L’actualité de la crise : Dynamiques de la crise, par François Leclerc

Billet invité.

DYNAMIQUES DE LA CRISE

La chute libre du système capitaliste financier a été freinée (non sans mal et à quel prix), sa stabilisation reste à démontrer, mais la discussion sur ce qui va lui succéder ne fait que s’engager. Les événements historiques qui se déroulent sous nos yeux ont surpris par leur ampleur, ils vont au moins autant le faire par leur durée. Sans que l’on perçoive clairement, dès aujourd’hui, ce qui pourra en être l’issue. Avec au moins une certitude, sans que nous en rendions nécessairement compte : les faits que nous vivons sont déterminants, pour employer un mot démonétisé à force d’être utilisé, mais nous ne savons hélas pas en quel sens.

En référence à un autre récent événement tout aussi surprenant, symbolisé par une autre chute, celle du Mur de Berlin (et avec lui d’un système « soviétique » qui n’avait pour seul rapport avec ses soviets d’origine que le nom), il sera décidément dit de notre époque qu’elle aura été fertile en surprises. Celle-ci était tout aussi inattendue que la crise actuelle, et il a fallu se rappeler le rêve de Nabuchodonosor et de son « colosse aux pieds d’argile » pour comprendre qu’un système de domination qui apparaissait immuable ait pu s’écrouler aussi simplement, de lui-même.

Ne doit-on pas observer aujourd’hui le même phénomène ? Un système financier tout entier, expression triomphante et se voulant achevée du capitalisme, grièvement atteint par ses propres contradictions et ne devant son salut que grâce à des expédients et des soutiens financiers publics démesurés ? Comme s’il n’avait même pas été nécessaire, à nouveau, de le pousser pour qu’il tombe…

Le parallèle s’arrête là, mais la similitude est frappante.

Le débat est donc permanent à propos de ce qui va suivre, aucune référence historique n’étant là pour nous éclairer. La « science économique » ayant globalement failli pour avoir usurpé un statut qui n’est pas le sien ; ses concepts présentés comme intangibles n’ayant pas résisté à l’épreuve des faits, n’ayant rien su annoncer, ne pouvant donc plus rien prévoir.

Les interrogations les plus entendues ne portent encore que sur l’avenir immédiat. Peu se hasardent à envisager encore des perspectives plus lointaines et globales, le nez toujours sur l’événement, tant les incertitudes à court terme restent grandes et lourdes de conséquence. Mais il ne faudrait pas que cette situation immédiate soit prétexte à « noyer le poisson » du plus long terme.

Le capitalisme financier peut-il sortir vivant de cette aventure, quand et comment ? S’il n’y parvenait pas, quel nouveau système pourrait alors lui succéder ? Ces deux questions ne sont plus académiques. Elles peuvent être étudiées et discutées en s’appuyant sur le déroulement même de la crise, pour la première d’entre elle, et pour la seconde sur les signaux annonciateur d’une alternative, que l’on peut désormais mieux percevoir dans nos sociétés, quand bien même ils sont encore modestes et parcellaires. Non plus au seul niveau du débat des idées, mais également de celui de pratiques sociales souvent hésitantes.

Le système dispose-t-il, en lui-même, des capacités à s’auto-réformer ? Rien n’est joué à la lumière de ce que nous observons actuellement, des mesures effectives de régulation financière qui sont petit à petit mises sur le tapis de négociations que l’on suppose laborieuses, ainsi que de ce que nous percevons des actions intenses de lobbying qu’elles suscitent déjà. Sans que s’exprime la volonté politique qui serait nécessaire. La résultante est loin d’être claire, d’autant que la poursuite de la crise, comme des contradictions, d’un pays à l’autre ou entre secteurs financiers, peut apporter son lot de surprises et de dépassements des intentions initiales des uns et des autres. Ainsi que la mise en cause de la « philosophie » anti-systémique, bien arrangeante, qui a jusque-là prévalu. Combien de mois va-t-il encore falloir attendre avant que se clarifie ce paysage ? Il importe, en attendant de le savoir, de suivre du mieux que possible les tractations plus ou moins souterraines en cours sur ces dossiers à géométrie variable. Afin d’identifier les portes dérobées grâce auxquelles il sera encore et toujours possible de se faufiler, afin d’échapper à des mesures considérées toujours trop contraignantes par ceux qui vont les subir.

Ce même système doit désormais aussi prendre en compte que l’un de ses leviers favoris, l’endettement à outrance, ne pas plus pouvoir fonctionner comme auparavant, lui imposant de réduire sa voilure, alors que son « génie » financier va être par ailleurs plus ou moins bridé. Il va donc se rechercher de nouveaux terreaux. On a précédemment vu comment le futur marché du carbone pouvait être prometteur, et avec lui tout le secteur de ce que l’on appelle le « green business ». On comprend également comment « l’émergence » économique de régions entières du monde, va être l’occasion de fructueux investissements à grande échelle et à fort rendement, en s’appuyant sur les déséquilibres et les inégalités sociales, la présence d’une main d’œuvre bon marché et l’exploitation à outrance des ressources naturelles. Rassurons-nous, les capacités de nuisance du système sont intactes, quitte à ce qu’il s’adapte s’il en dispose de l’opportunité !

C’est ainsi que le système pourra se doter de nouveaux leviers, une fois remis sur pied tant bien que mal s’il y parvient. Parallèlement à la gestion ses anciens terrains d’élection, les Etats-Unis et l’Europe de l’Ouest, dont la fortune est dorénavant déclinante. Mais n’anticipons pas, la crise n’est pas du tout résolue. D’inquiétantes menaces continuent de planer sur le système financier, car ses pansements sont fragiles, tandis que l’on continue de chercher quel pourrait être bien être le moteur de la relance économique.

Ne peut-on aujourd’hui pas dire que si le capitalisme financier est tombé du fait de ses propres contradictions (l’important étant d’en décerner le moment, quitte à ce que du temps soit nécessaire pour que cela se révèle dans toute son ampleur), il manque néanmoins un petit coup de pouce pour le faire basculer ? Les siècles précédents ont été animés par des luttes de classe intenses dans les pays qui avaient connu la révolution industrielle. Les autres n’étaient encore que des colonies ou bien des pays « sous développés » avant qu’ils n’accèdent pour certains d’entre eux au statut de pays «émergents ». De quoi notre nouveau siècle va-t-il être fait ? Sans doute doit-on reconnaître que nous avons été pris par surprise par la crise du capitalisme financier, alors que nous n’avions pas encore digéré d’autres épisodes récents de notre histoire. Celui que l’on a appelé le « stalinisme », ou bien le « maoisme », sans parvenir à nous mettre d’accord sur le fait de savoir s’il s’agissait de la domination d’une nouvelle classe, ou bien de la dégénérescence d’une révolution sociale avortée. Celui de luttes de d’indépendance nationales qui n’ont pas d’avantage été au bout de leur logique libératoire, à moins que l’on pense rétrospectivement que leurs limites étaient inscrites dans les conditions même de leur combat. Quoiqu’il en soi, nous avons assisté à un double échec. A quoi devons-nous nous attendre dorénavant ?

Il y a plus de points d’interrogations à poser que de réponses toutes trouvées à formuler. Avec le risque que nous ne soyons pas prêts à temps. Dans ces conditions, s’il faut faire confiance à quelque chose, c’est faute de mieux à la dynamique de la crise elle-même, ainsi qu’à l’expérience collective accumulée. Car, sinon, ceux qui ne voient comme seul avenir possible que l’instauration d’une barbarie moderne, trouvant à la fois leur inspiration dans les écrits prémonitoires de George Orwell (lui même inspiré des leçons de la révolution Espagnole, de ses avatars et de son échec final), ainsi que dans les caractéristiques d’un contrôle social montant, pourraient avoir raison.

Tel est le paradoxe de ce que nous vivons : l’obstacle à franchir est moins celui d’un système qui a été au bout de ses faiblesses, que l’ampleur de la remise en question qui doit être opéré pour qu’une alternative puisse concrètement se dessiner et par consensus l’emporter.

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109 réponses à “L’actualité de la crise : Dynamiques de la crise, par François Leclerc”

  1. Avatar de Erwan Quilgars

    Seconde Remarque.
    Un changement de système économique n’implique pas forcément une nouvelle répartition des richesses. Après tout, l’effondrement de l’URSS a vu un changement complet de système politique et économique en Russie, mais il n’y a pas eu de révolution sociale : la nomenklatura s’est muée « tout naturellement » en une classe d’entrepreneurs et d’hommes politiques modernes (type Poutine).
    Ainsi, on peut certes voir dans le voyage de Geithner à Pékin une rencontre symbolique où la « puissance déclinante » (les Etats-Unis) propose à la puissance montante (la Chine) une sorte de partage du leadership mondial. Mais on peut aussi y voir une rencontre d’un membre de la nomenklatura états-unienne avec ses homologues de la nomenklatura chinoise pour une défense de leur intérêt de classe commun (celle l’upper-class mondialisée) contre les intérêts des classes subalternes.
    Autrement dit, ce n’est pas parce que l’« élite » occidentale ne prend aucune mesure véritable pour sortir de la crise qu’elle ne prépare pas l’avenir – ou plutôt « son » avenir. Elle est suffisamment réduite en nombre et puissante financièrement pour s’accommoder d’une décennie de crise et de désordre, et s’adapter à une transformation radicale du système économique. Après tout, la noblesse d’Ancien Régime a plutôt bien survécue (en tant que classe) à la Révolution française.

    1. Avatar de dalembert
      dalembert

      Re bien vu, re bien dit.

    2. Avatar de Betov
      Betov

      Je ne comprend toujours pas ce que les participants, ici (Jorion compris) appellent « Un changement de système économique ».

      Si vous parlez du point de vue de l’observateur d’un phénomène naturel, ce système est, par définition, toujours en « changement ». Si vous ne parlez pas d »une nouvelle répartition des richesses », vous ne parlez pas de « politique », et donc, vous ne parlez… de rien.

      @Paul Jorion: Est-ce que, par exemple, l’interdiction de l’effet de levier, en bourse (totalement insignifiant et ridicule, de mon point de vue, puisque sans aucune conséquence réelle sur les cours), constituerait, pour vous, « un changement de système » ? (Votre réponse, sur ce thème, dans un autre fil…)

    3. Avatar de Boukovski
      Boukovski

      La dissolution de l’Union soviétique décidée par les élites soviétiques en 1991 a donné naissance à un système économique où la répartition des richesses a radicalement changé. L’écart des revenus était très faible dans l’Union. Il est aujourd’hui explosé avec une ampleur qui dépasse désormais celle que l’on constate aux Etats-Unis. La fin de l’URSS a ainsi entraîné une concentration des richesses encore jamais vue dans l’histoire russe.

    4. Avatar de Bob
      Bob

      Je suis assez d’accord avec votre analyse, à un détail près c’est que ce coup-ci l’effondrement du système ne touchera pas qu’un pays isolé, mais la totalité des pays simultanément .
      La psychologie des foules à l’échelle mondiale et les interactions possibles peuvent s’avérer difficile à gérer même pour une classe dirigeante bien préparé.

    5. Avatar de Bob
      Bob

      @ Betov

      L’effet de levier n’est pas insignifiant du tout.

      Prenons deux personnes A & B qui par leur travail ont créé chacun 10€ de richesse.
      Avec l’effet de levier chacun pourra jouer 10X100=1000
      A joue la baisse, B la hausse, sur le marché dérivé, vous avez 2000€ pour 20€ de richesses réelle.
      In fine l’un perdra une somme bien supérieure à ses richesses.
      Qui paye ???

    6. Avatar de Betov

      Tu ne penses tout de même pas que c’est le « broker » qui va payer. Si certains sont suicidaires, ça les regarde.

    7. Avatar de Bob
      Bob

      @ Betov

      La rémunération du broker n’a aucun intérêt ici;

      Tu soutiens que l’effet de levier est insignifiant, la démonstration te prouve que non.
      Pour 20€ de richesses réelles créées, tu as sur les marchés dérivés 2000€ virtuels, générant des gains et des pertes largement supérieurs à ces 20€.
      Il suffit de regarder le montant global des marchés dérivés, par rapport aux marchés des actions, ou aux PIB mondial pour ce rendre compte du problème.

    8. Avatar de Betov

      @Bob. Tu es en train de dire que les 2000 euros « virtuels » perdu par l’autre joueur ne sont payés… par personne ?! Chouette, je vais peut-être devenir suicidaire. 🙂

      A la rigueur, je pourrais comprendre qu’on veuille interdire l’effet de levier parce que le principe du jeu à crédit est immoral, mais démontrer que cela puisse résoudre en quoi que ce soit les multiples problèmes de l’économie financière, c’est une autre affaire, et ça n’y changerait de toute évidence absolument rien. Reprend ton exemple, avec des joueurs qui *possèdent* les 1000 euros. quand celui qui gagne à la hausse ramasse, l’argent est tout aussi « virtuel ». Aucune différence pour l’ensemble du système, si ce n’est que celui qui perd, au lieu d’être ruiné à vie, se retrouve juste en slip.

    9. Avatar de Bob
      Bob

      @ Betov

      La perte ou le gain virtuel ne seront pas 2000€ mais peut être 200 ou 500€, là n’est toujours pas le problème.
      Le problème c’est qu’il n’existe que 20€ réel.
      Remplace les € par du blé, du pétrole ce que tu veux, celui qui perd son pari ne peut rembourser ce qui n’existe pas!! il est obligé d’emprunter à quelqu’un d’autre ce qu’il n’a pas pour payer sa dette.
      La réalités des marchés dérivés c’est qu’ils génèrent des milliards virtuels hors de proportion, avec la richesse réelle, à un moment tous les perdants ne trouvent plus de quoi rembourser leurs pertes, sauf à payer en fausse monnaie.

      Que l’interdiction de l’effet de levier, ne constitue pas un changement de système , je suis d’accord mais ce n’est pas pour autant un point totalement insignifiant. Sans ce système poussé à son paroxysme, cette crise ne serait pas systémique. les pertes ne seraient pas abyssales.

    10. Avatar de karluss
      karluss

      pour l’aristocratie de l’ancien régime, pas mal de têtes sont tombées malgré tout, et un renversement de valeurs fut manifeste. La puissance noblière s’est éteinte, le pouvoir foncier a été dominé par le monde marchand, et depuis les marchands mènent la danse.

  2. Avatar de François78
    François78

    Réforme des avantages en matière de retraite accordés aux mères de famille ayant élevé plusieurs enfants …
    En voilà une idée qu’elle est bonne ! Encore quelques unes comme çà et le système est sauvé !

    1. Avatar de Bob
      Bob

      Oui j’ai vu ça, mais c’est pour la bonne cause puisque c’est au nom de l’égalité homme/femme !!! si si….
      Et puis c’est pas la faute du gouvernement hein, c’est une directive Européenne à laquelle le France ne peut absolument pas se soustraire.
      On est obligé à l’insu de notre plein gré, on vous dit…
      Ensuite on s’étonne que l’Europe soit détesté par les citoyens !!!

  3. Avatar de Boukovski
    Boukovski

    J’aime assez l’approche structuraliste de F. Lordon. Ce ne sont pas tant les banquiers centraux et les banquiers des grandes banques commerciales qui sont en cause que les hommes politiques qui ont consciencieusement et patiemment mis en place le cadre réglementaire (ou plutôt qui ont démembré le cadre réglementaire existant) qui a permis à la finance dérégulée et mondialisée de devenir ce qu’elle est aujourd’hui. Qui remet en question aujourd’hui l’action de ces hommes politiques et des gouvernants qui ont tous oeuvré dans ce sens depuis les années 80 ?

    Autre chose, la moyenne de l’éonia (taux de l’argent entre banques et zinzins au jour le jour) est tombée à 0,35% le mois dernier ! L’Euribor 3 mois est désormais à 0,85%. A ce niveau de taux il s’agit bel et bien d’argent gratuit que la BCE met à disposition des banques commerciales de la zone euro et dans des volumes sans précédent dans l’histoire financière de l’Europe.

    1. Avatar de Quidam
      Quidam

      Boukovski dit :

      (…) les hommes politiques qui ont consciencieusement et patiemment mis en place le cadre réglementaire (ou plutôt qui ont démembré le cadre réglementaire existant) qui a permis à la finance dérégulée et mondialisée de devenir ce qu’elle est aujourd’hui.

      Oui et je ne comprends d’ailleurs pas pourquoi Paul Jorion n’est pas plus explicite sur cette question essentiellle.
      http://www.dailymotion.com/user/acrimed/video/x8e1mf_frederic-lordon-jeudi-dacrimed-12_news
      http://www.dailymotion.com/related/x8e1mf/video/x8e40j_frederic-lordon-jeudi-dacrimed-22_news

  4. Avatar de vladimir
    vladimir

    merci a toutes et tous de debattre de l’essentiel,

    l’avenir se joue autant en Chine qu’aux USA,et les laboratoires des alternatives sont en Amerique Latine et en Europe…

    La fin aout 2009, risque d’etre un point d’inflexion ?

    “Même le mouvement anarchiste, qui est le seul à présenter des solutions raisonnables et, que l’on sait fonctionnelles par expérience, est en état de mort clinique…??? “

    Les apparences “mediatisées” sont peut etre trompeuses et le “nous n’avons plus peur” qu’on entend au Honduras, malgré les militaires, ces jours ci, est peut etre un debut…

  5. Avatar de Cedric
    Cedric

    @ François Leclerc

    Vous parlez de la chute du capitalisme et le comparer à la chute du communisme.

    En premier lieu le communisme est toujours présent dans certains pays (cuba,corée ) ou a laissé beaucoup de trace dans d’autres (albanie…) ou ont adapté le capitalisme (chine,vietnam etc…)

    Le communisme n’est donc pas mort, tout comme le capitalisme ne mourra pas : il perdra de nombreux élements, se recroquevillera sur lui même parfois, ou s’adaptera au nouveau système.

    De plus, il faut savoir ce que l’on entend par capitalisme. Si c’est juste la liberté de commercer et de faire des profits : il a de bons jours devant lui. En effet, l’homme commerce depuis la nuit des temps tous les actifs possibles (même les hommes eux mêmes).
    Changer la nature de l’homme risque d’être trés difficile

    1. Avatar de fujisan

      François Leclerc fait souvent référence au « capitalisme financier », ce que je comprends comme une distinction du « capitalisme entrepeneural ». La distinction qu’Aristote faisait entre l’économique et la chrématistique ?

      Pour une comparaison entre l’effondrement de l’Empire Soviétique et l’Empire Américain, je vous invite à lire Combler le retard d’effondrement par Dmitry Orlov.

      Et mettre en paralèlle avec l’Empire Européen. Barroso lui-même reconnait que l’UE est un Empire, et il en est fier! Une piste: http://www.youtube.com/watch?v=iqyC3nMpldM

    2. Avatar de François Leclerc
      François Leclerc

      La nature de l’homme ? Je ne la connais pas. Le capitalisme ? Il a déjà connu plusieurs stades successifs de son développement. Le communisme ? Il n’a jamais existé, si l’on s’en tient aux écrits de Marx lui-même. C’est le socialisme qui était prétendument construit, et dont il reste effectivement des traces.

      Les « modes de production » ne sont jamais « purs ». Marx a lui même parlé d’un « mode de production asiatique », qui ne figurait pas, si je puis dire, dans son catalogue de base. L’histoire de nos sociétés est pleine de systèmes « sui generis » déroutants à l’analyse, de régimes que l’on qualifie de « transitoires », mais qui ont la vie dure et longue ! De variantes qui ne collent pas bien avec les grands modèles.

      De nombreuses pages sont encore à écrire et à analyser au regard de ce que le XX éme siècle a produit. Notamment celles de ces étranges mutations qui se sont produites dans l’ex-URSS ou bien en Chine populaire, moins d’un demi siècle après leurs « révolutions ».

      Le débat sur « l’oligarchie » qui est apparu sur ce blog n’est rien d’autre qu’une tentative assez maladroite (je le prends pour moi) de décrire un stade du capitalisme, tel qu’il se découvre à la faveur de la crise actuelle.

      Tout cela témoigne d’un grand besoin d’analyse !

    3. Avatar de jacques
      jacques

      Francois Leclerc pète une durite . » Le communisme? Il n’a jamais existé. » Soit! Mais les communistes ,si.Un peu de respect pour les morts, svp.Pourquoi pas pendant qu’on y est des arguments du type « Hitler, on ne l’a connu qu’en temps de guerre! ».Ca dérape!

    4. Avatar de Verywell
      Verywell

      Certains, dès que le terme « communisme » n’est pas accompagné de « bouhou méchant », sortent le marteau compassionnel qui récuse la nuance.
      « Le communisme ? Il n’a jamais existé, si l’on s’en tient aux écrits de Marx lui-même. » dit François Leclerc.
      Il a raison. Aucun dérapage à signaler. Polémique dépassée et stérile.

    5. Avatar de François Leclerc
      François Leclerc

      D’après Marx, le communisme correspondait à l’instauration d’une société sans classe. L’URSS s’appelait d’ailleurs : Union des Républiques Socialistes SOVIETIQUES (souligné par moi). Ne pas confondre le communisme et les communistes…(le Parti Communiste). Il n’y a aucun dérapage, mais des faits établis.

    6. Avatar de jacques
      jacques

      AVERY WELL PAS TEX
      j’assume la compassion ringuarde pour les victimes des idéologies totalitaires quelles qu’elles soient .Merci pour votre raisonnement à couper à la faucille.Quand vous croiserez un Nord-Coréen ou un Palestinien, vérifiez si vous courrez aussi vite qu’une balle de fusil.

    7. Avatar de Verywell
      Verywell

      @ Jacques
      Mais que peut-on répondre à ce que vous dîtes? Et comment peut-on sérieusement ne pas partager votre point de vue?
      Vous enfoncez là une porte ouverte avec le sentiment de prendre d’assaut la Bastille.
      Le sujet était la confusion éculée entre le communisme théorisé par Marx et ce que les Partis Communistes en ont fait.
      C’est tout.

    8. Avatar de Paul Jorion

      Ce débat m’obligera d’y revenir plus longuement mais, en deux mots, peut-on exonérer Marx de ce qu’ont été les pays « communistes » sous prétexte d’un malentendu fondamental ? Ma réponse est non : l’appel à la dictature – même du prolétariat, même « révolutionnaire » – vient bien de lui, le dogmatisme du marxisme est aussi le dogmatisme de Marx lui-même. Ni Lénine, ni Staline, ni Mao ne furent des imbéciles et Staline et Mao encore bien moins que Lénine, et tous trois furent d’excellents lecteurs de Marx.

    9. Avatar de Moi
      Moi

      @Paul Jorion: rien à voir avec Marx, mais lorsque vous ne l’éxonérez pas de ce qui s’en est suivi (je suis d’ailleurs d’accord avec vous), je me pose des questions sur quelqu’un qui m’a toujours intéressé beaucoup plus et dont la pensée est plus importante pour notre manière d’être. Je veux parler de Jésus. Doit-on de même l’éxonérer ou doit-on considérer les docteurs de l’Eglise comme de mauvais lecteurs des Evangiles?

      Je vous donne un exemple concret dont j’ai pris connaissance il y a peu et qui m’a proprement scandalisé: http://fr.wikipedia.org/wiki/Hypatie_d%27Alexandrie
      http://fr.wikipedia.org/wiki/Cyrille_d%27Alexandrie

      et pour comble de malhonnêteté, l’Eglise a ensuite inventé une sainte pour retourner l’affaire: http://fr.wikipedia.org/wiki/Catherine_d%27Alexandrie

    10. Avatar de Moi
      Moi

      Mon dernier commentaire est en cours de modération, ce qui prouve que cette machine ne fonctionne pas si mal (bien que les critères m’échappent), je me trouvais moi-même à la limite du trollage. 🙂

    11. Avatar de François Leclerc
      François Leclerc

      Vaste débat : je ne crois pas qu’assimiler l’oeuvre de Marx à ce qu’ont été le léninisme, le stalinisme et le maoisme (dans l’ordre chronologique) soit particulièrement éclairant, ni de la pensée du premier, ni des réalisations des suivants. Et que cela permette de comprendre ce qu’on été ces régimes, et ce qu’ils sont devenus aujourd’hui. Ni d’engager la meilleure lecture critique de Marx, celle qui permettrait de répondre à la question: en quoi ce qu’il a écrit peut encore, ou non, servir à comprendre les sociétés dans lesquelles nous vivons ?

      Pour y revenir, l’histoire tumultueuse des premières années de la Révolution Russe est très instructive pour comprendre comment s’est enclenché le processus qui a donné lieu à ce l’on a ensuite appelé le « stalinisme », et dont la caractérisation a fait ensuite couler beaucoup d’encre. Capitalisme d’Etat pour les uns, dégénérescence bureaucratique pour les autres…

      Le stalinisme et tout ce qu’il a engendré était-il inévitable et pourquoi ? Cela a donné lieu, à l’époque même et depuis, à de nombreuses discussions. Sans doute le meilleur compte-rendu facilement accessible que l’on peut en avoir est dans la biographie de Trotski écrite par Isaac Deutscher, qui a fait un vrai travail incontesté d’historien.

      Ce qu’il en est pour l’essentiel ressorti, ce n’est pas la mise en évidence de la continuité idéologique que l’on voudrait discerner entre le philosophe et les praticiens qui s’en réclamèrent formellement, mais plutôt les conditions historiques dans lesquelles ceux-ci agirent.

      Pour mémoire, les révolutionnaires de l’époque, dans toute leur diversité et leurs oppositions, attendaient l’avènement de la révolution socialiste en Allemagne, dans un des pays les plus industriellement développé. Ce fut dans une Russie relativement arriérée qu’elle l’emporta.

    12. Avatar de Paul Jorion

      @ Moi

      Bonne question. Le dogmatisme encore une fois. A contrario, combien de morts Socrate a-t-il lui sur la conscience ?

    13. Avatar de Moi
      Moi

      Aucun, tout à fait. C’est d’ailleurs là où je voulais en venir. 🙂

  6. Avatar de Betov

    « Les laboratoires des alternatives … en Amérique Latine », je les vois bien, mais « en Europe », je me demande à quoi tu peux bien faire allusion. A l’auto-entreprise ?

    « fin aout 2009 point d’inflexion »: A voir le tassement des cours, cette semaine, sur les actions les plus purement spéculatives, on dirait bien que les robots des grandes banques ont fini de pousser à la hausse. Donc… oui, probablement. mais ce sera plutôt une descente en escalier, reportant le grand plongeon à je ne sais quand… Aura-t-il seulement lieu? Tout les fondamentaux disent oui, mais si tout est devenu « virtuel »… Pourquoi pas l’asile de fous pour tous ?

    Anarchie: Si tu ne comprends pas, tant pis. Tu n’es pas le seul… 😉

  7. Avatar de Thomas
    Thomas

    Au delà des nuances d’analyse qui apparaissent dans le cours de la conversation qui précède, ce qui se révèle (si j’ose dire) c’est l’actuelle absence d’alternative au système existant. Puisqu’il est évident que seul existe aujourd’hui, avec quelques variantes organisationnelles qui peuvent être de taille (démocratie v dictature), le système capitaliste et que les soubresauts de son agonie annoncée peuvent se prolonger encore pendant plusieurs générations. En attendant, tel un super tanker bourré de pétrole, il poursuit sa route vers les écueils sans capitaine ni équipage à son bord.

  8. Avatar de Erwan Quilgars

    Je développe mon point de vue dans le prolongement de mes deux interventions précédentes.
    Selon moi, l’« élite » occidentale est confrontée à un double problème.
    D’une part, il lui faut « changer de système économique », c’est-à-dire reconstruire une économie efficace qui ne soit plus (ou beaucoup moins) dépendante des circuits financiers actuels, qui créent des bulles diverses, des déséquilibres macro-économiques, etc., etc.
    D’autre part, il lui faut préserver à son avantage une répartition inégalitaire des richesses, actuellement fondée sur de forts écarts de salaires, un système redistributif (par l’impôt) moyennement correctif, des lois sur l’héritage favorables, etc., etc.
    Ces deux objectifs ne sont pas contradictoires, si l’on considère que la financiarisation de l’économie – vue souvent à tort comme la marque de fabrique exclusive du néolibéralisme – n’a été finalement qu’un aspect parmi d’autre d’une « révolution culturelle », destinée à construire un « homme nouveau » sur des valeurs libérales « régénérées ». En particulier, s’est imposée l’« idéologie du mérite » et de « la responsabilité individuelle », qui a été comme le soubassement moral et la justification philosophique de l’aggravation des inégalités dans nos pays.
    C’est pour cela que l’on peut très bien imaginer une « liquidation de la finance » dans sa forme actuelle au profit d’un autre système de financement de l’économie, une « autre économie » donc, mais dans laquelle perdureraient des inégalités importantes. (J’ai pris ainsi l’exemple de la nomenklatura soviétique qui, sous une autre forme, a pu garder ses privilèges après l’effondrement de l’URSS – mais je ne suis pas bien sûr un spécialiste de la Russie…).
    Car, pour que de telles inégalités puissent perdurer, il faut qu’il y ait un consensus sur la légitimité des inégalités, non pas sur leur niveau mais dans leur principe. Or ce consensus existe : l’on conteste le montant des salaires et bonus des traders, l’on réfléchit sur le ratio socialement « acceptable » entre le salaire du PDG et celui de sa secrétaire, mais le principe même d’une répartition inégalitaire n’est pas en cause, au nom justement de l’« idéologie du mérite ». D’une certaine manière, le succès du « travailler plus pour gagner plus » sarkozyste n’en est qu’une manifestation dégradée.
    Il y avait certes déjà au XXe siècle une répartition inégalitaire des revenus en Europe, mais c’était dans le contexte de « sociétés englobantes », avec des cadres structurants puissants (familles, syndicats) ou sous le regard de l’Etat-Providence. Or – et c’est là l’une des autres caractéristiques de notre temps –, la révolution néolibérale a aussi eu pour but de détruire la société en tant que « réseau de solidarités » (entre les générations, les individus, les groupes sociaux, etc.) – d’où son programme politique exemplaire au Royaume-Uni ou aux Etats-Unis (remplacement de la retraite par répartition par la retraite par capitalisation, baisse de l’impôt sur le revenu, destruction du pouvoir des syndicats, etc. Voir, pour ceux que ça intéresse, mon court post sur le sujet : http://bloginlondon.wordpress.com/2009/08/12/is-there-still-such-thing-as-british-society/).
    Bref, l’« homme nouveau » néolibéral n’a plus le rapport à lui-même et à la société que l’avait par exemple l’homme nouveau post-1945 ou l’homme nouveau post-1968. C’est pour cela qu’il est difficile d’anticiper les formes de critique et de contestation qui vont pouvoir s’imposer dans les années à venir (si elles peuvent à s’imposer), et que l’on peut craindre au contraire que l’« élite» dirigeante mondialisée, profitant de l’avantage décisif qu’elle a acquis dans la transformation des esprits, ne reconfigure l’ordre du monde à sa façon et à son profit.

    1. Avatar de François Leclerc
      François Leclerc

      Je lis avec intérêt vos développements. Je voudrais en profiter pour manifester ma circonspection (une fois de plus) devant toute construction analytique revenant à estimer que les jeux sont faits ou presque, telle que l’on peut en percevoir souvent la tentation dans des commentaires.

      Je serais prudent à propos de la marque laissée dans les esprits, l’avantage qu’elle procurerait aux « élites », suivant vos propres termes. Les idéologiques gardiennes du maintien de l’ordre du moment ont certes beaucoup évoluées, cet ordre aussi n’est plus le même. Certaines sont apparues, d’autres disparues, peut-on tirer l’idée que leur emprise est plus forte pour autant ? La résultante est plus complexe que ne pourrait le laisser penser le quotidien. Comme vous le dites, « il est difficile de d’anticiper les formes de critique et de contestation qui vont pouvoir s’imposer dans les années à venir … »

      Je pense que c’est à l’étage au-dessus que le problème est préoccupant, celui où s’exprime « la politique » (la vie dans la cité), ayant soit les pieds et la tête englués dans la gestion désolante de l’existant, soit étant condamnés à la protestation et la perspective abstraite d’une société meilleure mais indéfinie et lointaine.

  9. Avatar de ecodouble

    Oui ! le capitalisme va tomber.
    Juste parce qu’il n’y a plus assez d’énergie fossile disponible.
    Or cette énergie, c’est son sang, c’est son or.

  10. Avatar de jducac
    jducac

    @Erwan Quilgars 14 août 2009 à 12:45
    Je reprends vos termes précédents « la révolution néolibérale a aussi eu pour but de détruire la société… »
    Faut-il comprendre que cette révolution avait un plan, un programme, un projet et un ou des architectes comme concepteurs et maîtres d’œuvres ? Etait-ce déjà à l’époque une nouvelle théorie du complot ?
    Ne pensez-vous pas que ce que vous citez comme méfaits n’ont étés que des conséquences, des résultats, des effets indésirables qui n’avaient pas été clairement définis comme objectifs à atteindre ?

    Ce serait bien de connaître les objectifs que se donne la prochaine révolution et quels sont les effets indésirables vis-à-vis desquels il convient de se protéger par des mesures préventives.

  11. Avatar de Erwan Quilgars

    @ François Leclerc, @ jdudac

    Evidemment, il n’y a jamais eu de « complot néolibéral », de programme établi dans le secret d’un petit groupe de conjurés bien en place, un plan qui aurait été ensuite mis en œuvre point par point à l’échelle mondiale par une « élite » homogène et soudée, consciente de ses objectifs et de ses intérêts de classe. La « révolution libérale » a été un processus multiforme, largement impersonnel et décalé dans le temps selon les pays. Elle est le résultat à la fois du grand bouillonnement intellectuel des cercles universitaires et des think-tanks de droite (qui n’ont jamais d’ailleurs développé une théorie unique et unifiée de leurs idées), de la diffusion par certains médias auprès du grand public d’une vulgate molle mais facilement verbalisable, de l’action particulière, non coordonnée et parfois même contradictoire des différents acteurs gouvernementaux ou para-gouvernementaux (les Etats, la Commission européenne, les institutions internationaux type FMI, les syndicaux patronaux, etc.) et de la pure logique capitalistique des grandes entreprises, notamment internationales, dans leur lutte pour des parts de marché.
    Cela dit, aujourd’hui, trente ans après l’élection de Thatcher au Royaume-Uni (coup d’envoi en quelque sorte de cette « révolution »), rétrospectivement donc, on peut voir une cohérence globale dans les changements de toute sorte (économique, politique, etc.) qui ont eu lieu, et c’est pour cela que l’on peut essayer d’en restituer « l’idéologie », « l’esprit du temps » en somme, sur le mode du « tout s’est passé comme si ». Mais ce n’est bien sûr qu’une reconstruction a posteriori – et très incomplète sans doute.
    Quand je parle de « transformation des esprits » (et je devais dire aussi : « et des corps »), c’est pour mettre en avant une dimension souvent négligée dans l’appréhension du phénomène néolibéral, qui est sa dimension « culturelle ». Autrement dit, je ne crois pas que pour « sortir » du néolibéralisme, il faille simplement sortir d’un certain type de fonctionnement économique. D’une certaine façon, les dégâts « intellectuels et culturels » sont beaucoup plus importants que l’on ne veut bien le croire, et ils se manifestent dans une multitude de faits sociaux qui en apparence n’ont rien à voir (l’« épidémie » d’obésité, la baisse constante du taux de syndicalisation, le téléchargement illégal, etc.) – une sorte de bric-à-brac bizarre qui constitue l’époque actuelle. Nous sommes tous devenus, plus ou moins, des néolibéraux.
    De même, quand je parle d’« élite dirigeante mondialisée », je désigne non pas un petit groupe homogène et soudé, conscient de ses objectifs et de ses intérêts de classe, mais une « structure de pouvoirs », c’est-à-dire un réseau de fonctions sociales définies (direction de pays, d’administrations, d’entreprises, d’universités, etc.), qui, de fait, « exercent » le pouvoir – et qui, par là même, vont décider des orientations futures de nos sociétés. Ces fonctions sont tenues par des individus qui eux aussi, et sans doute plus que les autres, ont subi la « transformation des esprits » de la révolution néolibérale, et ce sont eux pourtant qui vont devoir faire preuve d’« imagination au pouvoir » pour sortir de la crise – tout en perpétuant, évidemment, leur existence.
    Autrement dit, la « sortie de crise » ne sera pas l’affrontement d’une « élite » attachée à ses privilèges et un « peuple » désireux de changement : elle sera avant tout, au sein de l’« élite », une compétition entre différentes « options » de sortie de crise, incarnées ici et là par tel ou tel leader politique, chacune cherchant pour s’imposer à accroître son audience auprès du « peuple » en utilisant tel ou tel ressort psycho-idéologique. Et c’est précisément ce que nous savons pas: quels sont vraiment aujourd’hui, après trente ans de révolution néolibérale et de « transformation des esprits », nos ressorts pyscho-idéologiques ?

    1. Avatar de François Leclerc
      François Leclerc

      On pourrait en parler sous un autre angle, en reprenant le concept d’aliénation, et en voyant comment celle-ci s’est déplacée, quelles nouvelles formes elle prend dans nos sociétés occidentales. Le monde de la « superstructure » est aussi intéressant à démonter que celui des ‘ »infrastuctures » ! Les « faits de société », comme les appellent les journalistes, sont éloquents de ce que pense et vit une société. Jean-Luc Godard faisait, au temps des « Cahiers du Cinéma », ses choux gras de la lecture des publicités (des réclames)…

      Mais je persiste à penser qu’il y a une forte ambivalence dans la culture d’aujoud’hui…

      Et, puisque vous parlez de l’obésité et du téléchargement de la musique, deux faits sociaux que je suis attentivement: le premier exprime parfaitement une sorte de fuite en avant collective, expression d’une évolution des modes de vie et de la manière de se nourrir, de l’impact de l’industrie agro-alimentaire et de la grande distribution, de sa « récupération » par l’industrie pharmaceutique, avec son corolaire de la lutte contre la « mal bouffe » et sa mode du bio; le second une réaction à la « marchandisation » et le besoin d’une liberté culturelle individuelle et collective toute à la fois. En gros !

      Dans les deux cas, les phénomènes sont contradictoires.

    2. Avatar de Olivier
      Olivier

      Lao tseu n’a-t-il pas dit : « Le gouvernement du Saint remplit le ventre de son peuple et vide son esprit »
      C’est rigolo que vous preniez l’exmple de la malbouffe et du téléchargement illégal 🙂

    3. Avatar de Wladimir
      Wladimir

      Plutôt d’accord avec vous quand vous décrivez le modèle néolibéral comme tentative de construire « l’Homme Nouveau » et que la dimension culturelle ainsi créée est souvent occultée par les critiques du système. Mais n’est-ce pas là justement l’échec de cette tentative qui est sanctionnée par la crise générale ? Comment une société peut-elle fonctionner avec un homme nouveau réduit strictement à un rôle de consommateur (même plus producteur) complètement coupé des ses racines familiales, sociales, religieuses ou même simplement éthiques, c’est à dire dans la négation perpétuelle des bases irréductibles des sociétés humaines qui se sont construites jusqu’à présent ? N’est-ce pas strictement les mêmes raisons qui ont entraîné l’effondrement du système soviétique par abandon devant l’ampleur de la tâche éternellement recommencée à chaque fois qu’un nouvel Soljénitsyne surgissait du néant des goulags ? Ce n’est pas la montée en puissance du peuple autonome dans ses revendications qui a créé l’effondrement, c’est l’effondrement des classes dirigeantes incapables d’aller jusqu’au bout de leur tâche et remettant leur destin entre les mains de bureaucrates incompétents et d’escrocs mafieux qui a amené la catastrophe. Pour que le capitalisme s’en sorte, il lui faudrait recréer de toute pièce une élite digne de ce nom, pas une réunion de managers jet-setteurs incapable de voir plus loin que le bout de leurs parachutes dorés.

  12. Avatar de ghost dog
    ghost dog

    @Erwan,

    Tout d’abord merci pour vos contributions qui sont à la fois pertinentes et passionnantes !

    Même si je partage votre constat (très intéressant ça :l’« épidémie » d’obésité, la baisse constante du taux de syndicalisation, le téléchargement illégal, etc.), je reste assez optimiste quant à la capacité de la France à faire preuve d’imagination.

    Sans vouloir me la jouer cocorico ( particulièrement alors que ce pays possède un ministère de l’immigration et de l’identité nationale), je trouve que le pays des fromages qui puent s’en tire pas trop mal après 30 années de lobotomie néolibérale.

    L’exception culturelle par ex qui est avant tout un mode de financement du ciné français mais qui à mon avis est assez représentatif de ce que certains là-bas ne voudront jamais lâcher.

    Les 35 heures que même Sarko, Le Grand Fossoyeur de l’héritage du Conseil de la Résistance renâcle à supprimer.

    La lutte aux côtés des sans-papiers, les gens qui ont dans le sang une certaine culture de la manifs, de la protestation, sans oublier le fameux NON à la constitution qui prouve, malgré l’effort hallucinant de propagande, la capacité de la population à s’informer et à penser par elle-même.

    Alors oui, nous avons abandonné les classes populaires, la démocratisation de l’accès à l’université ayant entraîné par ailleurs un déclassement du travail manuel, un mépris des classes laborieuses.

    Le cinéma d’avant-guerre magnifiait les histoires populaires, aujourd’hui on fait dans le misérabilisme ou le mépris ( savament drapé dans l’humour second degré, ex : les Deschiens).

    Le triomphe de l’individualisme, c’est le triomphe des classes moyennes blanches, mieux éduquées mais parfois totalement déshumanisées (cf : » violences des échanges en milieu tempéré » ou encore « la question humaine »).

    Reste sur le carreau, les pauvres, les sous-éduqués qui bouffent du Mc Do ou de la bouffe industrialisée de supermarché et se retrouvent effectivement obèses avant d’avoir atteint leur majorité.

    C’est peut -être la partie visible de l’américanisation…télé+junk-food + pouvoir publique corrompu (Bachelot dans le genre vendue aux Lobbies…).

    Je ne me risquerai pas à un pronostic sur l’arrivée, mais je crois que la bataille est loin d’être perdue…Pardonnez-moi, camarade, de ne regarder que le verre à moitié-plein, mais votre présence sur ce blog, ainsi que celles des centaines de contributeurs prouvent aussi à sa façon que tout n’est pas perdu…

    Reste à enrôler, ma boulangère, ma coiffeuse, le guichetier de banque, la caillera de banlieue, la ménagère de moins de 50 ans, pfff…would this revolution be televised ?

  13. Avatar de vladimir
    vladimir

    L’alternative s’avance en Europe plus ou moins masquée,plus ou moins ideologisée,quasi invisible pour le citoyen ordinaire…

    Elle est encore souterraine et telle la vieille taupe,on voit a peine sa tete sortir de temps en temps…

    Quelques signes pourtant de tentatives ponctuelles et sans suite car automatiquement reprimés ;

    Nos camarades anarchistes sont le moteur et le frein de ce phenomene, leur ideologisme qui les activent est aussi le repoussoir qui les maintient dans la marge…

    L’alternative multiple et sans modele ne peut atteindre une masse critique visible a tous que si un espace social ,une conjoncture le permette.

    Quel est cet espace,quelle est cette opportunité,l’histoire nous dit qu’elle est exceptionnelle, accidentelle, guerre, famine,catastrophe climatique etc…independante de chacun de nous.

    La derniere tentative eut lieu suite a la guerre de 14/18,et est parfaitement inconnue a la majorité des contemporains…

    L’Etat est alors momentannement neutralisé, laisse s’epanouir sans repression generalisée,faute de le pouvoir, cet espace alternatif objectivement necessaire, preparé par des millions d’individus survivants de la guerre, qui pendant des années ont lutté,cogité, fignolé,bricolé,echangé, en attendant le moment opportun, et qui en general sont les premiers surpris par l’evenement inattendu .Les medias dominants deviennent sans voix.

    Le signe premier le plus visible du moment alternatif est le refus majoritaire affirmé du systeme existant, nous approchons de ce moment….

    La crise des années 30 fut elle un refus majoritaire,peut etre, mais elle s’exprima comme on sait…

    Sommes nous en capacité d’echapper a la tentation autoritaire, l’Amerique Latine dit c’est possible mais pas certain…

    Disons que nos ressources actuelles de communication, de desirs d’egalité et de relations horizontales nous conferent une potentialité inconnue dans l’histoire a acceder a la communauté humaine.

    Encore faut il se faire confiance et echapper a la parano.

    Une bonne ecole pratique pleine d’enseignements sur l’art de la desobeissance civile est en cours au Honduras mais faute de traducteurs reste inconnue.

    Merci de traduire et de publier :

    Toppling a Coup, Part I: Dilemmas for the Honduras Regime

    Posted by Al Giordano – August 7, 2009 at 9:56 am

    By Al Giordano

    http://narcosphere.narconews.com/thefield/toppling-coup-part-i-dilemmas-honduras-regime

    Toppling a Coup, Part II: The Honduras Regime Is Like an Onion

    Posted by Al Giordano – August 8, 2009 at 11:39 am

    By Al Giordano

    http://narcosphere.narconews.com/thefield/toppling-coup-part-ii-honduras-regime-onion 

    un survol de notre present contradictoire :

    28 thèses sur la société de classes

    Des Nouvelles Du Front – http://dndf.org

    http://dndf.org/?p=4898

    @ ghost dog

    Reste à enrôler, ma boulangère, ma coiffeuse, le guichetier de banque, la caillera de banlieue, la ménagère de moins de 50 ans, pfff

    Ils s’enroleront tous seuls,chez nous ou contre nous…si ce nous prend forme…c’est le contenu de ce nous qui motivera leur choix…

  14. Avatar de jducac
    jducac

    @ Erwan Quilgars 14 août 2009 à 15:39

    Merci d’avoir développé vos pensées dans ce commentaire. J’y relève malgré tout une tendance à désigner la droite plus que d’autres, comme le grand manie tout des pensées d’une époque ayant conduit à la révolution néolibérale lorsque vous écrivez « Elle est le résultat à la fois du grand bouillonnement intellectuel des cercles universitaires et des think-tanks de droite (qui n’ont jamais d’ailleurs développé une théorie unique et unifiée de leurs idées), de la diffusion par certains médias auprès du grand public d’une vulgate molle mais facilement verbalisable, de l’action particulière, non coordonnée et parfois même contradictoire des différents acteurs gouvernementaux ou para-gouvernementaux (les Etats, la Commission européenne, les institutions internationaux type FMI, les syndicaux patronaux, etc.) et de la pure logique capitalistique des grandes entreprises, notamment internationales, dans leur lutte pour des parts de marché. »
    Vous ne dites rien sur ce que d’autres courants, plutôt de gauche, ont pu introduire comme pensées destructrices pour la civilisation en générale. Je pense au courant hippie avec ses slogans ravageurs tels que « il est interdit d’interdire » ou « jouissons sans entrave » qui ont été très facilement intégrés par les jeunes générations. 68 n’était pas ce me semble une « révolution » issue de la droite et ça n’est pas lui faire injure que de lui attribuer une bonne part des pertes de valeurs morales dont on souffre aujourd’hui, dans tous les domaines y compris celui de la haute finance. En fait les vagues de déréglementations qui nous ont amenés où nous sommes, ont exploité à fond ce droit à la liberté sans limite instillé dans le mental des jeunes générations après 68.

    Comprenez bien le sens de mon intervention. Il ne s’agit pas de renverser les responsabilités entre les courants de droite où de gauche. Je veux seulement souligner qu’en désignant la droite, vous omettez de signaler ce en quoi les courants de gauches ont aussi à leur manière contribué à la déliquescence morale qui touche nos sociétés. Ca n’est pas en désignant la droite où la gauche, ni en désignant telle classe sociale ou telle autre, ce qui tend à les opposer, qu’on amènera les uns et les autres à prendre conscience, d’une responsabilité partagée et du devoir qui doit s’imposer à chacun d’apporter ses idées et sa contribution pour que collectivement nous sortions de l’ornière dans laquelle nous sommes tombés.

    1. Avatar de François Leclerc
      François Leclerc

      Le Mouvement du 22 mars (1968), à Nanterre, a été crée sur une histoire de fille dans la chambre d’un garçon, à moins que ce ne soit le contraire. Je ne sais plus, j’étais à la Sorbonne. En tout cas ce n’était ni deux filles, ni deux garçons ensemble (c’est venu un peu plus tard).

      Le reste, c’est à dire la perte des valeurs morales que vous déplorez, en a fâcheusement découlé… Redenons à notre jeunesse qui a prétendu jouir sans entraves le sens de sa vertu.

    2. Avatar de Paul Jorion

      Je pense au courant hippie avec ses slogans ravageurs tels que « il est interdit d’interdire » ou « jouissons sans entrave » qui ont été très facilement intégrés par les jeunes générations. 68 n’était pas ce me semble une « révolution » issue de la droite et ça n’est pas lui faire injure que de lui attribuer une bonne part des pertes de valeurs morales dont on souffre aujourd’hui, dans tous les domaines y compris celui de la haute finance.

      Votre érudition historique est à ce point phénoménale que nous serions coupables de ne pas vous interroger davantage. Éclairez-nous : quel rapport entre la culture hippie et les slogans situationnistes ? Quel rapport entre mai 68 et la haute finance ?

      Ne nous privez pas plus longtemps de vos lumières !

    3. Avatar de Erwan Quilgars

      Pour répondre indirectement à votre commentaire, je vous invite à lire l’ouvrage de Boltanski et Chiapello, « Le Nouvel Esprit du capitalisme ». Dans ce livre (épais) devenu classique, les deux sociologues montrent comment le discours néomanagérial a récupéré et « recyclé » les critiques du capitalisme qui s’étaient exprimées de manière virulente en Mai 68.
      En deux mots, l’idée est la suivante. Mai 68 avait vu la conjonction de deux types de critiques anticapitalistes : 1. Une critique dite « sociale », issue des syndicats, axée sur la dénonciation de la redistribution inégalitaire des revenus, notamment au sein de l’entreprise ; 2. Une critique dite « artiste », issue des milieux intellectuels, axée sur le caractère « inauthentique » du capitalisme (et de la grande entreprise bureaucratique), facteur d’aliénation des individus.
      Or, ce sont les thèmes de la critique dite « artiste » (l’autonomie, la créativité, l’épanouissement personnel, le réseau plutôt que la hiérarchie, etc.) que va reprendre et assimiler le discours managérial et patronal des années 70 et 80 (et définir donc un « nouvel esprit du capitalisme », selon Boltanski et Chiapello) – au moment même où l’entreprise fordiste doit se transformer pour répondre aux nouvelles exigences de la financiarisation et de la globalisation économique – c’est-à-dire où moment où elle commence à sous-traiter et délocaliser, où elle réduit les échelons hiérarchiques et instaure un clivage dans le management (entre les cadres dirigeants et les autres), où elle développe les équipes ad-hoc au détriment les collectifs de travail à l’ancienne, etc., etc.
      Autrement dit, le discours managérial a présenté la transformation de l’entreprise fordiste avec le vocabulaire et la rhétorique de la critique dite « artiste » de Mai 68, neutralisant du même coup cette critique et la coupant de la critique dite « sociale » qui en était en quelque sorte le corrélat redistributif (celle-ci perdant par ailleurs de son efficacité analytique du fait même de la transformation de l’entreprise), et du même coup a réussi à légitimer cette transformation auprès des salariés en la présentant comme étant une réponse à leurs aspirations.

      En conclusion, je dirais deux choses :
      1. A mon sens, les slogans du type « Il est interdit d’interdire » ou « Jouissons sans entrave » (qui d’une part ne sont que des slogans et qu’il faut resituer d’autre part dans le contexte de l’époque, c’est-à-dire dans le contexte de sociétés conservatrices et non permissives) ont fait partie de cette entreprise de recyclage idéologique des thèmes de la critique dite « artiste » dans un objectif de légitimation des nouvelles contraintes de l’entreprise post-fordiste auprès des salariés.
      2. La question du ralliement de la gauche (ou du moins d’une partie de la gauche) à ce discours managérial (et plus largement au « néolibéralisme »), qui dépasse évidemment de loin la « trahison » de quelques personnalités médiatiques opportunistes, mérite évidemment d’être analysée et comprise, mais elle n’invalide pas en tout cas la légitimité de la critique dite « sociale », c’est-à-dire la question des inégalités (notamment au sein de l’entreprise), qui reste toujours d’actualité, même si depuis quarante ans elle a dû être complètement reformulée en raison des évolutions de l’entreprise (et de la société).

    4. Avatar de domini CB
      domini CB

      un slogan de plus :
      Camarade actionnaire, arrête tes crises de nerfs !

  15. Avatar de Moi
    Moi

    @Paul Jorion : « Quel rapport entre mai 68 et la haute finance ? »

    Ce que dit jducac ne me semble pas saugrenu. Un Sarkozy par exemple est profondément soixante-huitard quoiqu’il en dise (je ne vais pas parler des Glucksman, Jospin, et autres ex-maoïstes devenus libéraux). Et ce sont eux qui ont introduit la dérégulation dans la finance. Quand on n’aime pas les règles, qu’on ne les respecte pas, pourquoi les garder en finance?
    Il faut comprendre que pour un soixante-huitard qui est resté fidèle à l’esprit de mai 68 (les sincères), il y en a dix autres pour qui c’était un moment accessoire et qui ont oublié ce qui les gênait mais en ont gardé ce qui leur plaisait: l’individualisme.
    Pour ma part je pense qu’il y a eu une vague d’individualisme dont les bons côtés se sont exprimés en mai 68 et les mauvais par après. Mai 68 n’est donc probablement pas coupable (au contraire), mais beaucoup de cette génération trop gâtée le sont.

  16. Avatar de François Leclerc
    François Leclerc

    Faisant partie des « sincères » (je vous remercie), je ne fait pas de cette événement lointain un tabou incritiquable.

    Retrospectivement, mais à la lumière de ce qu’il a été et non pas de la manière dont on peut maintenant le reconstruire, je ne pense pas que « l’individualisme » puisse être considérée comme la caractéristique première d’un épisode particulièrement collectif ! Les avancées culturelles et sociales qu’il a traduit et permis d’amplifier, dans la décennie qui suiva, nous semblent désormais acquises et allant de soi. Si nous nous retournions en arrière, nous le percevrions mieux.

    Il me semble y avoir, dans la mise en cause actuelle de « mai 68 » tout à la fois un commode artifice intellectuel et une confusion. L’artifice consiste à combattre une hydre qui n’a jamais existé mais que l’on invente pour les besoins de sa cause douteuse. La confusion à attribué à Paul ce qui devrait l’être à Jacques.

    L’évolution de la société Française peut certes être considérée comme peu satisfaisante, si l’on considère que, faute de mieux, un repli profond s’est imposé à la faveur de la recherche de solutions individuelles. C’est peut-être, pour partie, l’expression de cette réalité que Mai 68 n’a pas connu de débouché politique et qu’il a fallu l’élection de François Mitterrand pour que la France bascule. Et que celle-ci n’a pas nécessairement répondu aux attentes qui s’étaient exprimées en elle.

    Autre chose est le destin individuel des femmes et des hommes, parfois il est vrai assez regrettable.

  17. Avatar de jducac
    jducac

    @ François Leclerc 15 août 2009 à 20:30 et Paul Jorion.
    Oui, vous avez parfaitement raison, c’est bien de vertu dont il s’agit. Pas de petite vertu, mais des autres, celles qui font la noblesse (si ce mot ne vous choque pas) des hommes et qui se placent au dessus du niveau sexuel.

    Sur un autre plan, la dérision ou l’humour ont une grande vertu, celle de permettre d’évacuer un sujet qui dérange, de le fuir en somme. Heureusement, le courage est une grande vertu, celle qui permet de ne pas se dérober devant le danger, ni devant ses responsabilités ou les difficultés de la confrontation d’idées.
    La langue française, très bien maniée par certains, ne présente pas que des vertus, notamment du fait de pouvoir évoquer plusieurs nuances ou sens différents avec le même mot. Le problème est bien là avec le mot jouir ou jouissance qui ne prend pas la même résonnance lorsqu’il est associé à sexuel, privilège, situation, fortune, monopole, réputation, audience, titre, statut, vie, capital, emploi et beaucoup d’autres.
    Ceux qui étaient au cœur des mouvements de 68, pensaient peut-être uniquement à la libération sexuelle, mais d’autres autour d’eux et après eux y ont vu un droit à se défaire des entraves morales qui freinent la satisfaction des désirs et nuisent à la jouissance sous toutes ses formes. Ils se sont libérés des freins, des règles, des interdits que ceux qui les ont précédés avaient élaborés pensant bien faire pour qu’eux-mêmes et leurs descendants jouissent d’une vie aussi régulée et harmonieuse que possible. Une bonne part du débridage me semble s’être opéré dans les année 70.
    Il peut y avoir une grande jouissance à se constituer une belle fortune en peu de temps et il est certain que c’est plus facile d’y parvenir si on se libère de toute entrave morale. Qui peut dire par exemple, qu’au moment du grand plongeon des banques, pas un seul trader ne s’est lancé, directement ou indirectement, dans des ventes à découvert sur les titres de ses concurrents, voir même sur les titres de sa propre maison. Si ça été le cas était-ce moral ? Il est possible de faire de forts gains immédiats au détriment du long terme, quand on sacrifie son capital. C’est peut-être ce qu’a fait l’humanité en sacrifiant les fondements moraux de notre société qui constituent une bonne part de son capital. C’est à mon avis ce capital moral qu’il est essentiel de reconstituer. Il me semble, mais je me trompe peut-être, qu’on a plus de chance d’y arriver si l’on admet que les pertes dans ce domaine relèvent d’une responsabilité partagée. Pour cela il me semble préférable de ne stigmatiser aucune classe sociale, aucun courant de pensée, aucune génération ou alors de citer tout le monde pour la part qui lui revient. C’est le sens qu’il faut donner à mes interventions en réponse à Erwan Quilgars
    Quant à mes éruditions historiques et à mes lumières, elles sont plus que modestes. Certains, à leur évocation, pourraient s’en trouver gênés ou blessés, ce qui n’est pas du tout mon cas, au contraire. Le fait que je n’aie joui d’aucun enseignement de haut niveau en philosophie en histoire et autres sciences sociales ne me conduit pas à penser que je doive rester silencieux. Moi aussi je me suis un peu libéré (merci 68) et ne crains pas d’aborder les idées de ceux qui font autorité grâce au capital de connaissances qu’ils se sont constitué.
    Je suis d’autant moins gêné que c’est en partie grâce aux impôts (j’en payais déjà à 18 ans) qu’ ils ont pu bénéficier de tels acquis du fait des enseignements reçus et des recherches financées par l’Etat (donc un peu par moi). Beaucoup n’en avaient pas pris conscience en 68, et c’est encore bien pire aujourd’hui. Les classes d’âges qui, indépendamment de leur appartenance à une quelconque classe sociale, ont contribué à créer la prospérité des 30 glorieuses ont été bien mal récompensées. 68 a contesté leur autorité morale sans réellement promouvoir autre chose que l’individualisme évoqué par « Moi 15 août 2009 à 23:17 »

    Seulement 10 à 15 ans séparent nos générations. C’est très peu. Aussi, je ne m’explique pas autrement que par l’influence des « idées de 68 », le très grand décalage de mentalité qui existe en général entre nos générations respectives. Mon interrogation à ce sujet vient surtout du fait que j’observe un écart similaire chez mes frères âgés de 16 ans de moins que moi. Comment expliquer qu’issus du même milieu familial , soumis aux mêmes prescriptions morales, ils soient si différents de moi si ce n’est à cause des courants de pensée développés par 68 qui ont prévalu sur ce qu’apportait l’autorité parentale( pourtant restée la même) mais soumise à une action de sape efficace.

    Pour rester en connexion avec les slogans à image sexuelle, mais avec une tout autre interprétation, on ne peut manquer de s’interroger sur le « nique ta mère » actuellement tant mis en lumière. Quelle formidable torpille pour abattre l’autorité parentale des 2 sexes. Son slogan dérivé « nique la police » est tout aussi efficace pour rabaisser la police dans son rôle de gardien du respect des lois, autres règles et interdits. Ces slogans sont-ils en relation avec « jouissons sans entrave » ou « il est interdit d’interdire » ou « SOS SS »?
    Avant 68, je ne me souviens pas que la police était traitée de la sorte. Je sais qu’une personne qui a participé à 68 m’a dit qu’il ne fallait pas voir dans « SOS SS » autre chose qu’une invective de défoulement et qu’il ne fallait aller voir plus loin. Le malheur est que tout comme les slogans publicitaires, à force d’être répétés ils finissent par s’imprimer dans les esprits et à devenir efficaces.
    Il y a-t-il eu des études sur le sujet ? Si oui leurs références m’intéressent.
    Encore une fois, je ne cherche, avec mes modestes moyens, qu’à faire prendre conscience d’une responsabilité largement partagée dans ce qui nous arrive.

    1. Avatar de Bob
      Bob

      Jducac

      Bonjour

      vous dites  » Le malheur est que tout comme les slogans publicitaires, à force d’être répétés ils finissent par s’imprimer dans les esprits et à devenir efficaces  »

      Il me semble que le slogan était CRS SS et non SOS SS (SOS racisme n’avait pas encore été inventé par les socialistes)
      Preuve que les slogans ne s’impriment pas forcement correctement, beaucoup d’études publicitaires le démontre par ailleurs.

      En 1968, j’avais quatre ans, moi le slogan que je préfère, c’est sous les pavés la plage. Avec Delanoë, c’est devenu sur les pavés la plage ou comment trahir un idéal en douceur…….

  18. Avatar de jducac
    jducac

    Merci Bob de me corriger. Je ne pensais pas du tout à SOS Racisme. Si je devais retenir un SOS je pense que SOS Planète conviendrait bien.

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