Billet invité.
La machine à communiquer du FMI a fonctionné, une nouvelle expression est née pour succéder au bazooka et au pare-feu déjà utilisés. Christine Lagarde vient de se féliciter – utilisant la forme pronominale chérie des politiciens qui préfèrent se servir eux-mêmes – du parapluie qui vient d’être ouvert. Dans les couloirs de la réunion de Washington, on ne dédaignait pas non plus reprendre le classique «boîte à outil« .
430 milliards de dollars ont été arrachés de haute lutte aux contributeurs, aussitôt additionnées aux 382 milliards dont le FMI disposait déjà, ainsi qu’aux 1.000 milliards tirés par les cheveux du pare-feu européen. Ouaouh ! « Cela permet au FMI d’être préparé à tous les défis du monde », s’est exclamé Wolfgang Schäuble, le ministre allemand. Mais, jouant les rabat-joie, le président Mario Draghi a préféré expliquer que « la réduction des déficits et les réformes structurelles doivent être mises en place. Si ça n’est pas en place, aucun pare-feu ne sera suffisamment grand pour contrer les inévitables fluctuations des marchés ».
Le consensus qui semble s’être dégagé n’était pas à l’assouplissement des contraintes budgétaires qui pèsent sur l’Europe. George Osborne, le chancelier britannique, et son alter-ego Ed Balls du shadow cabinet, ont à eux deux résumé l’ambiance des rencontres de Washington. Le premier en s’appuyant sur le fait que le Royaume-Uni était en position de donateur et non de quémandeur, démontrant selon lui le succès de la politique d’austérité du gouvernement Cameron ; le second en exprimant l’inquiétude que le FMI puisse de facto devenir la banque centrale de la zone euro…
Le communiqué du G20 finances qui a précédé la réunion du FMI confirme qu’un autre débat a agité la réunion, en réaffirmant que la répartition des quotas et des droits de vote en son sein « devait mieux refléter les poids respectifs des membres du FMI au sein de l’économie mondiale ». Les pays émergents maintiennent non seulement leurs revendications à propos de cette répartition, mais ils ont également ajouté leur grain de sel à propos des conditions dans lesquelles le FMI pourra aider l’Europe avec ces nouveaux moyens financiers. Il y a peu de chances pour qu’elles se révèlent – si elles sont rendues publiques – plus favorables que les conditionnalités d’usage du FMI, dont les destinataires n’étaient pas jusqu’à maintenant des pays occidentaux développés. Retour à l’envoyeur.
Attendons le prochain sommet de juin des chefs d’État et de gouvernement, à Mexico, pour prendre connaissance des dessous de la réunion de Printemps du FMI. On ne connait pas les réserves qui ont été émises et acceptées, encore moins les tractations auxquelles elles ont donné lieu, l’effet d’annonce ayant été à tout prix recherché par le FMI, vivement encouragé par Wolfgang Schäuble, le ministre allemand (plus le Fonds dispose de moyens, moins il sera demandé à l’Allemagne…). La liste exacte ou le montant du prêt de la Chine n’est même pas connu !
Comment ne pas noter, également, l’absence des Etats-Unis des rangs de la vingtaine de donateurs, qui était annoncée et que Christine Lagarde a platement tenté de justifier en expliquant que « les États-Unis participent d’une manière différente (…) Ils ne peuvent pas pour le moment pour des raisons qui leur appartiennent ». Le pays freine des quatre fers, n’ayant toujours pas fixé de date pour l’indispensable ratification par le Congrès de la réforme de 2010 qui permettait une modeste montée en puissance des émergents au sein du FMI. Ce sont néanmoins sur les Européens que les tirs des Brésiliens, toujours en pointe dans cette bataille, se sont concentrés pour des raisons tactiques, car c’est le maillon le plus faible qu’il faut faire céder en obtenant qu’ils accordent plus de sièges en s’en retirant.
Cette question de fond n’ayant pas autrement avancé que sous la forme d’une vague pétition de principe inscrite dans un communiqué, il n’est pas inutile de revenir à la question posée par Mario Draghi : à quoi sert le parapluie ouvert de Christine Lagarde ? Car plus personne n’ose prétendre qu’il s’agit de montrer les dents pour ne pas avoir à mordre, exhiber sa force pour ne pas l’utiliser. Plus personne ne se hasarde également à s’interroger sur le retour au bercail – c’est à dire sur le marché – des pays bénéficiant d’un plan de sauvetage qui s’avère pour le moins problématique. Comme si les mesures exceptionnelles des États et de la BCE ne pouvaient plus être interrompues ou devaient être renouvelées, une fois engagées…
Il est expliqué que les marchés réclament l’application de la stratégie officielle de désendettement précipité des dirigeants européens, réagissant brusquement lorsque des obstacles ou des retards surviennent. A lire les analystes financiers, c’est un gigantesque contre-sens : ceux-ci expriment au contraire largement la crainte de la récession que cette politique est en train d’engendrer, qui va faire obstacle à la poursuite du désendettement. Mais il est vrai que plus les dirigeants européens s’obstinent en ce sens, plus il y a de chance que les pare-feu soient indispensables… Au moins, ne leur retirons pas le mérite de la cohérence dans la persévérance.
Faut-il s’en étonner, cette attitude rejoint celle qu’ils ont adoptée en règle générale en matière de régulation financière. Prenant leur partie des dysfonctionnements structurels et de l’inévitabilité de nouveaux accidents de parcours, ils multiplient les matelas destinés à absorber les chocs. C’est le cas lorsqu’ils préconisent d’accroître les fonds propres des établissements financiers, la même question se posant à propos des pare-feu : seront-ils jamais assez épais pour faire leur office ? C’est particulièrement le cas lorsqu’ils abordent la problématique du risque systémique, qui est au cœur de toute leur réflexion et face auquel ils avouent être démunis dans leurs moments de faiblesse, comme Ben Bernanke, le président de la Fed, s’est une fois laissé aller à le reconnaître.
96 réponses à “L’actualité de la crise : N’OUVREZ PAS LES PARAPLUIES À L’INTÉRIEUR !, par François Leclerc”
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@Tano
Non on ne peut rien prendre à quelqu’un qui n’a rien, quant à l’obliger à travailler pour rien, ce sera pas facile…