L’humanité réintégrera les limites planétaires (… reparamétrées), par Cédric Chevalier

Allégorie du billet par DALL·E

Reporterre – Les écologistes, nouveaux coupables de la crise climatique, par Gaspard d’Allens
Ceci ne devrait pas étonner ceux qui connaissent un peu l’histoire et la psychologie humaine.
Paul et Vincent Burnand-Galpin avaient évoqué l’hypothèse d’un « moment Pearl Harbor », un choc écologique assez puissant pour faire basculer l’opinion publique dans le sens de l’écologie et permettre la mobilisation générale face à l’urgence existentielle. J’ai aussi écrit à ce sujet. C’était faire l’hypothèse d’une boucle de rétroaction négative (régulatrice) dans le système combiné de la Mégamachine (économie mondialisée capitaliste néolibérale transhumaniste insoutenable… mais capitaliste suffit à la qualifier) et de la Biosphère. Une contradiction interne/externe à l’accumulation du capital : son expansion finirait tôt ou tard par générer une catastrophe écologique (externe) si massive qu’elle retournerait l’opinion publique de sorte à saper les fondations de la reproduction sociale et politique du capitalisme (interne).
L’article de Reporterre mentionne au contraire la possibilité tragique d’une boucle de rétroaction positive (dérégulatrice) : plus les catastrophes écologiques s’aggravent et impactent la vie humaine, plus la tension psychique se projette contre un bouc émissaire qui lance l’alerte (les écologistes) et pour porter au pouvoir des forces écocidaires (anti-écologistes), qui veulent poursuivre la croissance capitaliste illimitiste (Musk et le transhumanisme).
Je relié également cela à l’hypothèse de Paul sur « le choc psychique que revêt chez l’humain la découverte de sa propre mortalité inéluctable ». J’ai l’impression que ce choc est démultiplié dans la crise écologique puisqu’il s’agit pour l’humain de se confronter à la finitude, la mortalité, de la civilisation, de l’espèce, de la Biosphère terrestre.
Et aussi l’IA. Nous serions enragés par la prise de conscience de plus en plus approfondie de notre extrême banalité (plus rien du « propre de l’homme), de notre finitude, de notre enfermement existentiel (enfermés dans notre cerveau, notre corps, la matière, la thermodynamique, la Biosphère, la planète…).
Pour les cultures anciennes, l’hubris était déjà là mais « sous contrôle » de la vie quotidienne et de la Culture. Or depuis 2 à 3 siècles, on a vendu aux individus humains une promesse d’évasion totale des contraintes (comme on avait vendu un rêve de grandeur impériale aux Allemands, aux Russes et aux Américains, à diverses époques). Comment des gens qui ont cru à cette illusion peuvent-ils réagir autrement que par la haine, la projection et la violence ? Le passage à l’acte semble inévitable chez beaucoup. Mais c’est l’Univers, et Gaïa (définition de Stengers), qui ont le dernier mot. Le Réel est ce qui résiste. Et cela semble insupportable aux individus que notre Civilisation a produits.
La contradiction ultime du capitalisme, si l’effet Pearl Harbor démocratique est en fait remplacé par un effet Reichstag écocidaire, sera donc portée par Gaïa. Une boucle de rétroaction négative ultime dans laquelle les catastrophes écologiques et sociales générées par le capitalisme finiront par détruire massivement le capital lui même (un cyclone détruit le port d’Anvers par exemple), entraînant une large désaccumulation, et la fin du profit net à l’échelle mondiale (sauf poches de profit isolées). L’humanité aura réintégré les limites planétaires (reparamétrées). Certains appellent ça « effondrement ».

Allégorie du billet par DALL·E

Partager :

12 réponses à “L’humanité réintégrera les limites planétaires (… reparamétrées), par Cédric Chevalier”

  1. Avatar de Thomas jeanson
    Thomas jeanson

    Dans le coin ( Landes ) nous avions monté une petite asso de défense de l’environnement, notamment pour s’opposer à la construction de piscicultures, mais pas que.

    Nous étions régulièrement apostrophés quand tel ou tel dégât était constaté sur l’environnement :

    Ben alors ?? Qu’est ce que vous foutez ? Vous servez à quoi ?

  2. Avatar de Pascal
    Pascal

    J’ai récupéré un vieux pétrin que conservait la mère d’une amie. Aujourd’hui, on lui a fait un petit toilettage ( il restait encore de la farine dedans !). Et sous le réservoir du pétrin, on a trouvé une pièce de 1 franc 1942 en alu, avec dessus la célèbre devise : travail famille patrie.
    Je la garde en prévision de 2027. Si besoin, je m’en ferais une médaille ! 😉

  3. Avatar de Garorock
    Garorock

     » Donald Trump a choisi Brooke Rollins, présidente de l’America First Policy Institute, pour être secrétaire à l’Agriculture.

    « En tant que prochain secrétaire à l’Agriculture , Brooke sera le fer de lance des efforts visant à protéger les agriculteurs américains, qui sont véritablement l’épine dorsale de notre pays », a déclaré le président élu des États-Unis dans un communiqué.

    La nomination de Rollins par Trump marque la fin de la sélection des membres du cabinet de son nouveau gouvernement.

    Si sa nomination est confirmée par le Sénat, Rollins dirigerait une agence de 100 000 personnes avec des bureaux dans chaque comté du pays, dont les attributions comprennent les programmes agricoles et nutritionnels, la foresterie, les prêts immobiliers et agricoles, la sécurité alimentaire, le développement rural, la recherche agricole, le commerce et bien plus encore. Son budget s’élèverait à 437,2 milliards de dollars en 2024.

    Le programme du candidat pourrait avoir des répercussions sur l’alimentation et le portefeuille des Américains, tant urbains que ruraux. Les fonctionnaires et le personnel du ministère de l’Agriculture négocient des accords commerciaux, formulent des recommandations alimentaires, inspectent la viande, luttent contre les incendies de forêt et soutiennent le haut débit rural, entre autres activités.

    « L’engagement de Brooke à soutenir l’agriculteur américain, à défendre l’autosuffisance alimentaire américaine et à restaurer les petites villes américaines dépendantes de l’agriculture est sans égal », a déclaré Trump dans le communiqué. »

    1. Avatar de Ruiz
      Ruiz

      @Garorock Beau programme quid en France ?

  4. Avatar de Garorock
    Garorock

    https://www.youtube.com/watch?v=y_skRKtXyqE
    ABATTRE LES ANIMAUX, MASSACRER LES HUMAINS – AVEC KAOUTAR HARCHI
    (Blast)

  5. Avatar de BasicRabbit en autopsy
    BasicRabbit en autopsy

    En 1973 René Thom a écrit pour l’EU un article intitulé « Sur le problème de l’innovation ».

    Le titre de sa conclusion est : « Il faut décourager l’innovation ».

    Pourquoi ?

    Parce que : « Sinon, si nous continuons à priser par-dessus tout l’efficacité technologique, les inévitables corrections à l’équilibre entre l’homme et la Terre ne pourront être -au sens strict et usuel du terme- que catastrophiques. »

    Voici la conclusion complète :

    Décourager l’innovation

    Les sociologues et les politologues modernes ont beaucoup insisté sur l’importance de l’innovation dans nos sociétés. On y voit l’indispensable moteur du progrès et -actuellement- le remède quasi-magique à la crise économique présente; les « élites novatrices » seraient le cœur même des nations, leur plus sûr garant d’efficacité dans le monde compétitif où nous vivons. Nous nous permettrons de soulever ici une question. Il est maintenant pratiquement admis que la croissance (de la population et de la production) ne peut être continuée car les ressources du globe terrestre approchent de la saturation. Une humanité consciente d’elle-même s’efforcerait d’atteindre au plus vite le régime stationnaire (croissance zéro) où la population maintenue constante en nombre trouverait, dans la production des biens issus des énergies renouvelables, exactement de quoi satisfaire ses besoins: l’humanité reviendrait ainsi, à l’échelle globale, au principe de maintes sociétés primitives qui ont pu -grâce, par exemple à un système matrimonial contraignant- vivre en équilibre avec les ressources écologiques de leur territoire (les sociétés froides de Lévi-Strauss). Or toute innovation, dans la mesure où elle a un impact social, est par essence déstabilisatrice; en pareil cas, progrès équivaut à déséquilibre. Dans une société en croissance, un tel déséquilibre peut facilement être compensé par une innovation meilleure qui supplante l’ancienne. On voit donc que notre société, si elle avait la lucidité qu’exige sa propre situation, devrait décourager l’innovation. Au lieu d’offrir aux innovateurs une « rente » que justifierait le progrès apporté par la découverte, notre économie devrait tendre à décourager l’innovation ou, en tout cas, ne la tolérer que si elle peut à long terme être sans impact sur la société (disons, par exemple, comme une création artistique qui n’apporterait qu’une satisfaction esthétique éphémère -à l’inverse des innovations technologiques, qui, elles, accroissent durablement l’emprise de l’homme sur l’environnement-). Peut-être une nouvelle forme de sensibilité apparaîtra-t-elle qui favorisera cette nouvelle direction? Sinon, si nous continuons à priser par-dessus tout l’efficacité technologique, les inévitables corrections à l’équilibre entre l’homme et la Terre ne pourront être -au sens strict et usuel du terme- que catastrophiques.

    1. Avatar de Ruiz
      Ruiz

      @BasicRabbit en autopsy C’est un important choix idéologique pour structurer la société, Ne pas considérer toute innovation comme a priori bonne.
      Il est cependant difficile de classer l’éclairage par Diodes ELectroluminescentes (LED) comme une innovation défavorable.

      1. Avatar de BasicRabbit en autopsy
        BasicRabbit en autopsy

        @Ruiz

        Quid de l’IA, selon vous ?

        1. Avatar de Thomas jeanson
          Thomas jeanson

          La réponse est moins évidente pour l’IA que pour les autres innovations.

          Quand les uns rêvent d’aller sur Mars, et les autres de devenir immortels, la fuite en avant est flagrante,

          Avec l’IA, l’opportunité précisément de sortir de cette course, de jouer la partie autrement que nous ne l’avons jouée jusque là ( et perdu ) se présente peut-être.

  6. Avatar de Pascal
    Pascal

    C’est le principe de la de responsabilité. L’individu de responsabilisé cherche toujours Le responsable de ses propres malheurs.
    La déresponsabilisation est un des grands slogans de la société de consommation : dites nous quel est votre problème et on vous trouve la solution (contre monnaie sonnante et trébuchante bien évidemment). Pas besoin de faire un dessin pour comprendre l’impact sociétal.
    Ce qui est d’ailleurs génial avec le néolibéralisme, c’est que le salarié est sommé d’être autoresponsable (doit s’auto-évaluer tout en définissant ses objectifs à tenir quand il est au travail. Inversement, lorsqu’il rentre chez lui, il est propagandisé pour ne plus être responsable de rien et consommer aveuglément. On consomme de tout : de la bouffe, des bien à obsolescence programmée, du divertissement pour ne pas réfléchir, de la politique spectacle où l’hémicycle s’apparente à un demi cirque… Sorti du boulot, enfin vous n’avez plus besoin de réfléchir à rien et avec Internet on se rapproche du Paradis consumériste où le cerveau clique avec frénésie quand vient le black friday et où l’on se gave de cocktails émotionnels sur Netflix ou la chaîne du sport. Surtout, bannir à jamais le silence où l’on s’ennuie et où la vie nous interroge.
    Non, non, non, il faut tweeter à tout va, pourrir son voisin sur WhatsApp, liker des conneries sur Tik tok ou Facebook, notre engagement social se limitant a des clicks qui permettent de mieux nous profiler et mieux nous asservir. La société se divise maintenant en seulement deux sous ensembles, les gentils qui pensent comme moi et tous les autres, les cons, ceux qui sont responsables de tout mes problèmes.
    A partir de là, la politique dévient très simple et se limite à désigner les boucs émissaires qui sont tout ceux qui ne votent pas pour moi, et tout ira mieux quand on les aura viré. Tout fonctionne à la manière d’une pyramide de Poney, quand on a réussi à éliminer un bouc émissaire, il suffit d’en désigner un nouveau, le communautarisme est idéal pour ça. La pyramide ne s’effondre que lorsque les gens emprisonnés deviennent plus nombreux que ceux qui sont dehors.

    Comment sortir de ça ? C’est bien là la question.
    Retrouver le silence et s’emmerder ? Trouver le temps de s’interroger sur le sens de tout ça. Mais peut-on imposer le silence aux autres, les obliger à s’interroger sur eux même quand ils en ont terriblement peur ? Et l’IA là dedans ???

    1. Avatar de Pascal
      Pascal

      Pyramide de Ponzi, bien sûr. Les canassons n’ont rien à voir dans cette affaire 😂

  7. Avatar de gaston
    gaston

    Vous nous dites qu’il n’y a eu, jusqu’à présent, que moment Pearl Harbor à rebours.

    Il me semble, à la lecture de l’article de Reporterre qu’il y a surtout, ici ou là sur la planète, des réactions qui s’apparentent plus au syndrome de Cassandre tel que le définissait Gaston Bachelard.

    Un moment Pearl Harbor serait un évènement qui ferait basculer l’opinion d’une grande majorité d’une population d’un pays, d’un continent voire de toute la planète. Rien de dit qu’il se produira un jour, mais je ne suis pas Cassandre.

    Le dernier roman de l’auteur de SF américain Kim Stanley Robinson, Le Ministère du Future débute par un moment Pearl Harbor puisqu’il s’agit d’une canicule en Inde qui fait 20 millions de morts, évènement qui fera changer totalement la vie de ce pays.

    Mais il ne s’agit que d’une fiction, et je ne spoilerai pas l’ouvrage en vous disant si ce changement gagnera le reste du monde. Il nous aide simplement à garder un peu d’espoir.

    En attendant de le lire en peut écouter l’auteur interviewer sur Blast :

    https://www.youtube.com/watch?v=HIDDkaqMfBg&t=1016s

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Contact

Contactez Paul Jorion

Commentaires récents

  1. Je connais le site mais je n’ai pas les compétences pour avoir un avis sur le contenu. Je suis toujours…

  2. @Pascal Il vaut mieux aller directement sur le site de l’intéressé: jp-nom de l’intéressé*.org Si vous ne savez pas vous…

Articles récents

Catégories

Archives

Tags

Allemagne Aristote BCE Bourse Brexit capitalisme ChatGPT Chine Confinement Coronavirus Covid-19 dette dette publique Donald Trump Emmanuel Macron Espagne Etats-Unis Europe extinction du genre humain FMI France Grands Modèles de Langage Grèce intelligence artificielle interdiction des paris sur les fluctuations de prix Italie Japon Joe Biden John Maynard Keynes Karl Marx pandémie Portugal psychanalyse robotisation Royaume-Uni Russie réchauffement climatique Réfugiés spéculation Thomas Piketty Ukraine ultralibéralisme Vladimir Poutine zone euro « Le dernier qui s'en va éteint la lumière »

Meta