Ce texte est un « article presslib’ » (*)
J’écrivais il y a un peu moins d’un an dans Ce que les contribuables aiment s’entendre dire :
L’attitude du gouvernement travailliste dans l’affaire du sauvetage de Northern Rock (voir Northern Rock : le retour de l’Etat) est intéressante pour ce qu’elle augure de la manière dont la crise financière sera gérée en Grande–Bretagne. Gordon Brown, le premier ministre, a semblé dire : « Oui, Londres est bien aujourd’hui la capitale financière du monde. Non, cela ne signifie pas que le capitalisme fonctionne sans anicroche. Qu’on ne se voile pas la face : en cas de pépin l’Etat sera toujours appelé à reprendre les rênes. Jusqu’à ce que les choses s’arrangent bien sûr et qu’on redonne carte blanche aux pirates… pour un tour ! »
La confirmation que l’on est passé à la phase deux de la gestion travailliste de la crise est venue de Londres aujourd’hui : un nouveau budget de 50 milliards de livres pour mettre en quarantaine les titres les plus dépréciés : prêts hypothécaires bien sûr mais aussi dette des entreprises, billets de trésorerie et emprunts syndiqués (répartis entre plusieurs établissements financiers prêteurs). Ce plan vient en sus de celui qui avait été mis en place en octobre dernier : 50 milliards de livres en injection de capital dans les banques et une ligne de crédit d’un maximum de 250 milliards avaient alors été débloqués.
L’État propose également aux banques une assurance leur permettant de n’essuyer que les premiers 10 % de leurs pertes à venir, le reste étant à sa charge. Le ratio de solvabilité pour les banques bénéficiant du nouveau plan sera abaissé des 8 % recommandés par Bâle II (Tiers 1) à 6 %, les économies ainsi faites pouvant servir à alimenter le crédit consenti aux particuliers et aux entreprises. L’ensemble des mesures prises aujourd’hui constituent en effet une réponse au fait que les banques demeurent frileuses, n’accordant toujours des crédits qu’avec une extrême parcimonie ou, quand elles le font, à des taux ne reflétant en aucune manière le 1,5 % du taux au jour le jour, un niveau de taux inédit dans l’histoire de la Grande-Bretagne.
On apprenait parallèlement aujourd’hui le début d’une opération qui pourrait faire passer la participation de l’État britannique dans la Royal Bank of Scotland, de 58 % à 70 %. La cote en bourse de la banque s’est dépréciée durant la journée d’aujourd’hui de 67 % pour se retrouver à 11,6 pence, un niveau signifiant qu’aux yeux des actionnaires en tout cas, la nationalisation complète n’est plus qu’une question de temps.
La Royal Bank of Scotland ayant annoncé des pertes probables de 28 milliards de livres au cours de l’année à venir, pertes les plus élevées dans l’histoire du secteur bancaire au Royaume-Uni, elle n’a pas eu le choix : il lui a fallu activer une conversion d’actions privilégiées en actions ordinaires prévue dans le plan du mois d’octobre. Si les titres ne trouvent pas preneur auprès du public, c’est l’État britannique qui prendra le relais.
J’écrivais, le 20 février dernier dans Northern Rock : le retour de l’Etat :
La mesure de nationalisation [de Northern Rock] a été votée aux Commons par une large majorité (302 voix pour, 222 contre) et passera probablement aisément l’obstacle d’un vote à la chambre des Lords. Ce qui donne des sueurs froides à ses adversaires, c’est sa clause prévoyant que la nationalisation pourrait s’appliquer à toute banque qui se retrouverait dans la même situation que Northern Rock. Le premier ministre Gordon Brown s’est voulu rassurant : « Nous n’avons personne en vue », a–t–il déclaré.
Cela aussi reste d’application : les actions de Lloyds et de Barclays étaient elles aussi en forte baisse aujourd’hui : de 34 % pour la première et de 10 % pour la seconde.
(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.
3 réponses à “Grande–Bretagne : le retour de l’État, phase deux”
Les pirates ont sabordé le navire, mais une « main visible » le maintient à flot. Merci Gordon…
alors Gordon n’est pas un manchot, il pourra traverser la manche pour nous conseiller.
God save the City…
Paul parlait de Sid l’autre jour (et son ami le Pourri) ; non il faut pas la mettre, elle est trop « subprime » !
Je suis désolé d’écire sur mon blog d’autres choses que ce que les gens veulent entendre: « mundus vult decipi » (les gens veulent être trompés).
Ll’état c’est du Ponzi, les caisses de pensions c’est du Ponzi. ce brave monsieur a fait des émules !
Pensez-vous réellement qu’on peut sauver quelques choses avec des extincteurs de billets ! On attise le feu. C’est à l’opposé de la base de la nature: la sélection naturelle.
On maintient les faibles (établissements) au dépend des forts (qui commencent aussi à péricliter) non ?
Qu’en pensez-vous ?
http://blog.crottaz-finance.ch/?p=520