Ce texte est un « article presslib’ » (*)
Je suis allé lire le compte-rendu de la table ronde patronale réunie par le « Journal des finances », à l’occasion de laquelle Michel Cicurel, Président de la Compagnie financière Edmond de Rothschild avait prononcé ces paroles mémorables :
Quand j’entends parler de la refondation du capitalisme, je sors mon revolver. Surtout lorsqu’on parle de davantage de régulation. Il faut bien avoir en tête que les fautes les plus lourdes ont été commises par la SEC, ou par la Réserve fédérale, ou encore par la régulation comptable anglo-saxonne,
paroles qui m’avaient inspiré la remarque suivante :
Très juste, mais d’où venaient les directives qui leur enjoignaient de fermer les yeux et de s’assoupir au volant, sinon des milieux financiers, relayés par le politique ? Attention aux ricochets quand on sort son revolver !
Ceci dit, il n’y avait pas que lui à cette réunion et – m’enferrant dans mes mauvaises habitudes – je n’hésite pas à complimenter au contraire Maurice Lévy, Président du directoire de Publicis, qui a fait observer lui que
Après cette crise, les consommateurs vont-ils retrouver leurs comportements d’avant, je répondrai que je ne crois pas. Le modèle de croissance durable est désormais ébranlé dans toutes les mentalités.
… je crois… que les modes de consommation et les comportements vont beaucoup évoluer au lendemain de cette crise, avec notamment une plus grande capacité des consommateurs à dire non. Non à des produits non durables. Non à certaines marques. Non à des styles de vie. Et cela ne sera pas seulement français ou européen, mais largement mondial.
… nous, chefs d’entreprise, nous ne pouvons plus ignorer que l’opinion publique n’acceptera plus d’enrichissement sans cause. Cela signifie pour nous davantage de capacité de jugement, de sens de la responsabilité et de respect des codes de bonne conduite.
Très bien vu et très bien dit.
(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.
20 réponses à “Ceux qui sortent leur revolver et ceux qui sortent au contraire leur jugeote”
Non, ils ne peuvent plus l’ignorer, mais par contre ils pensent qu’ils s’en tireront en étant sages à partir d’aujourd’hui (jusqu’a ce qu’ils acceptent encore de prendre le risque 😉 )… sans se rendre compte que tous ceux qui se sont enrichis illicitement en exploitant des mécanismes pire que les schèmes de Ponzi devront nous rendre ce qu’ils nous ont piquées, et payer pour les misères qu’ils nous ont fait passer… Et qu’on ne tolèrera plus de tels schèmes.
« Quand j’entends parler de la refondation du capitalisme, je sors mon revolver ».
Voilà qui démontre en tous cas que ceux qui mène la lutte des classes ne sont pas ceux que l’on pense. Ca me rappelle ce livre du collectif invisible qui vous avait fait pousser des cris d’orfraie quand je vous en avais parlé. Ce livre proposait de se réarmer (une réponse au désarmement intellectuel dont nous parlions en évoquant Debord?) mais leurs auteurs sont, eux, aujourd’hui en prison.
Dans le monde de la lutte des classes, y aurait-il une justice de classe?
Bonne journée à tous
J’ai assisté à un entretien avec un autre Maurice Levy président de Publicis (sont-ils plusieurs?) dans lequel il affirmait que sa première priorité était de conserver un taux de profit maximal pour ses actionnaires, et que les périodes de crises étaient propices à la réduction des coûts de production…
-« Quand j’entends parler de la refondation du capitalisme, je sors mon revolver. »
Logique guerrière, qui peut se traduire aussi par:
Touche pas à mon gâteau, ou je t’explose…
Avec ce zozo là on sait au moins à quoi s’en tenir. Il n’est pas question une seule seconde que ses neurones fonctionnent à autre chose que son intérêt « pécuniaire ». Le malheur pour nous est que son intérêt pour l’argent est énorme.
Circulez y’a rien à voir !
« nous, chefs d’entreprise, nous ne pouvons plus ignorer que l’opinion publique n’acceptera plus d’enrichissement sans cause »
Parole, Parole, Parole…
Quant à celui là, il prépare sans aucun doute une campagne, ayant flairé le bon créneau pour vendre de beaux habits tout neufs à la même imposture.
Pour continuer à nous engraisser au delà de l’inimaginable, il nous faut être masqué, déguisé en reconverti de finance, et de l’argent roi….
Le même Maurice Levy affirme qu’il ne faut pas « brider » les rémunérations des patrons brillants sinon ils iront ailleurs…
Pour répondre aux grévistes qui demandaient des augmentations de salaires, on leur a opposé le Lock Out, puis les délocalisations…maintenant on leur oppose le, management délocalisé out….quand vont ils être tout simplement out?
Bonjour,
L’avenir ?? consommation, régulation, capitalisme, capitaux, non mais je reve, des économistes qui ont totalement effacé les mots « économie politique » de leur mémoire, regardez a quel verbiage se livrent ces hommes de science, au calcul des couts, des chiffres de l’immigration, ils en sont réduits au comportementalisme normatif alors sincèrement, peuvent ils repenser le capitalisme tel qu’on vient de le découvrir en octobre?, la question serait de leur demander ou est le « CAPITAL » aujourd’hui, mais la réponse on la connait que trop, il est en Chine bien entendu ! Olivier, avant de m’intéresser a la lutte des classe, qui existe encore probablement c’est un fait, je penserais davantage a la prolétarisation de masse, quel que soit notre catégorie socio pro !! je ne suis pas la première a le dire, ni la dernière, il est plus que temps de repenser, que dis je de ré apprendre a penser, re inscrire une nouvelle histoire mais cette fois s’en souvenir, car c’est l’oubli qui nous a plongé dans l’abime qu’on connait aujourd’hui…
Cordialement
bonjour,
le LEAP2020 vient de faire paraitre ses dernières analyse en titrant :
Phase IV de la crise systemique : Debut de la sequence d’insolvabilite globale
extrait :
« Avec une estimation conservatrice des « actifs fantômes » mondiaux portée désormais à plus de 30.000 milliards USD (3), notre équipe considère que le monde fait désormais face à une insolvabilité généralisée frappant évidemment en premier lieu les pays et les organisations (publiques ou privées) surendettés et/ou très dépendants des services financiers. »
« Et 2009 est l’année qui va obliger tous les acteurs économiques à tenter d’évaluer concrètement l’état de leur solvabilité, sachant que nombre d’actifs continuent encore à perdre de la valeur. La difficulté est qu’un nombre croissant d’opérateurs ne font plus confiance aux indicateurs et instruments de mesure traditionnels. Les agences de notation ont perdu toute crédibilité. Le Dollar US n’est plus qu’une fiction d’unité de mesure monétaire mondiale dont nombre d’Etats tentent de se dégager au plus vite (6). Donc toute la sphère financière est à juste titre suspectée de n’être plus qu’un immense trou noir. Pour les entreprises, plus personne ne sait si les carnets de commande sont fiables (7) puisque, tous secteurs confondus, les clients annulent massivement les commandes (8) ou n’achètent plus, même quand les prix sont cassés, comme le confirme la forte baisse des ventes de détail de ces dernières semaines (9). Et pour les Etats (et autres collectivités publiques), c’est dorénavant l’effondrement des recettes fiscales qui fait craindre une envolée des déficits pouvant entraîner là aussi des faillites. D’ailleurs, des milliardaires russes (10) aux pétromonarchies du Golfe arabique en passant par l’Eldorado commercial chinois (11), ce sont toutes les « poules aux œufs d’or » des entreprises et des établissements financiers de la planète (et notamment européennes, japonaises et nord-américaines (12)) qui s’avèrent désormais insolvables ou tout juste solvables. »
@ Nella
« il est plus que temps de repenser, que dis je de ré apprendre a penser »..certes, en commençant probablement par ré apprendre à apprendre..mais cette question relève d’un autre blog.
« prolétarisation de masse »…mais pas tout à fait » quelle que soit notre catégorie socio pro » Cherchons encore le capital…financier, informationnel (dont éthique) ?
A mon avis le discours de Maurice Lévy vise uniquement à signifier aux industriels « Nous, publicitaires, sommes les professionnels de la compréhension des motivations et des comportements des consommateurs. Ceux-ci vont changer. Ne croyez pas que vous pourrez franchir cette crise sans nous » …
Il n’a pas tort ce Cicurel, par contre s’il est en faillite… Il faut le laisser couler.
Le problème ne vient pas de la dérégulation mais de la croyance que la Fed sauvera à chaque fois ce joli monde…
Là est tout le problème.
Enlever les filets de sécurité… Les acrobates voleront moins haut et moins longtemps…
Acuité du diagnostic, inocuité du remède…6 ans que ça dure…
M.Claude Bébéar, (président d’AXA) « ils vont tuer le capitalisme », Plon, 2003.
Patrick Artus (directeur d’études de la banque Natixis) et Marie Paule Virard, « le capitalisme est en train de s’autodétruire », la Découverte, Paris, 2005 et aussi « Globalisation le pire est à venir », La Découverte, Paris, 2008.
M.Jean Peyrelevade (ancien directeur adjoint du cabinet de M. Pierre Mauroy, Dirigeant de Suez, d’UAP et du Crédit Lyonnais) Le Capitalisme Total, Seuil, Paris, 2005.
Cf : François Chesnais « Quand le patronat accuse la capitalisme » in Manière de voir , Le Krach du libéralisme, (N°102) Décembre-Janvier 2008.
Je crois que nous allons voir les grands patrons du monde prendre régulièrement le micro pour délivrer directement leurs messages aux masses.
Nos « élus » politiques, coincés entre le marteau et l’enclume, la peur aux trousses, sont en pleine mutation (atermoiement?) paradigmatique, et donc passent de AAA à CCC-.
Que l’on nous donne du « touchez pas au grisbi » ou du « terriens je vous ai compris » je crains que cela soit bonnet blanc et blanc bonnet.
Que nous dit Maurice Lévy:
« Après cette crise, les consommateurs »…(ouf il y a un « après » crise avec toujours des « consommateurs » des « grands producteurs » et des « grands publicistes », tout comme avant, pas de quoi s’inquiéter)… »nous, chefs d’entreprise, nous ne pouvons plus ignorer que l’opinion publique n’acceptera plus d’enrichissement sans cause. Cela signifie pour nous davantage de capacité de jugement, de sens de la responsabilité et de respect des codes de bonne conduite » (si c’est pas de l’autorégulation vertueuse ça y ressemble trait pour trait, on continue comme avant mais différemment on saura s’adapter aux nouveaux désirs du consommateur mondialisé).
On a pratiquement le même discours des deux intervenants, l’un étant un peu mieux mâché pour être plus présentable c’est tout (j’espère me tromper).
M. Levy aurait pu dire:
« nous, chefs d’entreprise, nous ne pouvons plus ignorer que l’opinion publique n’acceptera plus d’enrichissement sans cause. Cela signifie pour nous davantage de capacité de jugement, de sens de la responsabilité et de respect des codes de bonne conduite. C’est pourquoi nous demandons le plafonnement de la fortune personnelle de tout être humain et des sociétés privées dans des limites acceptables. Ces limites pourraient être re-définies régulièrement et démocratiquement par les nations réunies en fonction de la redistribution nécessaire pour satisfaire aux besoins élémentaires de tous et du bon fonctionnement de l’économie ».
Là j’aurais dit chapeau bas, quelque chose vraiment a changé.
Mais bon, prenons les petits pas positifs pour ce qu’ils sont sans optimisme excessif mais sans défaitisme systématique non plus, enfin c’est ma position…
@Olivier: « Voilà qui démontre en tous cas que ceux qui mène la lutte des classes ne sont pas ceux que l’on pense. »
« La lutte des classes existe, et c’est la mienne qui est en train de la remporter. » Warren Buffet
Pour être juste avec Buffet, voici la citation non tronquée: « It’s class warfare, my class is winning, but they shouldn’t be. »
http://www.cnn.com/2005/US/05/10/buffett/index.html
@ Moi
ce qu’il y a de terrifiant, c’est que la vie ressemble à une caricature… Ca donne envie d’être intransigeant
@Olivier: http://fr.wikipedia.org/wiki/Discours_de_la_servitude_volontaire
Lu chez les échos, via contreinfo :
En octobre, lors d’une réunion des représentants patronaux de cinq pays du G8 organisée par le medef, le président du patronat allemand, Mr Thumann, a sorti ceci :
Joli, non ?
L’anglais, Mr Lambert, est pas mal non plus :
Voila la cause de cette crise : trop d’extravagance ! A propos du meilleur système pour répartir les richesses, remarquez qu’il ne précise pas de quel type de répartition il s’agit.
Mme Parisot était un peu moins en forme :
Ça s’achète où, un revolver ?
@ tous
décidement ça commence à chauffer sur ce blog. Ca cite La Boétie, Debord et le collectif invisible à tout va. Si ça continue il faudra ouvrir les armureries le dimanche!
Les propos de Mauric Lévy ne sont pas à mettre sur le même plan que ceux de Cicurel.
L’un est menaçant, autiste, l’autre fait une analyse.
Ce qui est intéressant dans l’analyse de Lévy c’est qu’elle prend acte de l’inévitable mutation du capitalisme, au delà des mécanismes
purement économiques. . Ce sont les consommateurs, c’est à dire nous, qui transformons notre vision de l’économie.
Evidemment, c’est une analyse de son point de vue d’entrepreneur, d’homme de métier, il ne parle pas des enjeux politiques.
Ce genre d’analyse n’est pas si courant à ce niveau de responsabilité économique
Lévy est même assez radical dans son constat : »le modèle de croissance durable est désormais ébranlé dans toutes les mentalités ».
Or le modèle de croissance durable c’était la tarte à la crème que nous balançaient les milieux patronaux et autres analystes convertis au capitalisme repeint aux couleurs de l’écologie. Ils nous disaient : les règles du jeu du système actuel ne sont pas mauvaises, il suffit d’exploiter l’immense gisement du business vert et nous sortirons de l’ornière.
Ce type d’analyse vient d’être battue en brèche devant l’ampleur d’une crise inimaginable il y a encore un an par les plupart des acteurs économiques et de la cohorte des experts médiatiques. Ce que nous voyons aujourd’hui c’est que le système n’est plus viable, vivable même, et que sa « date de péremption « est arrivée plus vite que prévue.
Parfois les mêmes qui nous vantaient ce modèle il y a encore pas si longtemps, commencent à admettre ce qui maintenant saute aux yeux de tous, à savoir que le modèle néo-libéral du tout marché dérégulé était aussi bien anti-social qu’anti-écologique. Que c’est précisément parce que le système engendrait des inégalités immenses, que s’est produite une insolvabilité débouchant sur une déroute financière généralisée. Le marché avait donc permis une concentration sans précédent des capitaux et ceux qui en bénéficiaient crurent que cela pourrait durer encore longtemps, moyennant quelques aménagements verdoyants et autres fausses bonnes idées comme par exemple celle du marché des droits à polluer. Ils n’avaient pas vu, ou pas voulu voir, que c’était la nature même de ce capitalisme qui commandait de passer par pertes et profits les ressources terrestres et humaines sur lesquelles ils prospérait, coupant de ce fait la branche fragile sur laquelle le capitalisme était, croyaient-il, tranquillement assis.
A cette menace du revolver je réponds par une célèbre phrase du général De Gaulle : « Cette guerre n’est pas limitée au territoire malheureux de notre pays. Cette guerre n’est pas tranchée par la bataille de France. Cette guerre est une guerre mondiale. Toutes les fautes, tous les retards, toutes les souffrances, n’empêchent pas qu’il y a, dans l’univers, tous les moyens nécessaires pour écraser un jour nos ennemis. Foudroyés aujourd’hui par la force mécanique, nous pourrons vaincre dans l’avenir par une force mécanique supérieure. Le destin du monde est là. «
Après quelques recherches et recoupements je me suis rendu compte que j’étais passé complètement à coté du billet de Paul.
Ou alors il n’y a rien d’intentionnel nul part et je me fais des idées.
ps: post à détruire éventuellement…
En googlant « refondation du capitalisme » Je suis par hasard tombe sur ce billet alors que J’en attendais un autre du meme nom, c’est a dire celui de Jean Peyrelevade.
Mais puisque que J’ai pris la peine de m’arreter, Je relais gracieusement son appel a TOUS les internautes :
http://peyrelevade.blog.lemonde.fr/2010/02/18/un-nouveau-livre-7/
pour une « contribution [qui] sera fortement appréciée ».
Au revoir.