Le 11 septembre de Paul Jorion, par Pierre Verhas, le 17 septembre 2015

Portrait de Keynes par Stable Diffusion

Le 11 septembre de Paul Jorion

Vient de paraître … pour une raison obscure à mes yeux, mais l’histoire est truffée de mystères 😉 et comme cela reste hélas bigrement d’actualité …

Le 11 septembre est décidément une date propice au totalitarisme ultralibéral. 1973, la dictature de Pinochet qui a fait du Chili le laboratoire de l’économie dite de l’offre, 2001, les attentats qui ont permis de déclencher un état de guerre permanent au Moyen Orient dans le plus grand intérêt du complexe militaro-industriel qui est un des principaux lobbies économique et financier dans le monde.

Sans doute, ce 11 septembre 2015 signifie pour l’anthropologue belge spécialiste de la finance et analyste indépendant, la fin de sa carrière académique. Paul Jorion est démuni de sa charge professorale à la VUB (l’Université Libre de Bruxelles du rôle linguistique flamand Vrije Universiteit Brussel) parce que son influence de plus en plus grande dans les médias, au niveau du public et même des milieux académiques, commençait à gêner les tenants de la pensée unique derrière lesquels se cachent les grands lobbies financiers.

En effet, selon l’hebdo financier Trends Tendance : « Paul Jorion a reçu son préavis voici quelques jours. « Trois reproches me sont faits, explique-t-il. Le premier est que je ne parle pas l’anglais correctement. J’ai vécu 23 ans en Angleterre [et aux États-Unis] et enseigné à l’université de Cambridge. On ne m’a jamais dit que mon anglais n’était pas correct. Le deuxième est que les étudiants qui travaillent sont laissés à l’abandon. Ils ont pourtant accès aux vidéos et aux résumés de mes cours. Le troisième, ce sont les plaintes incessantes des étudiants. Pourtant, sur trois années, je n’ai pas eu connaissance d’une plainte d’un étudiant. »

A moins qu’il ne s’agisse de plaintes « suggérées », procédé typique de la police de la pensée…

Pour Paul Jorion ces motifs sont « fantaisistes » et la véritable cause est à chercher ailleurs. « On ne vous dit pas: on n’aime pas la manière dont vous parlez d’économie ». Mais pour l’anthropologue et ancien trader belge, c’est bien de cela qu’il s’agit. »

Paul Jorion était titulaire de la chaire « Stewardship of Finance » à la VUB. Il fait partie du Haut comité pour l’avenir du secteur financier belge ainsi que du Groupe de réflexion sur l’économie positive dirigé par le Français Jacques Attali, selon son curriculum sur son site. Il a enseigné aux universités de Cambridge, Paris VIII et à l’Université de Californie à Irvine. Il a également été fonctionnaire des Nations-Unies (FAO), participant à des projets de développement en Afrique. Paul Jorion a travaillé de 1998 à 2007 dans le milieu bancaire américain en tant que spécialiste de la formation des prix. Il avait préalablement été trader sur le marché des futures dans une banque française et est l’auteur de nombreux ouvrages. Il est en outre chroniqueur au « Monde » et à « l’Echo ».

Retranscription de la vidéo : Appel à une réflexion sur l’économie qui ne soit pas de pure propagande.

Il s’explique dans cette vidéo. Et les conséquences sont sérieuses pour lui : non seulement il est écarté sur le plan professionnel, mais ses moyens étant réduits, il ne pourra plus s’exprimer comme avant.

Cela dure onze minutes, mais cela vaut la peine d’écouter jusqu’au bout.

Paul Jorion n’enseignait l’économie non dans une faculté de science économique, mais à la faculté de droit de la VUB. Pour expliquer son licenciement, il se réfère à un article de Laura Raim dans le Monde diplomatique du mois de juillet 2015, intitulé : « Police de la pensée économique à l’Université ». Il n’hésite pas à dire que ce n’est plus de la science que l’on enseigne en la matière, mais on diffuse de la propagande sous le couvert de formules mathématiques dont on assomme les étudiants afin qu’ils ne puissent exercer leur esprit critique.

Pour Jorion, la véritable science économique est l’économie politique liée à l’histoire de l’économie et non cette économie mathématique réductrice et basée sur les dogmes du néolibéralisme, comme, par exemple, le « pouvoir autorégulateur » du marché mieux connu sous le nom de « main invisible » d’Adam Smith, ou encore la « rationalité » de l’individu face au marché, rejetant ainsi toute structure sociale.

Laura Raim qui parle surtout de la situation française, mais qui est similaire à celle d’autres pays européens dont la Belgique, dont, comme on vient de le voir, la Belgique, explique :

« Les représentations et préconisations des économistes exercent une forte influence sur les politiques publiques. Or, depuis une vingtaine d’années, les chercheurs hétérodoxes, c’est-à-dire tous ceux qui ne souscrivent pas à l’école néoclassique, soit à peu près un tiers des économistes français, sont exclus des positions-clés de la profession. S’ils parviennent encore à se faire recruter comme maîtres de conférences, le courant majoritaire leur verrouille l’accès au grade supérieur de professeur des universités. (…)

Comment en est-on arrivé là ? L’école néoclassique monte en puissance depuis l’avènement de l’économie moderne, à la fin du XIXe siècle, puis reflue dans les années 1930. L’approche de John Maynard Keynes, qui tire les leçons de la Grande Dépression en conférant à l’Etat un rôle central, s’impose alors comme nouvelle orthodoxie économique des politiques publiques. Lorsque le keynésianisme atteint à son tour ses limites face au contexte de stagflation (faible croissance et forte inflation), à la fin des années 1960, la théorie néoclassique revient en force avec les monétaristes et le courant des anticipations rationnelles.

Les hétérodoxes actuels émergent au même moment, en opposition à cette résurrection du paradigme néoclassique. Marxistes, postkeynésiens, régulationnistes et conventionnalistes ont en commun d’inscrire leur discipline dans le champ des sciences sociales et de porter une attention particulière aux aspects historiques, juridiques et politiques du fonctionnement de l’économie. Cherchant à décrire la société telle qu’elle existe vraiment, ils s’opposent à une représentation mécaniste et individualiste dans laquelle des agents mus par une rationalité instrumentale interagissent dans des multitudes de marchés.

Intégrant au fur et à mesure les critiques hétérodoxes, la théorie néoclassique se polit, admettant que l’information peut être asymétrique et la concurrence imparfaite… Reste que « les néoclassiques ne se sont pas imposés par la force ou la justesse de leurs idées, mais par des stratégies de colonisation institutionnelle », insiste Sophie Jallais, maîtresse de conférence à Paris-I. Dans la plupart des disciplines, pour être recrutés comme maîtres de conférences ou comme professeurs, les candidats doivent être « qualifiés » par le CNU, avant d’être sélectionnés par les « commissions de spécialistes » de chaque université. Mais, jusqu’à l’année dernière, la section d’économie dérogeait à ce principe pour le recrutement des professeurs, qui passait principalement par le concours d’agrégation du supérieur. (…)

La situation française reflète ce qui se passe ailleurs. Les universités anglo-saxonnes ne recrutent plus que des professeurs néoclassiques, susceptibles de publier dans les revues bien cotées. Au Royaume-Uni, par exemple, l’ancien bastion keynésien de Cambridge s’est progressivement vidé de tous ses professeurs hétérodoxes. « Le grand épistémologue et historien de la pensée économique Tony Lawson n’a plus le droit de donner des cours d’économie ; il est obligé de donner des cours d’économétrie et de mathématiques », raconte Dany Lang, maître de conférences à Paris-XIII. Après la crise, à l’université de Kingston, quelques postkeynésiens ont essayé de développer un master critique. Ils ont notamment recruté Steve Keen, qui s’était fait renvoyer de sa faculté en Australie alors qu’il était l’un des seuls à avoir anticipé la crise des subprime. Aux Etats-Unis, mis à part à la New School de New York, « l’hétérodoxie a été décimée partout. Il ne reste plus que des postkeynésiens isolés, éparpillés et trouvant souvent refuge dans les facultés de sciences sociales, les business schools ou dans les premiers cycles des petites universités publiques », constate l’économiste américain James Galbraith. (…)

Le retour en vogue de Keynes et de Karl Marx que l’on observe dans la presse et dans l’édition n’atteint pourtant pas le monde de la recherche, imperméable à toute remise en cause. Dans sa missive, Tirole s’enorgueillit des « centres d’excellence en économie qui ont émergé en France ces trois dernières décennies » et qui « forment aujourd’hui des économistes que les régulateurs, organismes internationaux et entreprises s’arrachent ». Le fait que ces « centres d’excellence » n’aient pas produit des économistes critiques, susceptibles d’alerter sur les dangers de la financiarisation, ne l’effleure manifestement pas. Droit dans ses bottes, il continue de mépriser souverainement les courants minoritaires, parlant d’eux comme d’un « ensemble hétéroclite en difficulté avec les normes d’évaluation internationalement reconnues », et les rappelle à l’ordre : « Chercher à se soustraire à ce jugement [des pairs] promeut le relativisme des connaissances, antichambre de l’obscurantisme. »

Donc nous nous trouvons en matière d’enseignement de l’économie devant

1) Un refus d’inscrire l’enseignement de l’économie dans le contexte des sciences sociales et de porter attention aux aspects historiques, juridiques et politiques du fonctionnement de l’économie.

Celle-ci devient une sorte de religion absolue se trouvant au-dessus des hommes et refusant la moindre objection, le moindre regard critique.

2) On assiste à une colonisation institutionnelle de l’université qui impose l’économie orthodoxe et rejette toute critique keynésienne et bien entendu, marxiste. Elle empêche ainsi aux économistes hétérodoxes de s’exprimer et encore plus d’enseigner.

C’est la police de la pensée au service du Big Brother ultralibéral qu’on a affublé du visage cireux d’Adam Smith.

Et il est de notre devoir de permettre à Paul Jorion de pouvoir continuer à diffuser ses idées et sa pensée comme avant.

Oui, nous sommes vraiment le 11 septembre.

Portrait de Keynes par Stable Diffusion

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25 réponses à “Le 11 septembre de Paul Jorion, par Pierre Verhas, le 17 septembre 2015”

  1. Avatar de arkao

    C’est marrant, moi ça me fait penser à la police de la pensée climatique. Même processus 😉

  2. Avatar de otromeros
    otromeros

    2015 …….. 2024 ……un siècle.

    Merci à Pierre VERHAS – abonné Médiapart – d’avoir, par cet écrit 150% resté d’actualité , permis la synthèse du jour..!

    Pierre VERHAS , sauf erreur… https://uranopole.over-blog.com/
    Pierre VERHAS , déjà « sur la balle » … https://blogs.mediapart.fr/pierre-verhas/blog/040418/tous-antisemites

     » Même pas peur !  » ….Un beau duo…^!^…

  3. Avatar de Khanard
    Khanard

    deux choses à dire :

    Pierre Verhas comme on le voit sur le site de MDP n’a plus écrit de billet depuis avril 2018 (voir le lien fourni par @otromeros)

    et ce que je ne comprends pas c’est où a été publié cet article récemment ?

    bonne soirée à toutes et tous

  4. Avatar de Mango
    Mango

    Je n’avais pas réalisé ce qui s’était passé.
    Je trouve ironique que Vrije Universiteit Brussel porte un beau nom mais ne soit pas vraiment une université libre.
    Puisque les tentatives de PJ d’enseigner aux étudiants des idées économiques différentes sont mises à mal, je pense qu’il est temps de repenser ce qu’est réellement la liberté.
    Il semble y avoir beaucoup de jalousie et de préjugés entre les professeurs et les étudiants au nom de la liberté.
    J’ai encore plus honte du nom « liberté » de cette école !

    1. Avatar de Tom
      Tom

      VUB n’est pas ULB .. petite erreur ds l article.
      Cette dernière était à sa fondation un bastion franc-maçon. Pas sûr que ça veuille encore dire qqch aujourdhui.

      1. Avatar de Mango
  5. Avatar de Garorock
    Garorock

    https://youtu.be/qDJh9YyM3nc?si=AUcRoyHSMSSF5vvk
    “LE CAPITALISME EST DÉJÀ MORT”
    (Blast)

  6. Avatar de otromeros
    otromeros

    URGENT et en plein sujet…….

    =====================================
    Finance Analyse
    Avec le dossier Commerzbank, Berlin enterre le rapport Draghi

     » En mettant son veto à un rapprochement transfrontalier entre la Commerzbank et le groupe italien UniCredit, le chancelier allemand Olaf Scholz tue dans l’œuf le projet d’union bancaire et de capitaux, censée être la pierre angulaire de la relance européenne.  »

    (( Martine Orange – Médiapart – 24 septembre 2024 à 18h40 ))

     » Une semaine après le rapport Draghi, censé être la feuille de route pour relancer l’Union européenne (UE), le gouvernement allemand semble lui avoir porté un coup fatal.
    Dès sa publication, le ministre allemand des finances, David Lindner, avait déjà manifesté son opposition à la proposition d’un endettement commun pour soutenir les investissements européens.
    Cette fois, c’est le chancelier allemand lui-même qui vient torpiller la pierre angulaire du projet de l’ancien président de la Banque centrale européenne (BCE) : la création d’un marché unique européen des capitaux.
    Olaf Scholz a mis son veto, le 23 septembre, au projet de prise de contrôle de la Commerzbank par sa rivale italienne UniCredit.

    Pour tous les observateurs, la réaction du chancelier allemand est d’abord « politique ».
    Critiqué par ses oppositions, quasiment dos au mur, Olaf Scholz ne pouvait faire autrement que de faire preuve de la plus grande fermeté face au président du groupe italien qui venait de le défier ouvertement.
    Quelques heures auparavant, Andrea Orcel avait annoncé qu’en dépit du refus de Berlin, il venait de se renforcer dans le capital de la deuxième banque allemande….UniCredit, avait-il expliqué, est en position de devenir le premier actionnaire de la Commerzbank, en pouvant monter jusqu’à 21 % du capital de sa rivale, grâce à des transactions sur des dérivés.

    La réaction de la chancellerie allemande a été immédiate.
    Depuis New York, Olaf Scholz a dénoncé les agissements du groupe bancaire italien, les qualifiant « d’attaques inamicales », et condamné sa façon « agressive » de s’inviter dans le capital d’un concurrent « sans aucune coopération, sans aucune consultation, sans aucune information ».

    Des positions de plus en plus nationalistes

    Cela fait quatorze jours qu’un bras de fer s’est instauré entre la direction d’UniCredit et le gouvernement allemand. Profitant de la mise en vente par l’État fédéral d’une partie de sa participation dans la Commerzbank – partiellement nationalisée après la crise de 2008 –, Andrea Orcel avait ramassé discrètement plus de 9 % du capital de la banque allemande sur le marché, avant de présenter son grand projet le 12 septembre.
    En rapprochant sa filiale allemande, HypoVereinsbank, reprise en 2005, de la Commerzbank, UniCredit pourrait créer la plus puissante banque d’Allemagne, voire d’Europe, expliquait-il alors.

    Tout le monde a été pris par surprise.
    Car s’aventurer dans le monde bancaire allemand est un terrain risqué.
    Interrogée le jour même lors de sa conférence de presse, la présidente de la BCE, Christine Lagarde, se félicitait de cette opération qui allait « dans le sens des recommandations de Mario Draghi » et qui allait favoriser « l’émergence d’une union européenne bancaire et des capitaux ».
    Le gouvernement allemand, qui n’avait rien vu venir, était beaucoup plus réticent, faisant part de sa désapprobation vis-à-vis d’une opération sur la deuxième banque du pays, sans qu’il ait été prévenu.

    Depuis, le ton ne cesse de monter.
    Rappelant son opposition à toute forme de contrôle, le gouvernement allemand a décidé de suspendre la vente prévue du reste de sa participation dans Commerzbank, afin de prévenir tout renforcement d’UniCredit….Mais ce blocage n’a pas suffi à calmer les esprits.

    Depuis, les réactions hostiles à la tentative de prise de contrôle du groupe italien se multiplient.
    Les syndicats s’alarment par avance du coût social que pourrait avoir une telle opération.
    Les partis politiques s’interrogent sur le coût pour les finances publiques.
    Bref, le projet avancé par UniCredit se heurte à une hostilité qui n’est pas sans rappeler les réactions du monde des affaires et de l’opinion publique allemande après le démantèlement de Mannesmann, le rachat du groupe pharmaceutique Hoescht par Rhône-Poulenc pour créer Aventis (racheté plus tard par Sanofi) à la fin des années 1990.

    Mais le contexte politique allemand, avec la montée de l’AfD (Alternative für Deutschland, extrême droite) d’un côté, la panne du modèle industriel et économique allemand de l’autre, crispe encore plus les positions, qui prennent un tour de plus en plus nationaliste.

    Toutes les oppositions reprochent au gouvernement la faiblesse de sa réaction.
    Friedrich Merz, qui vient de se déclarer candidat de la CDU-CSU (droite allemande) pour la chancellerie en 2025, dénonce « l’amateurisme du gouvernement de coalition », forçant ledit gouvernement à donner de la voix.

    « Manifestement, Berlin ne veut pas voir une grande banque allemande aux mains des Italiens, relève Lucas Guttenberg, associé à la fondation Bertelsmann à Berlin sur X.
    Nous pouvons donc nous épargner les réflexions sur l’achèvement de l’union bancaire. Si de telles solutions de marché sont inacceptables, alors l’ensemble de la construction va dans le mur. »

    Le problématique système bancaire allemand

    Ce n’est pas la première fois que des gouvernements allemands font capoter des projets européens….Et comme souvent dans le passé, leur opposition se concentre sur la question bancaire.
    Depuis la crise de 2008, Berlin a fait en sorte de faire échouer tous les projets de mutualisation ou de renforcement collectif du système européen, se contentant de mesures d’affichage pour donner le change.

    Ainsi la fameuse union bancaire, tant vantée par les responsables européens en 2013 , n’a jamais vu le jour : l’Allemagne a imposé que les garanties bancaires soient cantonnées par pays de la zone euro.
    Le motif de cette opposition a été à chaque fois le même : le « vertueux » contribuable allemand n’avait pas à payer pour les débauches et les dérives des autres pays européens.

    Pourtant, s’il est un secteur où l’Allemagne n’a guère pratiqué la vertu, c’est bien celui de la banque.
    Les principales banques sont considérées comme les éléments fragiles du système européen…. À commencer par la Commerzbank.

    Depuis plusieurs décennies, la deuxième banque du pays est devenue un objet récurrent de projets de fusion, de rapprochement, et d’opérations en tout genre, tant sa situation paraît instable .
    Associée à un moment au Crédit lyonnais au début des années 1990, elle reprend par la suite son envol pour devenir le spécialiste européen des financements immobiliers et des projets publics.
    Après le rachat de la Dresdner Bank, la banque se retrouve en 2008 au bord de l’effondrement, obligeant l’État fédéral et Allianz, principale institution d’assurance d’Allemagne, à voler à son secours.

    Depuis, Commerzbank, qui a mis des années à assainir son bilan, peine à retrouver une dynamique.
    Mille schémas ont été imaginés par les banquiers d’affaires pour son avenir, sans qu’aucun voie le jour.
    En 2019, Olaf Scholz, alors ministre des finances d’Angela Merkel, pense avoir trouvé la solution : il propose et soutient un rapprochement entre la Deutsche Bank et la Commerzbank….Avec ce projet, le ministre pense résoudre deux problèmes en même temps : celui de la Deutsche Bank, grand corps malade de la finance mondiale, qui accumule scandales et déboires depuis des années, et celui de Commerzbank, qui peine à se trouver un avenir.

    Le projet de ce nouveau monstre bancaire ne verra jamais le jour, tué à la fois par les syndicats, la classe politique et les régulateurs.

    Reprenant le dossier, le très libéral ministre des finances David Lindner n’a vu qu’une solution : s’en remettre au marché en vendant – à perte – la participation détenue par l’État dans la Commerzbank .
    Jusqu’à ce que le président d’UniCrédit vienne bousculer ses projets.
    Pris dans ses contradictions, David Lindner aujourd’hui se défend : il est toujours favorable à la privatisation de la Commerzbank mais les méthodes d’UniCredit ont « déstabilisé les actionnaires en Allemagne ».

    Dans l’impasse

    Après le veto du chancelier allemand, le projet de rachat de Commerzbank par UniCredit paraît mort-né.
    Comment pouvait-il en aller autrement ?
    Les, observateurs se perdent en conjectures pour comprendre les raisons qui ont poussé le président du groupe italien à se lancer dans un tel projet sans en parler aux autorités allemandes, et même en osant les défier ouvertement. D’autant que le moment lui est des plus défavorables : déstabilisée par les défaillances de son modèle économique, l’Allemagne est plus crispée et rétive que jamais à tout changement.

    Ancien banquier d’affaires chez Merrill Lynch et UBS – il a conseillé notamment de nombreuses fusions bancaires, dont le catastrophique rachat d’ABN Amro par Royal Bank of Scotland –, Andrea Orcel croit aux seules forces du marché.
    La fusion entre UniCredit et Commerzbank permettrait, selon lui, de réaliser d’énormes synergies – comprendre des économies par des suppressions d’emplois –, et donc d’améliorer la rentabilité de la banque. Pour le plus grand profit des actionnaires lésés depuis des années, à l’entendre.

    Mais il n’y a pas que les forces de marché qui se trouvent en jeu dans une telle opération.
    C’est tout le système bancaire, le financement de l’économie allemande et d’une certaine façon son organisation sociale et politique, issue de son histoire, qui risquaient de s’en trouver bouleversés.

    « En Allemagne, il y a 1 400 banques, alors qu’il n’y a que cinq banques qui comptent en France », pointe Thierry Philipponnat, responsable de Finance Watch, rappelant ainsi que la consolidation bancaire intervenue dans la plupart des pays européens n’a pas eu lieu en Allemagne.

    De multiples structures coopératives s’ajoutent aux banques régionales publiques dépendant des Länder et aux caisses d’épargne locales.
    Ces établissements, explique Eric Dor, directeur à l’IESEG School, « soutiennent l’économie régionale, les PME et les petites structures industrielles et de service plutôt que de maximiser leurs profits.

    Ce qui impose aux autres acteurs de s’aligner, d’où leur moindre rentabilité ».
    Alors que les Länder s’opposent de plus en plus au pouvoir fédéral, que de multiples entreprises sont en difficulté, les pouvoirs politiques régionaux, soutenus par les salariés et leur opinion publique, n’ont aucune envie de mettre en danger un système qui, jusqu’ici, a montré son efficacité.

    D’autant que les promoteurs d’une grande union bancaire et des fusions bancaires transfrontalières n’ont pas fait la démonstration du bien-fondé de leur projet, relève Thierry Philipponnat.
    « Rien ne vient démontrer que les clients sont mieux servis, que le financement de l’économie est mieux assuré par des géants bancaires, toujours plus gros, toujours plus risqués. Car on n’a toujours pas résolu le problème du “too big to fail”. »
    L’Allemagne, pas plus que les autres, n’a guère contribué à élaborer une solution pour ne plus mettre en danger les États face à leurs banques.

    C’est peut-être un des reproches qui pourrait être fait aux gouvernements successifs allemands.
    Depuis des années, ils sont une force de résistance à tout changement – parfois à juste titre –, demandent de prendre en compte leurs réalités économiques, culturelles, etc. – ce qu’ils refusent à tous les autres –, mais ils ne sont jamais une force de proposition.
    Laissant tout le monde dans l’impasse.
     »

    MerciMartine Orange …!

    ============================================

    Toujours d’actualité le ‘dérangeant’ Paul JORION…^!^…

  7. Avatar de Hadrien
    Hadrien

    L’économie n’est pas une science mais une idéologie. C’est le cas de l’économie classique , mais aussi, je le crains, de l’économie « hétérodoxe ». Le principal problème: considérer la planète comme infinie, donc gratuite.
    Il faudrait tout reprendre en tenant compte de la finitude des ressources naturelles (donc leur attribuer un coût) et des dégâts des pollutions (donc leur attribuer aussi un coût).
    Autre ânerie qu’on entend bcp: nous vivrions en « ultralibéralime ». Or plus de la moitié du PIB passe par l’état !

    1. Avatar de Ruiz
      Ruiz

      @Hadrien Ultralibéralisme, caractérisé par le fait que l’activité économique et les décisions correspondantes lui échappe, même si apparemment la moitié du PIB essentiellement par des transferts passe par lui.
      La disparition de toute activité productive directe de l’État, glissement des statuts de fonctionnaire à micro-entrepreneur, perte de pouvoir économique de l’État par les flux transfrontières non taxables. Endettement obligatoirement auprès du secteur bancaire …
      Existence d’entités économiques privées puissantes qui challengent son pouvoir.

      maintenant les secteurs de l’enseignement et de la santé sont encore en grande partie aux mains de l’état.

      Il s’agit plus d’une perte de gouvernance et d’une imbibation idéologique progressive du raisonnement des élites …

      La limitation des ressources est un problème nouveau pour l’économie, qui se résolvait aisément par la guerre ou la colonisation.

      Une véritable science économique (non totalitaire) pourrait renaitre sur le plan académique en partant de l’histoire de l’économie (et donc de ses variantes ..)

      1. Avatar de otromeros
        otromeros

        @Ruiz 11h33

        Commentaire à breveter…^!^…

      2. Avatar de Hadrien
        Hadrien

        @ Ruiz:
        Ma définition d’un état ultra libéral : il se limite au régalien (armée, police, justice) et prélève donc peu d’impôt, et donc distribue peu de rémunérations. Votre définition diffère : il ne commande pas l’économie et ne produit pas lui-même, par entreprises fonctionnarisées, mais prélève et distribue beaucoup.
        Selon wikipedia, il s’agit essentiellement d’un slogan de gauche en France.
        https://fr.wikipedia.org/wiki/Ultralib%C3%A9ralisme

        Au fond, ça ne veut rien dire. C’est bien une ânerie. Je le supprime de mon vocabulaire.

        1. Avatar de Ruiz
          Ruiz

          @Hadrien Les définitions données dans cet article de Wikipedia en français sont très éclectiques et peuvent laisser un goût de gloubi-boulga. Il semble cependant écrit dans un esprit peu critique de l’ultra libéralisme sans s’en revendiquer.
          En fait la caractéristique principale serait la faible implication de l’état (et des décisions politiques/démocratiques) dans l’économie et la grande liberté d’action laissée aux acteurs (autres), ce qui correspond aux 2 tentatives de définitions.
          La forte part du PIB passant en transfert ne serait qu’une curiosité sans lien, de notre société actuelle, mais destinée à en rendre les inégalités générées supportables dans une société égalitariste comme la nôtre.

          1. Avatar de Hadrien
            Hadrien

            @ Ruiz:
            J’ai l’impression que nous ne sommes pas en désaccord.
            J’ajoute que malgré l’énormité de la part étatique, son rôle essentiel, le régalien, reste mal assuré ! D’autre part, les nations européennes sont trop petites pour jouer un rôle actif utile en économie, il faudrait le faire au niveau européen (cfr rapport Dragghi), ce que la résurgence du nationalisme (arme absolue du capitalisme sans frontière) interdit.

  8. Avatar de Tom
    Tom

    Stewardship of finance a été recyclé en « stewardship of data » (google it! Avec led guillemets évidemment)

    Fair and sustainable a été décliné des vaches aux professeurs en passant par les bibliothèques et les centres de recherche afin de rendre public des données qui…pourront ensuite être privatisées là où les lois le permettent.

    Cf procès en cours aux Pays-Bas sur l absorbtion des archives de grands journeaux…sans payer….par les concepteurs de bots…

    Et en plus il y a les applications dites « cognitives ». Ils veulent nous faire regretter le permis à points des citoyens chinois?

  9. Avatar de RIP Democracy
    RIP Democracy

    Ils ont accepté d’enterrer Karlsruhe pr Nordstream et l’Ukraine mais sur les banques ça coince.
    On a pourtant si facilement détruit le pouvoir industriel et politique de la Flandre (de Lille à Anvers) alors la Rhénanie….. facilement soluble dans l’argent ultra-propre de l’Italie post-covid.

    1. Avatar de otromeros
      otromeros

      @RIP Democracy écrit :

      …  » On a pourtant si facilement détruit le pouvoir industriel et politique de la Flandre (de Lille à Anvers) « …

      https://www.youtube.com/watch?v=oGO8miFWUWU …?????????

  10. Avatar de RIP Democracy
    RIP Democracy

    J’adore prendre des trains belges. SurrÉalIsme et absurde sont des caractéristiques bien connues de leur type d’ humour.
    On commence à Lille-Flandres (à ne pas confondre avec Lille-Europe, espèces d’impérialistes, on vous voit venir…). C’est un train Lille-Anvers, pas très connu on s’en doute, car il permet d’éviter le péage genre coup de massue de l’Eurostar (ex-Thalys… comment? Vous n’avez pas suivi le rachat?).
    A Lille-Flandres le train est indiqué comme ayant pour direction « Courtrai » et c’est tout. Au moins c’est du français. Et si vous allez voir des potes flamands a Kortrijk, eh bien vous n’avez qu’à connaître un peu votre histoire linguistique. En fait à Courtrai en Belgique le train change de numéro (ou pas) et on vous confirme qu il va a anvers.
    Arrivés à Mouscron, la 1e gare belge, c’est rigolo car le train se met à faire les annonces seulement en flamand (idem sur les indications de l indicateur lcd au dessus des portes des salles). Idem ppur les gares où on s’arrête, dont le nom sur les quais n’eSt donné qu’en flamand.
    Après Anvers, selon que le train est belge ou hollandais, les annonces se feront en flamand ou en néerlandais (c’ est la même langue mais en même temps que la réussite économique les hollandais ont décidé d’être plus dominateurs et de changer de tribu).
    Allez Michel, good luck! Te fais pas avoir!! Un anneau microsoft pour les lier tous c’est pas une bonne idée! Déjà y a pas les accents pr les pseudos et url donc c’est fait pour imposer l’anglais gros comme le nez sur la figure!

    1. Avatar de otromeros
      otromeros

      @RIP Democracy 15h09

      🙌🙌🙌🙌

      Français « du Nord ( « Chti » …quoi) …Sortez du parking de l’aéroport de BRUSSEL/BUXELLES (ex?national)…

      Vous allez à  » RIJSEL …trop tard… faudra suivre l’autre sortie… Help..!!

    2. Avatar de Michaël R
      Michaël R

      Il faut essayer la ligne Liège-Bruxelles qui traverse de multiples fois la frontière linguistique….
      Quand vous entendez pour la première fois « we komen aan Brogworm »…vous êtes surpris que l’arrêt est la ville bien francophone de Waremme….
      Comme les annonces à bord doivent se faire dans la langue du lieu où se trouve le train, on vous annonce la prochaine gare en néerlandais, alors qu’elle est bien en Wallonie…
      Alors que ce serait si simple de faire d’office les annonces dans les deux langues, voire trois, (on oublie trop notre troisième langue nationale, l’allemand) voire même quatre avec l’anglais pour les touristes….ça se fait très bien dans les pays plus civilisés….

      1. Avatar de otromeros
        otromeros

        Ah, la Belgique…. »L’union fait la force…  »

        Suivez ce blog…un gouvernement Katolico-flamingo-fascisant est en cours de construction …
        Déjà les accords du « nouveau » bloc de votants au Parlement, conforme à la « nouvelle alliance », retoquent des projets de lois de l’ « ancienne » majorité ff : (en particulier concernées, les femmes… et l’ I.V.G. …)

        https://www.rtbf.be/article/loi-sur-l-avortement-l-arizona-s-apprete-a-rejeter-les-propositions-de-loi-sur-l-avortement-s-il-y-a-vote-11439050 + https://www.rtbf.be/article/ivg-stupeur-et-renoncement-11439434

        Je vous tiens personnellement informé de source « autorisée » (en langage décodé…cerise sur le gâteau…^!^…)

        1. Avatar de otromeros
          otromeros

          BELGIQUE

          L’attaque frontale contre la liberté d’information du service public (RTBF)

          Le climat « anti’presse libre » ((francophonne…les flamands restant « prudemment » à l’écart, prêts à faire preuve de ‘souplesse’…comme toujours…)) commence à puer en Belgique…
          En rapport avec la future ‘restriction de pensée (différente)’ générée par le lancement proche…
          (au lendemain des élections locales du 13/10… »prudents » les ‘mecs’..! )
          ….du nouveau gouvernement « KaTo-flamingo-libéral-fascisant’ « contre-nature’ (qui sera présidé par Bart DE WEVER , leader du groupe extrémiste flamingant N.V.A.dont la vie est conditionne par le désir de séparer l’ État (belge) en plusieurs entités « autonomes » linguistiquement appartheidées)…
          …sans oublier la « maestrichtisation » ( 3% ; <60% ; … ) de la politique socio-économique mâtinée d’un brin d’austérité…

          COMME  » PARTOUT » , donc …^!^…

          https://www.rtbf.be/article/qui-veut-baillonner-la-rtbf-11439979
          https://www.lesoir.be/625264/article/2024-09-26/un-huissier-tente-de-bloquer-une-enquete-de-la-rtbf

          G.T.Z.O. …🤔🤔🤔😥😥😥😇😇😇😇😇😇🤣😊

  11. Avatar de Khanard
    Khanard

    nous sommes le 25/09/2024 à 17h58

    et je n’ai pas encore de réponse à ma question d’hier à 21h25 or comme je connaissais ce billet de longue date je ne comprends toujours pas pourquoi il refait surface !

    Ca doit être le vent chaud du sud qui me rend bougon 😉 et surtout d’où il vient .

    1. Avatar de Ruiz
      Ruiz

      @Khanard Décidément il manque une IA sur ce Blog pour répondre aux commentaires ..

  12. Avatar de RIP Democracy
    RIP Democracy

    Pendant ce temps-là à Bruxelles

    https://www.politico.eu/article/ursula-von-der-leyen-farming-agriculture-italy/

    VdL a payé 150.000 euros un rapport sur l’agriculture commandé à un prof d’histoire. On comprend mieux l’intérêt pour l’automatisation mais alors comment faire pour garder des « agents d’influence ».

    Depuis que la commission a pris tout contrôle sur les financements de recherche (civis3i…erc…) par la suppression puremm et simple de la European Research Agency l’opacité règne.

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