Un argument qu’on entend exprimer ces jours–ci, en faveur du climat de laissez–faire qui a caractérisé le prêt au logement aux États–Unis au cours des dix dernières années, est qu’il a permis d’augmenter le nombre de ménages accédant à la propriété de leur logement ; une réglementation plus poussée du secteur, ajoute–t–on, aurait empêché cela. Le taux de ménages américains propriétaires de leur logement a effectivement progressé de manière constante à partir de 1995 après avoir été stationnaire entre 1985 et 1995. C’est la plus–value due à la bulle immobilière au cours la période entre 1995 de 2005 qui a permis que le patrimoine des ménages américains double pratiquement au cours des dix dernières années, passant de 27,6 mille milliards de dollars à 51,8 mille milliards, l’immobilier résidentiel à lui seul constituant 47 % de cet accroissement. La bulle de l’immobilier résidentiel explique donc à peu près pour moitié la différence observée en 2004 entre le patrimoine des propriétaires de leur logement et celui des locataires : 184.400 dollars pour les premiers et 4.000 dollars pour les seconds. Comme je l’expliquais dans « Vers la crise du capitalisme américain ? » (2007), le placement des économies dans la résidence principale est conçu aux États–Unis comme une manière de constituer un pécule de retraite dans un pays où la protection sociale est rudimentaire ; la formule ne fonctionne bien entendu que tant que le prix de l’immobilier grimpe (p. 82).
La question qui se pose bien entendu à propos de la progression à marche forcée vers la propriété de son logement que le développement du secteur subprime a autorisé dans un contexte qui l’avait rendu possible d’une bulle immobilière, est celle de sa qualité : cette progression peut elle se maintenir ou bien s’est–elle créée de manière toute provisoire, les chiffres devant nécessairement revenir à échéance vers ce qui serait leur niveau « naturel » ?
Edward Gramlich est, on s’en souvient, un ancien gouverneur de la Fed qui, peu de temps avant sa mort, avait reproché à Alan Greenspan son inaction devant les ravages commis par la portion « prêt–rapace » du secteur subprime. Dans un petit livre intitulé « Les prêts subprime. Le plus récent boom et bang américain » publié cette année, il affirmait que les 5 % de croissance du chiffre des propriétaires, de 64 % à 69 %, de 1994 à 2005 étaient sans doute un acquis permanent. Or, comme le montre le diagramme (*) ci–dessous, l’évolution récente semble lui donner tort.
Le pic des 69,3 % avait été atteint en 2004 et est tombé progressivement à 68,1 % au troisième trimestre 2007. Pour les noirs américains, le taux est tombé de son pic de 48,8 % en 2004 à 47,7 % en 2005. Il est impossible de dire à l’heure qu’il est à quel niveau ce taux se stabilisera, il est clair en attendant que la qualité de propriétaire de certains de ceux qui avaient accédé à la propriété au sommet de la bulle de l’immobilier était fondamentalement précaire.
(*) Union des Banques Suisses, Mortgage Strategist, le 30 octobre 2007, p. 7
3 réponses à “Les Américains propriétaires de leur logement”
Je ne suis pas un technicien des outils financiers, mais j’ai une idée à priori stupide. La crise actuelles vient de la peur des gestionnaires qui ont en portefeuille des tranches de crédit subprime. Ils ont peur que les emprunteurs ne puissent rembourser. Et ils essaient de brader à tout prix ces tranches de crédit. Est-ce cela?
S’ils estiment par exemple que ces tranches de crédit qu’ils ont acheté 100 ne valent plus que 70 ou moins, ne pourraient-ils pas proposer à l’emprunteur de rembourser 70 ou moins directement. A ce tarif, les défauts de paiement baisserait dramatiquement.
Cela me paraît irréel, qu’ai je loupé?
Le livre que vous mentionez est-il réellement sorti en France cette année?
Le livre mentionné :
Edward M. Gramlich, Subprime Mortgages. America’s Latest Boom and Bust, Washington D.C. : The Urban Institute Press, 2007