Illustration par DALL·E à partir du texte
Le faible est reconnaissable à sa psychologie « définitiviste » ! N’étant point de ces lianes qui survivent à l’adversité du sous-bois, il a une peur bleue de la confrontation. Toute atmosphère d’antagonisme le fait dépérir de désespoir. Quand il commet le mal au dernier degré, c’est moins contre un grief inextinguible que par crainte de devoir rendre compte des excès de la vengeance à laquelle il s’est livré précédemment.
C’est donc logiquement que le faible s’applique à faire en sorte que sa victoire la plus infime – que son moindre petit avantage passager – devienne définitif. Le faible ne se contente pas de montrer les dents ni même, au besoin, de feuler pour tenir à distance. Il attaque systématiquement, opiniâtrement, besogneusement dans le but d’annihiler ! Les velléités d’élimination complète et définitive du voisin, celles d’hier et d’aujourd’hui n’ont pu germer que dans l’esprit de faibles qui ont momentanément pris le dessus. Le désir vain et inquiétant de la félicité éternelle pour soi, chevillé à l’espérance d’une damnation encore plus éternelle pour l’autre est sans aucun doute le signe d’un dépérissement ultime dans la faiblesse !
Le capitalisme charrie en son sein l’histoire de faiblards ponctuellement nantis qui voudraient que cet avantage demeurât pour toujours. Mais ses promoteurs comprennent bien que leur système est faible. C’est pour cette raison qu’ils s’ingénient à installer les conditions de non-retour sur les tricheries qu’ils imposent au plus grand nombre. Emmanuel Macron refuse de prendre acte de la victoire (relative mais victoire quand-même) du Nouveau Front Populaire. Il a la trouille d’un gouvernement qui pourrait revenir sur les verrouillages qu‘il pensait être parvenu à installer à coup de 49-3 ! Ses intrigues qui nous sont narrées comme une marque d’adresse – comme une force – sont précisément le signe d’une grande fébrilité qui n’en finit plus de s’étaler.
Devenu plus habile parce qu’il a pleinement conscience de son état, le faible sait se draper de vertu ; il pratique le narratif de haut vol. Ainsi, la possédance ne travaille pas à sa consolidation et à sa perpétuation ; elle se soucie de sauver le pays. Mais de qui faut-il donc sauver la France ? De même, ce n’est pas parce qu’il redoute la défaisance de ses réformes qu’Emmanuel Macron pose son séant de poltron sur l’épaisse liasse de bulletins des électeurs du Nouveau Front Populaire (NFP). C’est parce qu’il a anticipé – quelle intelligence sublime – l’incapacité du NFP à constituer une majorité stable. Ou encore, c’est en raison de l’intransigeance de Jean-Luc Mélenchon pour appliquer le programme du même NFP qu’Emmanuel Macron a refusé à Lucie Castets, comme le souligne très justement Dominique De Villepin, la chance qu’il a décidé d’offrir à Michel Barnier.
Les manifestations de la faiblesse de la minorité possédante constituent un espoir pour le plus grand nombre. La faiblesse manifeste d’Emmanuel Macron et de son système (quel qu’en puisse être le porte-drapeau) est une raison d’espérer pour le Nouveau Front Populaire et pour l’ensemble des progressistes. Mais nous devons également nous débarrasser de nos définitivismes aux exhalaisons revanchardes. Quand le prolétariat prétend dicter sa loi, il fait tout autant montre de son incapacité à s’extraire de sa condition de faible anxieux d’obtenir une victoire définitive sur son ennemi le capital. Quand un candidat à la présidence déclare avoir pour ennemi la finance, c’est faire montre également d’un état de faiblesse. À quel point faut-il avoir succombé à la faiblesse pour ne plus envisager d’incarner la république qui est « tout » et pour s’abaisser à n’être que le champion d’une portion désireuse de triompher du parti de la finance jusqu’à finir, de surcroit, par s’écraser mollement quand il s’est agi de passer de la proclamation à la mise en place d’un modèle de séparation de l’activité de détail des banques d’avec celle d’investissement ; mais ne dit-on pas justement « chassez le naturel et cætera… » ?
Personne, à part peut-être le faible irrémissible, ne peut véritablement désirer une société qui s’appliquerait à écrêter systématiquement tout ce qui dépasse ! Mais il est également inadmissible au plus haut point de céder collectivement à quelques-uns et à leur velléité d’installer à perpétuité un dispositif de nuisance à l’espèce et à son écosystème. Dès lors, la justice ne consiste pas à faire périr le fortuné d’un moment mais à traiter la possession de biens en excès (non nécessaires à la subsistance immédiate) comme une composante du cours habituel de la vie de chacun des membres d’une société humaine contrainte, comme d’autres représentants du règne animal, d’organiser la constitution et la préservation des réserves. Mais alors, que la collectivité ne travaille pas à faciliter, à une minorité, l’assouvissement de sa passion de richesse perpétuellement croissante pendant qu’elle refuse au plus grand nombre tout espoir de recouvrer les conditions d’une existence digne. Une autre société est possible si nous œuvrons, comme nos aînés qui ont obtenu l’abolition du privilège féodal, à désactiver – à abolir – le privilège actionnarial.
Aussi, est-il absurde pour la gauche de s’écharper, encore une fois, au sujet de l’ordonnance devant permettre de soulager quelques symptômes : trois comprimés pelliculés pour les bourgs contre deux suppositoires pour les tours ; mais moi je dis l’inverse et j’ajoute que j’ai raison et que tu as tort. Pendant ce temps, elle (la gauche) délaisse la véritable ligne de démarcation qu’induit la bonne compréhension de la pathologie de l’accaparement du fruit du labeur d’autrui. Et pendant ce temps (bis) les citoyens malades du capitalisme définitiviste se demandent comment la gauche envisage-t-elle de s’attaquer au mal à sa racine ; les entendez-vous dans nos villes, nos banlieues et nos campagnes ?
Illustration par DALL·E à partir du texte
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