Billet invité.
« TRES CHERE BANQUE… »
Un pan entier du PPIP (Public-Private Investment Program), le plan Geithner de rachat des actifs toxiques aux banques, a été remis à plus tard indéfiniment, selon cette magnifique formule évitant de reconnaître qu’il a été jeté à la poubelle. Ce qui reste de ce plan a été retaillé, peut-être provisoirement dans l’attente de voir ses résultats, ne mobilisant plus que 20 milliards de dollars au lieu des 50 initialement annoncé en mars dernier. Dès la semaine prochaine, dix gestionnaires vont recevoir chacun 1,1 milliards de dollars afin de financer l’achat de valeurs adossées à des prêts immobiliers. 10 milliards de dollars vont être consacrés par ailleurs à des « government-backed loans », garantissant les prêteurs contre les défauts de remboursement, afin de favoriser les refinancements des prêts.
Cette décision qui tardait a été justifiée au nom du « retour de la confiance », qui s’est exprimé par la réaction positive des investisseurs aux récents appels de fonds, aboutissant à lever une centaine de milliards de dollars en faveur de 19 banques. Une opération magistralement orchestrée dont les résultats des stress tests ont été le démarrage.
« Cela ne me choquerait pas, a déclaré à l’agence Bloomberg Douglas Elliott de Brookings Institution, un « think tank » de Washington, si ce programme en restait là ». Ajoutant, pour classer le dossier : « Cela sera bien de voir toutes ces valeurs évacuées des bilans des banques, bien que je ne pense plus que leur présence y soit critique ».
Le gouvernement allemand semble ne pas faire preuve de la même mansuétude à l’égard de ses propres banques. Peer Steinbrück, le ministre social-démocrate des finances a expliqué dans le journal du dimanche Bild am Sonntag que les banques empruntent actuellement beaucoup d’argent à la Bundesbank, au taux de 1% et « investissent cet argent en devises, en titres à revenu fixe, et en actions plutôt que de le prêter sous forme de crédit ». Si la crise du crédit dont pâtissent les entreprises devait se poursuivre, le gouvernement et la Bundesbank devraient « trouver des solutions » qu’il n’a pas voulu préciser. Le président du groupe des chrétiens-démocrates (CDU) au parlement, Volker Kauder, n’a pas été en reste dans Welt am Sonntag, qualifiant d’ « inacceptable » le fait que les banques utilisent l’argent public « principalement pour elles-mêmes ».
Le Bundestag avait adopté hier la loi autorisant les banques à créer des bad banks, afin de relancer le crédit. Dans un premier temps, 230 milliards d’euros d’actifs toxiques pourront y être parqués pour une durée maximum de vingt ans, en attendant des jours meilleurs.
Enfin, pour poursuivre ce panorama bancaire, on continue de s’interroger sur ce que les banques européennes font des injections de liquidité gigantesques dont elles bénéficient grâce aux largesses de la BCE.
Les banques ont en réalité une priorité absolue : la reconstitution de leur marge. Bénéficiant, à l’inverse des entreprises, de taux très bas, elles se rémunèrent facilement en investissant dans la dette publique. Dans les emprunts d’Etat allemands, les T-bonds à 10 ans ou encore les OAT, les obligations de l’Etat français. Dans ce secteur, les taux varient entre 3 et presque 4%, la marge est toute trouvée lorsque l’on emprunte à 1%.
Un autre aspect du mécanisme n’est pas difficile à démonter, les Etats empruntent aux banques privées à un taux plus élevé que celui que les banques centrales consentent à ces dernières. La BCE, ne pouvant pas statutairement acheter des obligations d’Etat, comme le fait entre autre la Fed, utilise un moyen détourné aboutissant au même résultat, mais au détriment des budgets publics.
Les autorités feignent de considérer comme une crise de liquidités ce qui est une crise de solvabilité, afin de financer discrètement un système bancaire en détresse. Invoquant patiemment le lent retour de la confiance pour justifier un crédit toujours aussi difficile d’accès et cher. Se singularisant, les Allemands multiplient les initiatives en propre, commençant à trouver le temps long et l’addition trop salée. Ils ont ainsi dernièrement adopté de premières mesures de contrôle renforcé de leurs banques.
Le regretté Francis Blanche écrivait à la perception des impôts en commençant ces lettres par « cher Trésor », allons-nous devoir écrire « chère banque » à nos gestionnaires de compte ?
26 réponses à “L’actualité de la crise : « Très chère banque… », par François Leclerc”
Merci François Leclerc… enfin un billet qui se penche sur les causes de la dette publique… Rien qu’en France, une dette publique qui doit maintenant avoisiner les 1400 milliards d’euros alors que « nous » avons déjà payé plus de 1300 milliards d’euros d’intérêts depuis 1973 (si je me fie à http://fr.public-debt.org/ )
Et ça va continuer car, comme vous le notez si bien :
Bénéficiant, à l’inverse des entreprises, de taux très bas, elles [les banques] se rémunèrent facilement en investissant dans la dette publique. Dans les emprunts d’Etat allemands, les T-bonds à 10 ans ou encore les OAT, les obligations de l’Etat français. Dans ce secteur, les taux varient entre 3 et presque 4%, la marge est toute trouvée lorsque l’on emprunte à 1% .
[…]les Etats empruntent aux banques privées à un taux plus élevé que celui que les banques centrales consentent à ces dernières. La BCE, ne pouvant pas statutairement acheter des obligations d’Etat, comme le fait entre autre la Fed, utilise un moyen détourné aboutissant au même résultat, mais au détriment des budgets publics.
C’est quand la révolution ?
Citation (blockquote) entre » Bénéficiant » et » des budgets publics. «
Comme Valéry Deniau, je viens de vous entendre sur France Culture, et je me disais en lavant la vaisselle: « nous apprenons les choses quand il est trop tard ; mais la parole humaine, quand elle n’est pas menteuse, est belle »…
Un peu hors-sujet par rapport à l’article, à propos des banques US et leur solidarité avec le reste des USA :
Bank of America prévient la Californie qu’ils ne cautionneront pas longtemps leur proposition d’être payé en reconnaissance de dettes (IOU’s en anglais) :
http://latimesblogs.latimes.com/money_co/2009/07/bank-of-america-corp-set-the-tone-for-the-banking-industrys-response-to-californias-decision-to-issue-ious-and-if-w.html
et je rebondis sur la Californie avec un lien sur le Monde
http://www.lemonde.fr/economie/article/2009/07/03/la-californie-ne-reglera-pas-ses-dettes-avec-des-jetons-de-casino_1214769_3234.html
surtout pour ce point, qui devrait ravir Paul (bravo sur France Culture, enfin) :
Bonjour,
D’accord sur l’ensemble des remarques à cet article. Il vient de se passer néanmoins quelque chose d’assez piquant en France.
La tribune du vendredi 3/7/2009 relate ainsi que M. Noyer le gouverneur met en garde les banques sur la « guerre des taux » que celles-ci se font avec leur super livret, les taux garantis sur leurs fonds euros, etc…
Cette surenchère freinerait (d’après Noyer) le cout du crédit, et la rentabilité des banques françaises.
Donc exactement l’inverse de ce que font les Banques Allemandes.
Mais le plus cocasse c’est que l’éditorialiste Tassin ( INVESTIR du samedi 4/7/2009 ) titre lui « les leçons malvenues de le Banque de France », en effet il considère qu’elle devrait s’appliquer à elle-même et baisser le taux du livret A en conséquence.
Jolie joute verbales.
Mais j’aimerais ici poser une question plus vaste et qui me taraude depuis un moment (j’aimerais avoir la réponse de M. Jorion).
Sur mon blog a l’endroit :
http://emile1111.kazeo.com/Opinions-Points-de-vue/Dans-la-peau-de-Greenspan-J-Bradford-DeLong,a920696.html
Bradford De Long pose la question suivante : Et si le pari de Greenspan (en baissant agressivement les taux) était bénéficiaire ?
Vaste débat (mon avis c’est non et même le contraire), mais j’aimerais une discussion sur ce point.
Merci
La Riksbank, banque centrale de Suède a peut-etre la solution pour réorienter les crédits.Elle vient de mettre ses taux créditeurs à -0.25% et ses taux débiteurs à +0.75%.On est rémunéré pour emprunter .Cependant on punit les épargnants avec des taux créditeurs négatifs.Y-a-t-il un risque important avec du « carry trade » ou une fuite des capitaux à l’étranger avec effondrement de la monnaie suédoise ?Que se passe-t-il si l’Allemagne embraye avec la meme idée ?Et si Bernanke……..?
Je pose la question toute simple: à qui les banques pourrait-elle prêter pour améliorer leur situation alors? L’économie va mal, combien d’entreprise sont saines? Quels investissements faire dans un contexte de chaos ambiant et d’incertitude?
Peut-être qu’à force de vouloir trouver un coupable dans les banques, on oublie de remarquer que bien des (si ce n’est pas la plupart des) entreprises sont aussi très insolvables. On parle des ménages endettés… et les entreprises?
Bref, toute cette histoire de restimuler l’économie avec du financement peu cher est probablement une vaine option. Les banques ne prêtent plus aux junkies à qui elle a prêté trop longtemps et qui sont en train de crever.
Méthode pour enrichir un pays: on emprunte aux étrangers de l’argent, on fait faire des choses inutiles à des gens, on les paie et on se paye jusqu’à ce que l’étranger découvre qu’on ne fait rien d’utile…
Oui, j’avais été surpris par la mise au point visiblement très agacée de Peer Steinbrück
expliquant en fait que les banques ne pouvant plus pressurer le particulier se rabattent sur le représentant des particuliers qui doit alors prêter et emprunter à la place des contribuables (c’est à dire en se passant de leur permission) pour entretenir un circuit bien rodé où le montant des sommes prêtées n’a plus aucune importance (elles ne seront jamais remboursées) à la différence des sommes perçues au titre des commissions et intérêts (sommes probablement immédiatement sorties des circuits financiers officiels) Ces deux prisonniers entravés par la même chaîne (l’état et la finance) se supportent de moins en moins. On le voit bien dans la fameuse vidéo des 9 trillions, où à l’exaspération de Grayson, visiblement prêt à se lever pour lui en coller deux, répond la mine de chien battu de Coleman un peu inquiète quand même pour son avenir professionnel. Cette symbiose banques/gouvernements est d’ailleurs plutôt inquiétante car plus leur complicité s’affirmera plus il sera difficile de faire la moindre réforme politique et/ou économique sans faire vaciller l’ensemble. L’hypothèse, chère à DeDéfensa, d’Obama/Gorbatchev qui ne pourrait finalement qu’accompagner en laissant faire l’effondrement du système semble de plus en plus pertinente. Mais Obama est-il Gorbatchev (on sait qu’il va le rencontrer à l’occasion de sa visite officielle à Moscou le 6 juillet) ?
@ Jacques
La question à se poser, c’est d’examiner ce que font les banques suédoises, vu que le différentiel des taux proposés par la banque centrale au débit et au crédit est de 1% !
EDF c’est 4,50% sur durée courte, les émissions TSR des banques dépassent même les 6%, je suis tombé l’autre jour sur une info concernant un emprunt émis par le Credit Agricole pour renforcer ses fonds propres à 9,45% !!! Il est vrai que celui-ci était libellé en US dollars (à l’heure de la désodollarisation) et réservé à des banques privées et autres zinzins !
pas mal la « désodollarisation », hein ? … bon … m’enfin ! 🙁
@ jacques
Je ne trouve pas trace de vos chiffres, pouvez-vous me donner leur origine ?
PIB des Etats-Unis en 2008 : 14 264,6 milliards de dollars.
Déficit public pour l’année 2009 : 1 841 milliards de dollars, soit 12,9 % du PIB.
Dette publique des Etats-Unis au 2 juillet 2009 : 11 489 560 999 310 dollars (soit 11 489 milliards, 560 millions, 999 310 dollars), soit 81 % du PIB.
http://www.treasurydirect.gov/NP/BPDLogin?application=np
Pour lire le montant de la dette totale (publique + privée) des Etats-Unis, il faut lire la page 15 :
http://www.federalreserve.gov/releases/z1/Current/z1.pdf
Domestic nonfinancial sectors : 33 517,9 milliards de dollars.
Domestic financial sectors : 17 216,5 milliards de dollars.
Foreign : 1 858,3 milliards de dollars.
Dette totale (publique + privée) des Etats-Unis : 52 592,7 milliards de dollars, soit 368 % du PIB.
PIB des Etats-Unis en 2008 : 14 264,6 milliards de dollars.
Déficit public pour l’année 2009 : 1 841 milliards de dollars, soit 12,9 % du PIB.
Dette publique des Etats-Unis au 2 juillet 2009 : 11 489 560 999 310 dollars (soit 11 489 milliards, 560 millions, 999 310 dollars), soit 81 % du PIB.
Pour lire le montant de la dette totale (publique + privée) des Etats-Unis, il faut lire la page 15 :
http://www.federalreserve.gov/releases/z1/Current/z1.pdf
Domestic nonfinancial sectors : 33 517,9 milliards de dollars.
Domestic financial sectors : 17 216,5 milliards de dollars.
Foreign : 1 858,3 milliards de dollars.
Dette totale (publique + privée) des Etats-Unis : 52 592,7 milliards de dollars, soit 368 % du PIB.
Chiffres actualisés :
PIB des Etats-Unis au 2 juillet 2009 : 14 097 milliards de dollars.
Déficit public pour l’année 2009 : 1 841 milliards de dollars, soit 13,05 % du PIB.
Dette publique des Etats-Unis au 2 juillet 2009 : 11 489 560 999 310 dollars (soit 11 489 milliards, 560 millions, 999 310 dollars), soit 81,50 % du PIB.
Pour lire le montant de la dette totale (publique + privée) des Etats-Unis, il faut lire la page 15 :
http://www.federalreserve.gov/releases/z1/Current/z1.pdf
Domestic nonfinancial sectors : 33 517,9 milliards de dollars.
Domestic financial sectors : 17 216,5 milliards de dollars.
Foreign : 1 858,3 milliards de dollars.
Dette totale (publique + privée) des Etats-Unis : 52 592,7 milliards de dollars, soit 373,07 % du PIB.
Tout le monde se pose la même question giovannoni
@ Francois Leclerc
Mish’s Global Economic Trend Analysis
Colonne gauche : Sweden Cuts Deposit Rate to Negative .25%
@François Leclerc
REPO suédois négatif, les chiffres : http://www.riksbank.com/templates/Page.aspx?id=32047
édifiant!
@ Jacques & Francis Lambert
Merci de vos réponses, mais je crains une confusion. Il a été effectivement évoqué par certains analystes la possibilité que le taux « repo » d’une banque centrale puisse devenir négatif, mais en l’occurrence ce n’est pas le cas.
Le communiqué de la Riskbbank dit « …to cut the repo rate by 0.25 of a percentage point to 0.25 per cent ». En fait, le taux était de +0,5%, il devenu de +0,25%.
LONDON, July 2 (Reuters) – The Swedish crown fell on Thursday after the Riksbank cut its key repo rate in a move that surprised market participants who had been expecting the central bank to leave rates on hold.
Sweden’s central bank cut its key repo rate to 0.25 percent from 0.5 percent on Thursday, and said it expected that rate to remain that low over the coming year [ID:nSAB021458].
The Swedish crown fell against the euro EURSEK=R, which jumped as high as 10.7999 crowns, according to Reuters data, compared with 10.7183 before the announcement.
The crown also fell against the dollar SEK=, which rose to the day’s high around 7.6654 crowns from around 7.6000 crowns.
« (The central bank was) much more dovish than the market expected, it means lower interest rates for some time, and it’s clearly negative for the crown, » Johan Javeus, chief currency strategist at SEB Merchant Banking in Stockholm.
@Francis Lambert
Ils disent « The deposit rate is at the same time cut to -0.25 per cent »
Càd que les banques commerciales doivent payer pour déposer leur argent à la BC. Càd « on ne veut pas de vos réserves escédentaires, vous devez le prêter ».
@BA concernant la dette / PIB US
http://jcbonsai.free.fr/cc/CH16.html
Jonathan Livingston dit :
5 juillet 2009 à 16:50
Tant qu’à faire, il vaudrait bien mieux transférer cette masse d’argent non pas vers les banques fermées sur elles-mêmes, ni vers des entreprises de plus en plus hasardeuses, mais tout simplement vers les consommateurs. La demande rebondirait avec une force inégalée, et tout le monde en bénéficierait. Cet argent ne serait nullement perdu, car bien mieux « placé » en consommation, ce qui ferait affluer les commandes vers l’industrie, au lieu mis dans des garde mangers moisis… appelés banques.
Lire cet article hyper lucide
http://contreinfo.info/article.php3?id_article=2666
J’avais déjà affiché cet article hyper lucide suite au billet de Paul: Eppur si muove, du 24 avril 2009, dans mon message à 10h28 à cette même date. Peut-être que Waldmann aurait-il approché les preuves expérimentales du major Douglas?
Celui que les banquiers, dont Keynes, redoutent. Et pour cause…
Très bientôt hors d’Europe pour un moment, je vais devoir espacer mes interventions.
J’oubliais, un grand merci à tous ceux et celles qui ont commenté mes messages, je regrette de ne pouvoir mieux répondre et alimenter tout ce qu’il peut y avoir de positif dans les échanges.
A Rumbo,
Le problème de distribuer l’argent aux consommateurs est assez délicats puisqu’il devient alors très clair que la monnaie en est une de singe!
Enfin, prêter de l’argent aux banques se fait avec une contre-partie, on met en circulation de la monnaie, non? Qu’on s’attend à retirer éventuellement…
La prêter à des entreprises? Encore là, dans des projets censés offrir un rendement et on passe sur l’assurance de contrepartie, des actifs de la compagnie…
Que va-t-on demander aux consommateurs? Il est déjà endettés, non?
On va lui donner? Dès lors, se posera la question d’une légitimité.
A Jonathan Livingston
L’argent prété aux banques et aux entreprises par l’Etat est de la monnaie de singe?
Si tout cet argent avait été donné aux 3 000 000 millions de bénéficiaires du RSA çà ferait combien par tête de pipe?