Billet invité.
Résumant magistralement ce qu’il faut penser des chances de succès du plan de sauvetage divulgué hier soir dimanche, Christian Noyer, le gouverneur de Banque de France, a asséné qu’il n’avait « aucun doute » à ce propos. Venant de sa part, on n’en attendait pas moins. Dominique Strauss-Kahn et Olli Rehn (commissaire européen aux affaires économiques) s’y sont pour leur part mis à deux pour exprimer dans un communiqué commun qu’ils « soutenaient vigoureusement … le programme économique irlandais », préférant on ne sait pourquoi ne pas s’en attribuer la paternité.
Attendus pour plus tard, les commentaires des marchés n’étaient pas encore disponibles à l’heure où nous mettons sous presse. En Asie, l’euro était en petite forme au réveil, tenant péniblement debout avant de jouer au yo-yo.
Sans aucune ambiguïté, l’épilogue tout provisoire de la crise irlandaise se solde par une victoire à plate couture des banques européennes. En tant que créancières des banques irlandaises en totale déconfiture, elles ne sont pas atteintes (sauf à la marge, quand elles disposent d’obligations junior), tandis que les consœurs irlandaises vont continuer à être renflouées sur fonds publics. Les Irlandais payeront la très lourde addition. De manière significative, Christian Noyer, dans sa réaction au plan de sauvetage, a préféré évoquer pour l’Irlande « le boom puis la chute du marché immobilier », et s’en tenir pour la Grèce à « un problème de mauvaise gestion des finances publiques ». Les banques, moins on en parle, mieux cela vaut.
Un spectre semble avoir dominé les négociations menées au finish avant l’ouverture des marché de ce lundi matin : celui d’un défaut de payement irlandais. Non pas tant en raison des positions défendues par les négociateurs irlandais – qui s’en sont tenus au « réalisme » défendu par leur premier ministre en titre, Brian Cowen – qu’à cause de l’état d’esprit de l’opinion publique, qui s’est invitée à la table des négociations en participant à une manifestation réunissant selon les syndicats qui l’organisaient 150.000 personnes à Dublin (50.000 selon la police).
Publié par le Sunday Independent irlandais, un sondage révélait hier qu’une majorité de 57% des Irlandais estimait que le pays devrait faire défaut sur les remboursement de sa dette. Brian Cowen réagissant alors fermement en déclarant que « ce pays a une obligation et est dans la position de pouvoir payer ses dettes. [Faire défaut] aurait des conséquences gigantesques, bien au-delà de nos frontières. Nous ne sommes pas un pays irresponsable ».
Tout, ou presque, aura donc été fait pour que cette funeste perspective soit dans l’immédiat écartée. 85 milliards d’euros auront été mis sur la table afin de l’éviter, et une année supplémentaire de grâce aura été accordée afin que le déficit annuel de l’Irlande rentre en trois ans dans les clous à 3% du PIB (il est actuellement de 32%).
Tous les détails du plan – qui ne pourra toutefois entrer en vigueur que lorsque les irlandais auront adopté leur propre budget 2011 – ne sont pas encore connus, mais ses caractéristiques principales prêtent à réflexion. Afin de réunir l’enveloppe des 85 milliards d’euros, le gouvernement irlandais aura fait tapis en apportant 17,5 milliards. Symbole parfait, le fonds national de réserve pour les retraites aura été épongé pour l’occasion. A l’opposé, le fonds de stabilité européen aura été mis à contribution a minima, comme s’il fallait garder le maximum de cartouches de ce côté-là. Il n’apporte que 22,5 milliards, dans lesquels il faut comptabiliser l’aide bilatérale de plusieurs pays, la Grande-Bretagne, la Suède et le Danemark en ayant annoncé l’intention.
Le taux auquel ces fonds seront prêtés attire l’attention. Un taux moyen et flexible de 5,8% par an a été accordé, présenté comme en dessous des conditions actuelles de marché alors que le FMI annonce pour sa part de prêt d’également 22,5 milliards d’euros un taux de 3,12% pour les trois premières années (environ 4% ultérieurement). Laissant supposer, pour arriver à cette moyenne, que les conditions des autres prêts sont très élevées, ce qui devra être vérifié.
Réunis à Bruxelles à l’insistance des Français, alors qu’une conférence téléphonique était initialement prévue, les ministres des finances de la zone euro, puis de l’Union européenne, ont bien justifié leur déplacement. Une deuxième grosse affaire devait être réglée séance tenante, dans la perspective du sommet européen du 16 décembre prochain. Il fallait faire un sort à la proposition allemande d’obliger les banques à participer à de futures restructurations de dette par un Etat, à la faveur de ce qui est présenté comme un compromis résultant d’une conversation de dernière heure d’Angela Merkel et Nicolas Sarkozy. Tout le monde s’y est mis, en réalité, de Jean-Claude Trichet à Herman van Rompuy, en passant par Jean-Claude Juncker.
La question était décisive à un double titre : une restructuration ne pouvait absolument pas être exclue – une telle importance, sinon, ne serait pas accordée à la question – sa perspective créant sur les marchés un mauvais climat qu’il fallait assainir. Laissant pour la première fois depuis le début de la crise mondiale une épée de Damoclès planer au dessus de la tête du système financier.
Sur proposition des Français – on ne dira jamais assez leur contribution à la défense du système bancaire et sa transparence – les ministres ont donc adopté, pour confirmation par les chefs d’Etat, le principe qu’un tel mécanisme ne serait mis en œuvre qu’au « cas par cas ». Ouvrant grand la porte à l’hypothèse qu’il ne le soit pas. Ne laissant comme seule possibilité, si l’on comprend bien ce débat entouré de beaucoup de brouillard, que celle d’un rééchelonnement.
Cette décision doit être rapprochée d’une autre qui pourrait être prise jeudi prochain par le conseil des gouverneurs de la BCE. Ainsi que l’avait annoncé Jean-Claude Trichet, son président, la BCE pourrait annoncer pour la fin de l’année la suppression de ses facilités de distribution de liquidités à trois mois, en quantités illimitées et à 1% de taux d’intérêt. Le taux lui-même serait maintenu, le dispositif pour le reste modifié.
L’impact d’une telle décision sur les banques qui continuent de lui devoir leur survie serait énorme, ayant pour conséquence de fortement inciter les Etats à prendre la succession de la BCE pour éviter leur effondrement, s’il se confirmait qu’elle se retire. Ne conservant que des facilités à un mois, celle-ci prendrait donc l’initiative d’accélérer la prise en charge de l’addition de la crise financière par les finances publiques, tout en maintenant comme objectif hautement prioritaire la réduction des déficits du même nom.
La pression sur des pays comme le Portugal et l’Espagne serait alors maximum, leur donnant s’il en était besoin le coup de grâce et les précipitant dans les bras de l’Union européenne et du FMI.
Est-ce en prévision de cette situation que José Manuel Barroso, le président de la commission, a tenu à affirmer dès dimanche soir : « Nous avons tous les instruments, au cas où il y aurait d’autres crises » ? Ou qu’Olli Rehn déclarait que l’Union européenne devait discuter d’une « réponse systémique », faisant référence de manière à « des ramifications plus larges de la crise actuelle » (voulant dire irlandaise) ? Ou, pour y revenir, que le fonds de stabilité a été peu mis à contribution dans le cadre du soutien à l’Irlande ?
De deux choses l’une : cette volonté de placer hors d’atteinte, sur l’étagère du haut, les banques européennes laisse supposer qu’elles sont beaucoup plus fragiles qu’on ne le reconnait ; ou bien qu’elles font la pluie et le beau temps. Les deux n’étant d’ailleurs pas à la réflexion incompatibles ! Quoi qu’il en soit, elle va tendre à faire basculer une partie de la zone euro – qui en était déjà toute proche – dans la nécessité de faire appel à un soutien financier. Initiant une deuxième phase de la crise européenne au sein de laquelle le FMI pourrait être appelé à jouer un rôle grandissant. Chassé par la fenêtre, le spectre du défaut de remboursement de la dette rentrera alors par la porte de derrière.
Il serait temps que Wikileaks tourne ses grandes antennes vers de nouvelles cibles.
89 réponses à “L’actualité de la crise : BANQUES = 1, IRLANDE = 0, par François Leclerc”
Dans notre ploutocratie ça me parrait évident le vainqueur est désigne à l’avant. On a même plus besoin de jouer le match. 😉
Même les marchés ne croient pas au plan de sauvetage de l’Irlande .
Après le plan « grec » , le CAC avait rebondi de 9,66% (lundi 10 mai )
En ce moment , il plonge de plus de 2%.
C’est leur metier, si s’apporte un profit ou moins potentiel ils sont obligé de prendre la risque. 😉
Ca joue que dans une monde virtuelle, fondé sur notre croyance bureaucratique.
Les États, donc nous, ont investi des centaines de milliards pour soutenir l’activité.
Ce qui a eu comme résultat l’envolée de l’endettement public. Nos gouvernants
sautent sur l’occasion pour nous dire que cela va rendre indispensable les réformes
que l’on repousse depuis 20 ans : à commencer par les retraites, puis la sécurité
sociale. Les banquiers ont ruiné la planète, les contribuables ont payé prés de 3000
milliards de dollars pour éviter l’effondrement du système, et l’on nous dit que les
retraites vont être baissées et la sécu réformée car il n’y a plus d’argent pour les
payer. Ceux qui sont responsables vont s’en sortir sans soucis, et les autres vont
devoir se serrer la ceinture. Jusqu’à quand allons-nous l’accepter.
La crise n’est qu’un prétexte pour nous déposséder un peu plus de nos acquis, et
pour augmenter les leurs. Les nôtres sont sans cessent remis en cause, les leurs ne
cessent d’augmenter. L’argent public a été généreusement distribué sans aucune
contre partie, et une partie a même servi à payer les supers bonus des traders. Ils
n’ont plus aucune retenue, ils se servent dans la caisse que nous alimentons avec nos
impôts et notre travail, ils sont sûr de nous avoir domestiqué, sûr que nous ne nous
révolterons pas.
conscience citoyenne responsable
http://2ccr.unblog.fr/
La Bourse espagnole a perdu 13,77% en novembre. Et novembre n’est pas fini…
À part ça, il paraît que la France est un pays logique:
« Plus de 50 000 foyers appartenant aux 10% les plus riches de France étaient logés dans le parc HLM fin 2007, alors qu’1,2 million de ménages pauvres ou modestes attendent toujours un logement social. »
http://www.lexpansion.com/patrimoine/53-000-menages-fortunes-loges-en-hlm_243695.html#xtor=AL-189
le pire, c’est qu’ils ne sont pas gênés …
Grosse claque aux socialistes dans les élections régionales en Catalogne. Les Catalans, pour résoudre le problème de leur dette (30 Mds €) choisissent un libéral qui annonce déjà la suppression de l’impôt sur les successions.
http://www.lavanguardia.es/
Et la France dans tout ça?
Un article très intéressant dans zero hedge:
If the recent Hungarian « appropriation » of pension funds, and today’s laughable Irish bailout courtesy of domestic pension funds sourcing 20% of the « new » money was not enough to convince the world just how bankrupt the entire European experiment has become, enter France. Financial News explains how France has « seized » €36 billion worth of pension assets: « Asset managers will have the chance to get billions of euros in mandates in the next few months for the €36bn Fonds de Réserve pour les Retraites (FRR), the French reserve pension fund, after the French parliament last week passed a law to use its assets to pay off the debts of France’s welfare system. The assets have been transferred into the state’s social debt sinking fund Cades. The FRR will continue to control the assets, but as a third-party manager on behalf of Cades. » FN condemns the action as follows: « The move reflects a willingness by governments to use long-term assets to fill short-term deficits, including Ireland’s announcement last week that it would use the country’s €24bn National Pensions Reserve Fund “to support the exchequer’s funding programme” and Hungary’s bid to claw $15bn of private pension funds back to the state system. » In other words, with the ECB still unwilling to go into full fiat printing overdrive mode, insolvent governments, France most certainly included, are resorting to whatever piggybanks they can find. Hopefully this is not a harbinger of what Tim Geithner plans to do with the trillions in various 401(k) funds on this side of the Atlantic.
A propos de l’Italie :
– Emprunt à 3 ans :
La dernière fois que l’Italie avait lancé un emprunt à 3 ans, elle avait dû payer un taux d’intérêt de 2,32 %. Lundi 29 novembre, l’Italie a dû payer un taux d’intérêt de … 2,86 %.
– Emprunt à 7 ans :
La dernière fois que l’Italie avait lancé un emprunt à 7 ans, elle avait dû payer un taux d’intérêt de 1,78 %. Lundi 29 novembre, l’Italie a dû payer un taux d’intérêt de … 2,30 %.
– Emprunt à 11 ans :
La dernière fois que l’Italie avait lancé un emprunt à 11 ans, elle avait dû payer un taux d’intérêt de 3,89 %. Lundi 29 novembre, l’Italie a dû payer un taux d’intérêt de … 4,43 %.
Plus les jours passent, plus l’Italie emprunte à des taux d’intérêt de plus en plus exorbitants.
Plus les jours passent, plus l’Italie se surendette.
Plus les jours passent, plus l’Italie se rapproche du défaut de paiement.
Regardez bien ces graphiques hallucinants :
Italie : taux d’intérêt des obligations à 2 ans : 2,855 %.
http://www.bloomberg.com/apps/quote?ticker=GBTPGR2:IND
Italie : taux d’intérêt des obligations à 10 ans : 4,638 %.
http://www.bloomberg.com/apps/quote?ticker=GBTPGR10:IND
Un article reprenant Jacques Sapir. Du peu que j’en comprends, et de ce que je lis sur ce blog, on va droit dans les problèmes.
http://lebondosage.over-blog.fr/article-j-sapir-vers-une-crise-terminale-61719012.html
Après la Grèce, l’Irlande, le Portugal et l’Espagne, l’Italie est en ligne de mire.
L’Italie: prochaine victime de la crise des dettes périphériques?
30/11/2010 16:18
(obliginfos) – Après le Portugal et l’Espagne, l’Italie est désormais dans le collimateur des marchés.
Malgré son importante dette, l’Italie était, jusque-là, restée relativement épargnée par la crise des dettes périphériques. Il aura fallu une émission de dette en demi-teinte pour montrer qu’elle faisait aussi partie des pays les plus risqués de la zone euro. L’adjudication réalisée hier par l’Italie, portant sur des titres de dette à 3 et 10 ans, a en effet été boudée par les investisseurs. Elle a ainsi émis 3 milliards d’euros de BTP à 10 ans avec un taux d’intérêt de 4,43%. L’échéance à 3 ans, de 2,5 milliards d’euros, est quant à elle partie à 2,86%. Son taux a progressé de 55 pb en une semaine et de 80 pb en un mois.
Contrairement, à l’Espagne ou au Portugal, l’Italie est surtout affublée de la plus importante dette de la zone euro. L’an dernier, elle s’est élevée à 1 763,6 milliards d’euros, soit 116% du produit intérieur brut (PIB) du pays (1 520,9 milliards). En valeur absolue, la dette italienne dépasse même celle de l’Allemagne.
Le problème de l’Italie est que, contrairement à l’Allemagne, sa croissance est faible. Si le déficit public reste soutenable (5,3% du PIB en 2009), la crise politique que traverse actuellement le pays, avec le risque pour Silvio Berlusconi de perdre son fauteuil, ajoute aux inquiétudes des investisseurs.
http://www.obliginfos.fr/2010/11/30/litalie-prochaine-victime-de-la-crise-des-dettes-peripheriques/