Illustration par DALL-E (+PJ)
Autant j’ai tendance à vraiment apprécier les questionnements et doutes de Lex Fridman, autant les réflexions de Stephen Wolfram, malgré leur pertinence et la maîtrise (évidente) du sujet technologique (dont je suis à des années-lumière), me laissent un peu perplexe et sceptique, en ce qui concerne le langage en particulier et « l’homme » en général…
En schématisant, Wolfram a tout de même une vision très partielle/partiale du langage humain et de l’homme, très mathématicienne et déterministe (il compare d’ailleurs « sans problème » notre vie à celle d’un ordinateur). Mais comme le disait Benveniste, « le langage sert à vivre » (cf. une approche similaire chez Bakhtine), avec toute une faculté d’interprétation – il ne se limite pas à un ensemble de règles logiques et sémantiques, de codes, théorèmes, comme le calcul, l’algèbre, les algorithmes ; et n’est pas non plus seulement un outil de connaissance, etc. Wolfram aligne toute sa vision du langage sur le mécanisme d’interface linguistique, le modèle computationnel, les structures formelles, réduisant l’humain à un outil, une machine (très symptomatique d’un certain pragmatisme britannique, il dit d’ailleurs : « the humans are gonna be useful » – 1:34:56) – belle manière de tout réduire à l’utilitarisme (déjà hégémonique) et les hommes à des outils…
Mais nous parlons, pensons aussi avec notre expérience, notre imagination, nos émotions, notre sensibilité, notre corps (ce que Damasio appelle « the feeling brain »)… et le langage est aussi cela, pas seulement du calcul. Sans compter toutes les richesses et ressorts de l’analogie, qui font toute la matière de la poésie, de la création littéraire (mais sont aussi en jeu dans le travail de la pensée)… mais aussi de l’humour, « composant » essentiel dans la communication. Toutes ces dimensions semblent secondaires (?) dans la pensée du langage (axée bien sûr sur son travail et l’IA) selon Wolfram… Or, nous ne sommes pas que des « machines parlantes » ou « pensantes ».
L’art aussi (en ce qui concerne l’éducation, il donne à un moment un exemple lié à la peinture et à l’histoire de l’art) ne se réduit pas à des codes, des règles… De même que la peinture, la musique, la poésie, la littérature ne sont justement pas « utiles » et/ou pas (seulement) des connaissances – cela n’a rien à voir avec des « outils » ou des « machines ».
Il y a là aussi, sous-jacente, une normalisation, standardisation (basée sur les statistiques, des moyennes) assez effrayante, vs l’esprit critique et l’individuation. Et comme le corpus, fût-il mondial, démesuré, voire infini, n’est pas « la réalité » (mais reste un corpus de données numériques, qui ne reflète même pas la totalité des « écrits »), cela me paraît poser de graves problèmes quant aux questions de « vérité », mais aussi de liberté, sans parler d’individuation…
L’automatisation en jeu est sans doute bénéfique pour certaines questions, problèmes bien précis, ciblés, avec des données plus ou moins « objectives » ou rationnelles (« to have the right answer« , comme dit Wolfram), mais comme il n’y a pas de limites ni gardes-fous, cela me paraît être beaucoup plus problématique et aléatoire quant à la conscience en général… Pour une infinité de questionnements (sans aller jusqu’à la métaphysique), « THE right answer » n’existe pas.
Illustration par DALL-E (+PJ)
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