Le Monde – Économie, lundi 2 – mardi 3 février

On se souvient de la valse-hésitation d’Henry Paulson à l’époque où il était encore le ministre des finances du président Bush : ayant très difficilement obtenu en octobre dernier que le Congrès et le Sénat votent le TARP (Troubled Assets Relief Program) : un plan s’élevant à 700 milliards de dollars visant à créer une « banque d’agrégation » ou « de mauvais aloi » où seraient stockés les produits de dette dépréciés plombant les banques, il avait changé d’avis une fois la loi votée et avait utilisé les fonds libérés pour des injections de fonds directes dans les banques leur permettant de respecter ainsi leur ratio de solvabilité. Ayant observé que les banques sauvées de justesse de la faillite convertissaient les fonds obtenus du contribuable en dividendes, en augmentations de salaires ou dans l’achat de rivales moins chanceuses dans la distribution de la manne, il avait ressuscité dans les dernières semaines de son mandat la formule de la « banque de mauvais aloi ».

Ces jours derniers, l’Allemagne, la Grande-Bretagne, l’Italie et la Belgique ont évoqué elles aussi des formules apparentées visant à la mise en quarantaine des produits de dette les plus dépréciés. Des bruits de couloir suggèrent que le président Obama envisage de relancer l’idée grâce à une rallonge portant le budget du TARP à mille milliards de dollars et dont la mise en application serait confiée à la FDIC (Federal Deposit Insurance Corporation), l’organisme chargé aux États–Unis de garantir les dépôts bancaires, mais dont le rôle lors de sa création en 1933 était celui de prêteur de dernière instance, mission assurée aujourd’hui par la Federal Reserve.

La « banque de mauvais aloi » et l’injection de capitaux visent le même but : restaurer la solvabilité des banques, seule différence : la première formule les délivre une fois pour toutes du souci de gérer ce boulet dans leur bilan. Pour le reste, les participants se verraient semble-t-il obligés comme dans la seconde formule, de consentir à l’État une participation accrue au sein de leur capital.

Ceci dit, et en admettant que les deux approches, séparément ou combinées, atteignent le but fixé de garantir durablement la solvabilité des banques, la robustesse du système en serait-elle accrue ? Non : l’incendie aura sans doute été contenu mais les facteurs favorisant son retour éventuel seront toujours présents.

Souvenons-nous de l’époque où les entreprises s’autofinançaient et où les ménages ne vivaient pas au-dessus de leurs moyens. Passons sur les raisons souvent très légitimes pour lesquelles ils ont cessé de le faire et notons que nous sommes passés insensiblement d’un système capitaliste où le crédit visait avant tout des opérations exceptionnellement coûteuses et au profit aléatoire et ne servait pour le reste que de technique d’appoint, à la situation actuelle où le crédit est devenu la solution de financement par défaut et l’autofinancement, l’exception.

Il y a à cela plusieurs raisons. La première, c’est le crédit facile des dix dernières années, encouragé par la politique de la Fed qui maintint les taux courts à un niveau artificiellement bas alors que les pays d’Extrême-Orient absorbaient des quantités astronomiques les Bons du Trésor américains, assurant aux taux longs eux aussi des niveaux exceptionnellement bas. La seconde raison, ne découlant pas directement de la politique des banques centrales, est la tendance constatée au cours des trente dernières années d’une concentration sans cesse croissante du capital dans les mêmes mains, et ceci aussi bien dans le cas des entreprises que dans celui des ménages.

Il est un point sur lequel le capitalisme a toujours reconnu qu’il lui était impossible de compter sur l’autorégulation : la concurrence, dont le maintien ne peut être assuré que par un combat constant. Une répartition équitable du capital parmi les acteurs économiques est semblable sur ce plan à la concurrence, et le système capitaliste éprouve un besoin égal des deux pour assurer sa survie.

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4 réponses à “Le Monde – Économie, lundi 2 – mardi 3 février”

  1. Avatar de béber
    béber

    « Une répartition équitable du capital parmi les acteurs économiques est semblable sur ce plan à la concurrence, et le système capitaliste éprouve un besoin égal des deux pour assurer sa survie. »

    Ok, l’équitée remettrait de l’huile dans la machinerie économique .

    Cà, du point de vue d’un non initié , çà parait évident .Si les consommateurs n’ont point d’argent, ils ne peuvent consommer .
    Ford payaient bien ses employés de façon à ce que ceux ci puissent acheter les voitures qu’ils produisaient.
    Logique imparable que la course au positionnement concurrentiel sur le marché mondial a mis à mal.

    Le problème , c’est que l’argent envolé en bourse n’est jamais vraiement perdu à tout jamais , non ?
    Celui qui a les moyens de patienter peut se refaire.

    De même, la déflation détruisant les fortunes accumulées en dollars ou tout autres espèces , celle ci peut aussi donner l’occasion pour certains de faire de bonnes affaires quand le temps sera venu.

    Il me semble qu’on ne peut pas demander aux actionnaires de rendre l’argent qu’ils ont accaparés, mais qu’on pourrait désormais taxer leurs bénefs de façon à prévenir les risques globaux qu’ils font courrir à l’économie réelle.
    Cà serait une façon de remettre l’argent  » là où il fait besoin » ?
    Tout celà dit s’il fallait comprendre que la circulation de l’argent est une des deux composantes indispensables à la survie du système capitaliste.

  2. Avatar de leduc
    leduc

    Ca me rappelle une nouvelle de Diino Buzatti que j’ai lu il y a très longtemps : la leçon de 1980
    résumé wiki : Fatigué des querelles humaines, le « Père Éternel » décide de donner une bonne leçon aux hommes. Jour après jour, les grands de ce monde succombent étrangement. On remarque rapidement une chose : c’est à chaque fois l’homme le plus puissant du monde à ce moment qui meurt… On constate alors une volonté de devenir de moins en moins puissant, de perdre toutes les guerres en donnant l’avantage à l’adversaire, ce qui conduit à une harmonie totale dans le monde.
    Ah la la, on en arriverait presque à souhaiter qu’au lieu de frapper les hommes politiques les plus puissants, cela frappe les hommes les plus riches. Bizarrement du jour au lendemain les milliardaires et multi millionaires deviendraient philanthropes, se délesteraient de leur fortune, feraient des dons à toutes sortes d’institutions.

    Enfin, on peut rêver….

  3. Avatar de Julien Alexandre
    Julien Alexandre

    Il y a quelques mois, j’avais laissé le commentaire suivant :

    Mes grands-parents et même mes parents achetaient à crédit sans le concours des banques, jusqu’au milieu des années 1970. Crédit auprès de l’épicier, du garagiste ou autres. L’épicier leur faisait confiance parce que mes grands-parents avaient deux choses : une propriété, gage de leur solvabilité (même si le bien en lui-même ne constituait pas une garantie formelle), et/ou une “bonne réputation”. L’épicier pouvait se permettre de faire crédit parce qu’il avait le capital lui octroyant cette liberté. Si jamais mes grands-parents avaient fait défaut dans leur paiement, ils en seraient morts de honte. A cette époque, cela voulait encore dire quelque-chose.

    Dans le courant des années 1970, les choses ont changé (on pourra revenir sur les causes), et l’épicier a commencé à douter du bien fondé du crédit et à être plus près de ses sous, jusqu’au jour où il n’a plus souhaité accorder de crédit : sur la devanture, on pouvait lire “Paiement au comptant, la maison ne fait plus crédit”.

  4. Avatar de hervé de Bressy

    Bonjour (bonsoir de ce côté-ci de l’Atlantique),

    J’ai posté sur le site lesdemocrates.fr (rubrique « Points de Vues »/ »Nous soutenons ») votre proposition d’interdire les paris sur les prix, en précisant bien votre paternité de cette proposition et en renvoyant à votre blog pour plus d’informations sur cette idée simple et juste.

    Les propositions font l’objet d’un vote des membres du site. Aux dernières nouvelles elle était en tête.

    Loin de moi l’idée de faire du prosélytisme, mais lorsqu’on s’engage dans un mouvement politique c’est dans l’espoir de refaire le monde.

    Bonsoir et merci,

    Hervé de Bressy

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