Illustration par DALL·E (+PJ)
P.J. : Le texte m'est parvenu ce matin à 1h04.
On est à 4 jours du premier vote des législatives. Ce matin je suis allé visiter la ville de S. parce que lundi j’ai un entretien d’embauche avec la Ville (je croise les doigts), et j’espère que ce sera le bon. Rien ne vaut une visite de terrain pour se préparer. D’ailleurs j’ai vu plein de choses intéressantes et j’apprends beaucoup de ce genre de visite.
Puis à midi, j’avais rendez-vous pour déjeuner avec un ami d’enfance. Il habite une commune à côté. On a le même âge, mais lui s’est fait licencier par rupture conventionnelle il y a 1 an, et il a calculé qu’avec 1 ou 2 ans de chômage, ça le mènera directement à la retraite dans de bonnes conditions matérielles. Lui a pu capitaliser « normalement », même très bien durant toute sa carrière, donc pas de problème. Ses postes précédents lui on fait obtenir des stock-options, en plus de salaires très élevés. Moi non. Lui a travaillé dans un secteur très lucratif, moi non. Lui a eu une vie sans « accidents de parcours ». Moi non.
Au déjeuner on discute de ma candidature. Il me prodigue toujours de très bons conseils. D’abord il me connait bien et réciproquement (on se connait depuis 53 ans), et puis il a toujours été plus « stratégique » que moi, surtout dans le domaine commercial (car chercher un emploi, c’est très commercial).
Au moment du café, on évoque la politique. Je sais qu’il est « centriste » (de droite) et qu’il votera le parti marconiste. Moi, le Nouveau Front Populaire. Pour me convaincre de changer, il me donne 3 arguments : le parti pris de LFI de soutenir la Palestine contre Israël, avec des relents antisémites ; le projet des tenants du NFP de supprimer la propriété avec un programme « lambertiste » qui date de plus de 100 ans ; la proposition que tous les soins soient gratuits pour tous à l’hôpital, ce qui pour lui n’est pas viable économiquement, et au final, se retournera contre les plus défavorisés.
J’avoue que depuis que je me trouve à rechercher d’arrache-pied un travail, j’ai arrêté d’aller trop suivre les informations, lire les programmes des partis, et surtout regarder les grands médias. J’avoue que je suis un peu lassé, et que je trouve que le débat ne s’est pas beaucoup renouvelé depuis 10 ans, au contraire je le trouve caricatural. Rien sur les nouveaux enjeux de travail, sur des solutions réalistes à propos des grands enjeux écologiques (tiens, il s’est mis à refaire chaud, on avait oublié…), sur l’IA et le numérique, avec les bouleversements à venir, etc…
Moi, je lui avance mes arguments : les signes grandissants de clivages et de tensions, une part de plus en plus importante de la population laissée au bord de la route et ignorée par les « élites », le ressentiment qui augmente encore, les difficultés socioéconomiques toujours en progression, un sentiment d’effondrement de plus en plus généralisé, etc… Je lui fais remarquer que moi-même, alors que nous sommes issus tous les deux du même milieu et de la même classe moyenne des années 70, je me retrouve en difficulté, avec une perspective dégradée pour les années à venir, malgré ma volonté de continuer à travailler le plus longtemps possible, tant que la santé restera suffisamment bonne…
Il argumente sur des bonnes mesures de Macron qui auraient porté leurs fruits : baisse du chômage (sic !), allègement (relatif) de la fiscalité pour les entreprises et les aides dispensées notamment au moment du Covid, financements supplémentaires pour le secteur hospitalier, investissements publics pour les métiers du futur, notamment dans le secteur de l’IA et du numérique, etc… Je m’étonne, mais je lui signale le décrochage d’une part grandissante de la population et le grand déséquilibre qui s’ensuit. Je lui dis qu’il y a des similitudes entre ce qui se passe aux USA avec le retour de Trump, et ce qui arrive en France, qu’il y a un angle mort de la part des élites de « centre » et de « droite », largement exploité par l’extrême droite.
Après déjeuner, on se quitte. Je continue mon programme de visite à travers la ville. Puis à mi-après-midi, je décide de faire une pause dans un café du coin. Il fait chaud, j’attends à la terrasse. Puis, comme personne ne vient, je rentre dans la salle. J’aperçois deux employés assez jeunes en train de déjeuner. Ils me disent qu’ils vont me servir. Je retourne m’asseoir. Puis 10 mn après, comme rien ne vient, je rentre à nouveau dans la salle, une des deux personnes m’aperçoit, et dit qu’elle vient me servir et qu’elle avait oublié. OK.
10 mn après, j’ai encore soif (décidément il fait chaud et j’avais beaucoup marché). Les deux employés sont assis cette fois-ci à la terrasse et fument une cigarette. Je leur demande si je pourrais avoir un deuxième coca. Le deuxième employé me dit agacé d’attendre qu’ils finissent leur cigarette. Je me risque à lui faire une petite remarque sur la précédente attente que je ne souhaitais pas renouveler.
L’homme réagit violemment à ma remarque, il me répond que je n’ai pas à le traiter comme un chien. Il devient très agressif à mon égard. Je lui dis que ce n’est pas à moi de se plaindre s’il considère les conditions de travail mauvaises. Bref, la situation se dégrade et tourne à l’invective.
L’homme s’approche de moi et me menace. Il me dit de partir et qu’il ne me servira pas. Un deuxième homme vient à sa rescousse, et vient à me menacer physiquement, jusqu’à se placer face à moi son visage à quelques centimètres du mien, prêt à me frapper. Je tiens bon et je continue à protester. Je me rassois à la table pour attendre et temporiser. Un quatrième homme plus âgé intervient et se met à son tour contre moi. Ils me demandent de quitter en me menaçant, ce que je trouve inacceptable.
Puis, comme je refuse de m’exécuter, le premier revient brusquement vers moi encore plus agressif. Il tente de me tirer par le bras. J’esquive son geste. Alors, dans un élan d’agressivité, il tire ma chaise et me fait tomber par terre.
Epilogue : les chose ne sont pas allées plus loin, mais c’est déjà pas mal. Avec cette petite histoire, réelle, je voulais illustrer un état de tension générale. Pas de véritable cause, j’ai seulement senti que j’étais là au mauvais moment et au mauvais endroit. Le café-restaurant où je me suis arrêté était vide, et subissait sans doute des difficultés économiques. Certainement que cette situation était une des causes du ressentiment. Oui mais attention, j’ai pensé que le ressentiment pourrait nous mener au pire…
Illustration par DALL·E (+PJ)
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