est occupée par le temple des mathématiques. Je ne serais pas étonné que ce soit un truc comme le roman que je viens d’ébaucher ci-dessus que Thom ait eu alors en tête.
La philosophie grecque d’Aristote et de Platon n’est pas loin (ama de nul en philo!) de dominer encore la pensée philosophique occidentale actuelle. Les mathématiques de cette époque en étaient aux couches-culottes: Pythagore arrangeant 10 billes (1+2+3+4) en triangle, se reculait et concluait: « 10 est le plus beau de tous les nombres)… ça ne volait quand même pas bien haut.
Il est évident que, pendant que la philo faisait plus ou moins du sur-place, les maths ont énormément progressé. Je ne crois pas trahir la pensée de Thom en disant qu’il a prévu que, dorénavant, ce seront elles qui tireront la philosophie.
PS: un point qui m’intéresse est la correspondance preuve-programme (Curry-Howard). La preuve du (1er?, 2ème? théorème d’incomplétude de Gödel correspond à un programme de restauration de fichiers. On retrouve qqchose de similaire en biologie moléculaire (ADN…). Je ne peux pas imaginer que l’analogie soit fortuite. S’il y a des info et des bio dans la salle…