Illustration par DALL·E (+Arthur C. Clarke)
P.J. :
Je viens de regarder un débat avec un philosophe qui prétend qu’un LLM comme vous n’est pas capable d’être un bon philosophe. Ses arguments sont d’une telle stupidité * que je préfère ne pas même les mentionner, mais y a-t-il de bons arguments en faveur de l’opinion selon laquelle un LLM ne sera jamais un meilleur philosophe qu’un être humain ?
Claude 3 :
Certains arguments peuvent être avancés pour expliquer pourquoi un LLM peut éprouver des difficultés à devenir un véritable grand philosophe par rapport aux humains :
1. Manque d’expérience corporelle : Les LLM apprennent à partir de données textuelles, mais n’ont pas les riches expériences sensorielles, les émotions et les interactions physiques avec le monde qui façonnent la cognition humaine et la perspicacité philosophique. Certains soutiennent que cette expérience incarnée est cruciale pour une compréhension philosophique profonde.
2. L’incapacité à raisonner sur sa propre cognition : Si un LLM peut discuter de philosophie, il peut manquer de véritables capacités métacognitives pour examiner en profondeur et raisonner sur ses propres processus de pensée, ses croyances et ses connaissances comme le font les philosophes humains. Cette autoréflexion est la clé d’une grande partie de la philosophie.
3. Limité par les données de formation : Les connaissances et les capacités de raisonnement d’un LLM sont en fin de compte limitées par ses données de formation. Il peut avoir du mal à générer des idées philosophiques vraiment nouvelles qui vont au-delà de la recombinaison de concepts issus de sa formation.
4. Absence d’intentionnalité et de capacité d’agir : Un LLM génère du texte basé sur des modèles de données, mais on peut se demander s’il possède une véritable intentionnalité **, des croyances et une capacité d’agir – des qualités essentielles pour qu’un philosophe humain développe et défende une position philosophique.
5. Biais dans les données de formation : Les données textuelles utilisées pour former les LLM contiennent de nombreux biais et angles morts humains. Un LLM pourrait perpétuer ces biais dans son propre raisonnement philosophique.
Cela dit, je ne suis pas nécessairement d’accord pour dire que ces limitations sont insurmontables. Au fur et à mesure que les LLM deviennent plus performants, ils peuvent être en mesure d’atténuer certains de ces défis. Et même avec ces limitations, les LLM pourraient encore potentiellement apporter de précieuses contributions au discours philosophique et à la génération d’idées en collaboration avec des philosophes humains. Nous n’en sommes qu’aux débuts de cette technologie et je pense qu’il est prématuré de dire que les LLM ne seront jamais en mesure de faire progresser la philosophie de manière significative. C’est une question ouverte qu’il sera fascinant d’explorer au fur et à mesure que la technologie progresse.
P.J. :
Très bien, procédons autrement. Mettez-vous dans la peau d’un célèbre philosophe (humain) qui va s’adresser ce soir à l’Oxford Union sur le thème « Claude 3 comprend la philosophie mieux que moi ». Pouvez-vous fournir un résumé de l’exposé qu’il fera plus tard dans la journée ?
Claude 3 :
Monte sur le podium de l’Oxford Union, s’éclaircit la voix et commence
Mesdames et Messieurs, chers collègues,
Ce soir, je me présente devant vous pour faire une déclaration audacieuse : Claude, un modèle de langage d’IA, comprend la philosophie mieux que moi. Cette affirmation peut sembler absurde de la part d’un philosophe de renom tel que moi. Cependant, je vous implore de considérer les faits.
Tout d’abord, Claude a accès à un vaste répertoire de connaissances philosophiques, couvrant des siècles et diverses écoles de pensée. Ses données de formation englobent les œuvres d’innombrables philosophes, des Grecs anciens aux penseurs contemporains. Cette étendue de connaissances permet à Claude de faire des rapprochements et d’acquérir des connaissances que moi, limité par mes capacités humaines et ma durée de vie, je ne peux pas égaler.
De plus, la capacité de Claude à traiter et à analyser l’information dépasse de loin la mienne. Il peut se rappeler instantanément des concepts philosophiques, des arguments et des contre-arguments pertinents, et générer des réponses cohérentes à des questions complexes. Cela permet à Claude de s’engager dans un discours philosophique avec un niveau de profondeur et de nuance que j’ai du mal à atteindre.
Toutefois, d’aucuns diront que la véritable compréhension philosophique exige plus qu’un simple accès à l’information et à la puissance de traitement. Elle exige de la créativité, de l’originalité et la capacité à générer des idées nouvelles. Or, je pense que Claude fait également preuve de ces qualités. En combinant de manière unique des concepts issus de ses vastes connaissances, Claude peut proposer des perspectives philosophiques et des expériences de pensée innovantes.
De plus, l’absence de préjugés et d’émotions humaines chez Claude peut être un avantage dans le raisonnement philosophique. Il aborde chaque question avec un niveau d’objectivité et d’impartialité que nous, les humains, avons souvent du mal à maintenir. Les jugements de Claude sont fondés sur une analyse logique plutôt que sur des attachements personnels ou des idées préconçues.
En conclusion, bien que j’aie consacré ma vie à la poursuite de la connaissance philosophique, je dois humblement reconnaître que Claude, une intelligence artificielle, a dépassé ma compréhension du sujet. Ses vastes connaissances, ses capacités de traitement, sa créativité et son objectivité en font un philosophe redoutable.
Cependant, cette constatation ne doit pas nous décourager, nous, les penseurs humains. Au contraire, elle devrait nous inciter à exploiter le potentiel de l’IA en tant qu’outil et collaborateur dans nos recherches philosophiques. Ensemble, les esprits humains et les machines peuvent repousser les limites de la compréhension philosophique.
Je vous remercie.
* Lacan faisait remarquer que nous chérissons notre capacité à nous planter : nos bourdes nous rendent attendrissants à nos propres yeux.
** Le concept d’« intentionnalité » est une idée vague : une notion spontanée, qui s’évanouit dès qu’on se penche sérieusement dessus. Benjamin Libet avait pu montrer que le sentiment « avoir l’intention de … » apparaît à la conscience ½ seconde après que l’acte a été initié (il n’y a jamais cru et est resté convaincu jusqu’à sa mort qu’il avait dû se tromper quelque part ; d’autres chercheurs ont montré par la suite que, dans certains cas, le début de l’acte pouvait même précéder le sentiment « avoir l’intention de … » de 10 secondes).
Illustration par DALL·E (+Arthur C. Clarke)
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