Obama

Ce texte est un « article presslib’ » (*)

Le discours avait du souffle, et cela c’est positif en soi, et il fut question de tout ce qui compte : de la fin du régime para-fasciste précédent, d’une nation longtemps sous la coupe réglée de la finance, du réchauffement climatique et de la nécessité d’une reconversion au développement durable. Oui, bien sûr, c’est toujours de la croissance dont on parle, mais au moins apprivoisée (le monde a soif de changement et du coup, de formules de transition).

Le « retroussons nos manches » est naturellement bienvenu, ne serait-ce qu’en raison de l’éternité qui sépare aux États–Unis les élections présidentielles de l’inauguration d’aujourd’hui, et aussi parce que tout ce qui peut insuffler un peu d’enthousiasme en faveur du changement met de l’eau au moulin de tous ceux qui, comme vous et moi, veulent le voir advenir.

Du souffle et de l’ambition, mais le découragement perçait aussi : il est clair qu’il n’est plus question pour les États–Unis de continuer à dominer le globe du haut d’une colline inexpugnable mais qu’il s’agit maintenant pour eux de remonter la pente et quand il est question de tendre la main aux ennemis d’aujourd’hui et d’engager le dialogue avec ceux d’hier, il faut se poser la question : en l’état où elle se trouve aujourd’hui, l’Amérique a-t-elle tellement le choix ? Et de ce point de vue, malgré les envolées il faut bien le dire brillantes et la fermeté de la voix, les accents étaient un peu ceux du champion qui vient de se prendre une raclée et déclare avec morgue à la presse – malgré son œil au beurre noir et son visage tuméfié – que, oui, aujourd’hui il n’a pas eu de chance mais il est au plus haut de sa forme et son retour en force n’est plus qu’une question de jours.

Le discours aurait pu être creux et il ne le fut pas : Praise the Lord ! Alleluia ! Ce ne sont que des mots sans doute mais certains mots sont meilleurs que d’autres et ne boudons donc pas notre plaisir. Il faudra voir demain si les cent premiers jours concrétiseront tant de bonnes intentions et ce n’est donc pas nécessairement là que l’espoir se cache : l’espoir réside dans le fait qu’une nation affectée à ses origines par un esclavagisme omniprésent, et qui transforma la sortie de cet esclavagisme en un cafouillage pharamineux, s’est donnée pour président, démocratiquement et malgré le poids excessif de l’argent au sein de ce système démocratique, un membre de la classe mise autrefois au rang de l’animalité. Léo Ferré s’écriait : « Dans dix mille ans ! », mais il n’a fallu pour émerger d’un tel cauchemar, qu’un siècle et demi. L’espoir réside là.

(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.

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36 réponses à “Obama”

  1. Avatar de Fab
    Fab

    @ schizosophie,

    Bravo.

    Chez moi on appelle ça (l’illusion du discours) croire à la poupée qui tousse !

    Quelques extraits de Chomsky (cf Crystal, http://www.agoravox.tv/article.php3?id_article=21612), une autre vision :

    « Peut-on imaginer que si on veut trouver une élection démocratique, avec une vraie signification historique, il faille regarder le plus pauvre pays d’Amérique du Sud [Bolivie] ? C’est impensable en Occident ! Le racisme est beaucoup trop profond. Ou alors, l’idée que le tiers-monde soit clairement plus civilisé que nous, nous est inconcevable… donc on n’en parle pas ! »

    « L’avis du public ne compte pas. Et on constate cela problème après problème. Et revenons à Obama. A-t-il dit quoi que ce soit à propos de l’un de ces sujets ? Non. »

    A voir, à écouter ou à lire en entier : l’art de ne pas caresser dans le sens du poil !

  2. Avatar de Fab
    Fab

    Argl ! J’ai un commentaire en cours de modération ! Je hais big brother mais je vais néanmoins essayer de le contourner en enlevant les majuscules…donc :

    @ schizosophie,

    bravo.

    chez moi on appelle ça (l’illusion du discours) croire à la poupée qui tousse !

    quelques extraits de chomsky (cf crystal, http://www.agoravox.tv/article.php3?id_article=21612), une autre vision :

    “peut-on imaginer que si on veut trouver une élection démocratique, avec une vraie signification historique, il faille regarder le plus pauvre pays d’amérique du sud [bolivie] ? c’est impensable en occident ! le racisme est beaucoup trop profond. ou alors, l’idée que le tiers-monde soit clairement plus civilisé que nous, nous est inconcevable… donc on n’en parle pas !”

    “l’avis du public ne compte pas. et on constate cela problème après problème. et revenons à obama. a-t-il dit quoi que ce soit à propos de l’un de ces sujets ? non.”

    a voir, à écouter ou à lire en entier : l’art de ne pas caresser dans le sens du poil !

  3. Avatar de madar michael

    Son livre (chomsky) « Les Etats Manqués » donne à voir le portrait, indiscutable dans les faits historiques ou chiffrés qu’il avance, d’un pays dirigé pour le pire et jamais pour le meillleur.(Vietnam, Chili, Indonésie , Irak, et j’en passe et rajoute11/9, Guantanamo)
    Comment croire aprés ça , le tout en pleine crise made in US au conte de fée Obama.

  4. Avatar de Yogi
    Yogi

    Eh vous avez entendu ? « L’Amérique est une nation de chrétiens, de musulmans, de juifs, d’hindous et de non-believers » !! Incroyable, non ? Et aussi : « La science doit reprendre sa place » !! Génial, non ?

  5. Avatar de TELQUEL
    TELQUEL

    Oui Obama un moment extraordinaire de l’histoire contemporaine,une crainte cependant que l’on nous fasse le coup du flic mechant ( Busch) avec le flic gentil (Obama).A suivre….

  6. Avatar de Alexis
    Alexis

    @ Michel Matin, (@ tout le monde : désolé pour la digression…) : Concernant les énergies renouvelables, le problèmes n’est pas tant d’en trouver de nouvelles (la mer par exemple, le soleil, la biomasse ou les pets de lapin au CH4…), que de pouvoir remplacer l’existant ie le pétrole (40%), le gaz (20%) et le charbon (20% encore), soit 80% des ressources énergétiques mondiales (cf AIE) pour pallier les déplétions en cours et combattre les émissions de GES et leurs conséquences délétères…
    La crise actuelle semble très efficace pour lutter temporairement contre la déplétion pétrolière, puisqu’aux dernières nouvelles la consommation de pétrole a baissé, entrainant la chute des cours actuelle (±45$ le baril). En revanche, comme le fait remarquer James Hansen dans sa lettre aux époux Obama (ouf, cher Paul, je reviens dans le sujet du jour ! digression quand tu nous tiens), concernant les gaz à effets de serre, le problème n’est pas seulement la « croissance » de la consommation que la consommation tout court d’énergies fossiles (tout particulièrement du charbon pour les USA).

    D’où l’idée récurrente, de taxer à la base ces énergies là. Obama le fera-t-il comme le lui propose Hansen, comme le préconisait Nicolas Stern dans son rapport britannique ou Jancovici en France ?

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