Journée mondiale de la logique 2023 : Une initiative pour la relecture de l’article de Gödel de 1931, par Yu Li

Dans le message de Mme Audrey Azoulay, Directrice générale de l’UNESCO, à l’occasion de la création de la Journée mondiale de la logique le 14 janvier 2020 [1] :

C’est pourquoi, pour attirer l’attention sur l’importance de la logique, l’UNESCO a proclamé le 14 janvier Journée mondiale de la logique. Cette date a été choisie en l’honneur de deux grands logiciens du vingtième siècle : Kurt Gödel et Alfred Tarski. Gödel, décédé le 14 janvier 1978, a démontré le théorème d’incomplétude qui a transformé l’étude de la logique au vingtième siècle. Tarski, né le 14 janvier 1901, a développé des théories qui ont interagi avec celles de Gödel.

  1. La troublante démonstration de Gödel

En présentant la biographie de Kurt Gödel, Journey to the Edge of Reason – The Life of Kurt Gödel par Stephen Budiansky (2021), l’éditeur Norton affirmait [2] :

– La première grande biographie écrite pour le grand public du logicien et mathématicien dont les théorèmes d’incomplétude ont contribué à lancer une révolution scientifique moderne. Près de cent ans après sa publication, la célèbre démonstration de Kurt Gödel selon laquelle tout système mathématique doit contenir des propositions qui sont vraies – mais jamais prouvables – continue de perturber les mathématiques, la philosophie et l’informatique.

Alors qu’y a-t-il dans le théorème d’incomplétude de Gödel qui provoque un tel malaise jusqu’à aujourd’hui ? Si nous y regardons de plus près, nous voyons que ce malaise n’est pas causé par la conclusion que le système formel contient des propositions vraies mais indémontrable, mais par la démonstration de Gödel, puisqu’il prend comme prémisse le paradoxe du menteur et argumente que ce paradoxe est une proposition vraie mais indémontrable dans le système formel. En d’autres termes, il découle de la démonstration de Gödel qu’il existe des propositions telles que le paradoxe du menteur dans le système formel.

La démonstration du théorème d’incomplétude de Gödel a été contestée depuis sa publication, John W. Dawson Jr. en a fait l’historique dans son article « The reception of Gödel’s Incompleteness Theorems » ([3], pp. 74-95) :

  • Ernst Zermelo a déclaré dans une lettre à Gödel en 1931 que sa démonstration de l’existence de propositions indécidables présente une faille essentielle ;
  • Le logicien Chaïm Perelman a affirmé que Gödel avait en fait découvert une antinomie ;
  • Les commentaires bien connus de Wittgenstein sur le théorème de Gödel figurent dans Remarks on the Foundations of Mathematics (1938) ;
  • Bertrand Russell a exprimé sa profonde perplexité dans une lettre à Leon Henkin : « Je me suis rendu compte, bien sûr, que le travail de Gödel est d’une importance fondamentale, mais il m’a laissé perplexe. […] Si un ensemble donné d’axiomes conduit à une contradiction, il est clair qu’au moins un des axiomes doit être faux. »

Jacques Herbrand a également déclaré dans une lettre à Gödel en 1931 [4] (pp. 3-14) que le système formel de la démonstration de Gödel ne pouvait pas exprimer des fonctions récursives non primitives telles celles d’Ackermann.

Il faut également redécouvrir la démonstration du problème d’Entscheidung présentée par Alan Turing dans son article (1936) [5], où Turing faisait allusion aux erreurs commises par Gödel sans mentionner son nom et s’aventurait à les corriger.

Le malaise provoqué par la démonstration de Gödel n’a cessé d’être exploré dans les sciences humaines [6-8], voire même dans la collision entre les sciences humaines et les sciences naturelles, comme l’« affaire Sokal » initiée par le physicien Sokal [9] ; la remise en cause de la démonstration de Gödel dans la perspective de l’Anthropologie des connaissances par l’anthropologue Paul Jorion [10].

Pourtant dans le domaine de la logique mathématique, un tel malaise est aujourd’hui quasiment éludé. Ainsi dans le livre Le Point Aveugle, Cours de Logique – Vers la perfection (chapitre 2, « The Incompleteness Theorem ») du logicien français Jean-Yves Girard, l’auteur déclare [11] :

– Il est hors de question de rentrer dans les arcanes techniques du théorème de Gödel, pour plusieurs raisons :

– Ce résultat, au fond très facile (sic), ne se perçoit bien, comme les peintures de vieillesse de Claude Monet, que d’une certaine distance. De près, ce ne sont que détails fastidieux qu’on n’a pas forcément envie de connaitre.

– On n’en a pas besoin non plus, car ce théorème est un cul-de-sac scientifique : il signale une voie sans issue. Puisqu’il n’y a rien à chercher par là, il ne sert à rien d’être expert ès théorème de Gödel.

Nous souhaitons confronter aujourd’hui ce sentiment de malaise en revisitant la démonstration d’origine de Gödel à la lumière de la logique de la découverte scientifique.

2. La logique de la découverte scientifique

Y a-t-il une logique de la découverte scientifique ? Comment les chercheurs trouvent-ils leurs hypothèses et font-ils avancer nos connaissances ? Charles Sanders Peirce utilisa le terme « abduction » [12], en référence à la déduction et à l’induction, pour désigner le raisonnement de l’effet à la cause par lequel on adopte une hypothèse, où le terme « hypothèse » désigne une explication proposée pour un phénomène. Sans la connaissance de la cause, nous serions condamnés à ne connaître que le phénomène, mais pas son essence. En ce sens, on peut considérer que l’abduction est la logique de la découverte scientifique.

La forme de l’abduction est par conséquent celle-ci :

– Un phénomène surprenant C est observé ;

– Or si A est vrai, C se produit ;

– Donc, il y a une raison de suspecter que A est vrai.

L’hypothèse A est conçue par la pensée et doit être transformée en une déduction pour vérifier sa vérité : Si A est vrai, C se produit ; et A est vrai ; donc C se produit.

La validité de l’abduction dépend donc de deux facteurs : si l’hypothèse peut expliquer le phénomène, et si l’hypothèse peut être vérifiée. En d’autres termes, la question la plus fondamentale de l’abduction concerne la relation entre le pouvoir explicatif et la vérité de l’hypothèse.

3. Initiative de revisiter l’article de Gödel de 1931

L’origine du théorème d’incomplétude de Gödel est mentionnée dans l’article de John W. Dawson [3] :

– Dans l’ébauche d’une réponse à la question d’un étudiant diplômé en 1970, Gödel indique que c’est précisément sa reconnaissance du contraste entre la définissabilité formelle de la démontrabilité et l’indéfinissabilité formelle de la vérité qui l’a conduit à la découverte de l’incomplétude. 

En d’autres termes, l’incomplétude est en fait une découverte étonnante de Gödel, mais pour être précis, cette découverte provient initialement du Entscheidungsproblem (problème de la décision) proposé par Hilbert [13] (pp. 45-53). Afin de transformer cette découverte en connaissance – un théorème d’incomplétude – Gödel a conçu sa célèbre démonstration dans son article de 1931 (Über formal unentscheidbare Sätze der Principia Mathematica und verwandter Systeme) [3][14] [15] [16] . Ainsi, la véritable contribution de Gödel devrait être sa démonstration. 

La démonstration de Gödel est basée sur deux paradoxes : le paradoxe de Richard comme point de départ et le paradoxe du menteur comme point d’arrivée. La démonstration se déroule principalement dans les première et deuxième parties de son article : dans la partie 1, Gödel utilise le paradoxe de Richard pour construire la proposition paradoxale qui dit qu’elle est indémontrable, à savoir le paradoxe du menteur; puis dans la partie 2, Gödel argumente, dans un système formel de sa propre définition, que la proposition paradoxale du chapitre 1 est indémontrable. Ainsi, Il déclare avoir prouvé l’existence de propositions indécidables dans les systèmes formels comme celui de Peano, c’est-à-dire l’incomplétude du système formel.

Dans le cadre de l’abduction, nous pouvons nous demander :

1) La démonstration de Gödel nous aide-t-elle à comprendre les propositions indécidables dans les systèmes formels ?

2) Comment est construite la proposition paradoxale G de Gödel (qui dit qu’elle est indémontrable) ? La proposition G existe-t-elle dans le système formel considéré par Gödel ? Si la proposition G n’existe pas, la démonstration de Gödel est-elle toujours valable ?

3) Lorsque le paradoxe de Russell est apparu dans la théorie des ensembles, il a été considéré comme une crise et les gens se sont efforcés de le dissiper. Pourquoi, alors, les gens n’ont-ils pas été alertés lorsque le paradoxe du menteur est apparu dans la démonstration de Gödel ?

Aujourd’hui, à l’occasion de la Journée mondiale de la logique, nous proposons donc de revisiter l’article de Gödel de 1931, de pénétrer dans la démonstration originale de Gödel, de dépasser les limites de nos pensées pour nous confronter ensemble au malaise que suscite la démonstration de Gödel. Nous pensons qu’en ces temps de crise, l’aspiration à la vérité et la recherche de la vérité sont les moyens les plus fondamentaux de dissoudre le malaise. En ce sens, lire Gödel, c’est aussi se lire soi-même, …

Référence : 

[1] https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000372449_chi

[2] Stephen Budiansky, Journey to the Edge of Reason – The Life of Kurt Gödel (2021). https://wwnorton.com/books/9781324005445/overview

[3] S.G. Shanker (ed.), Gödel’s Theorem in Focus, Croom Helm 1988, https://pdfslide.net/documents/godels-theorem-in-focus-philosophers-in-focus.html

[4] Kurt Gödel: Collected Works: Volume V, Volume 5

https://books.google.fr/books?id=4rTYxQEACAAJ&printsec=copyright&redir_esc=y#v=onepage&q&f=false

[5] Alan Turing, « On Computable Numbers, with an Application to the Entscheidungsproblem », https://www.cs.virginia.edu/~robins/Turing_Paper_1936.pdf

[6] Rebecca Goldstein, Incompleteness: The Proof and Paradox of Kurt Gödelhttps://www.essra.org.cn/upload/202102/Incompleteness%20-%20The%20Proof%20and%20Paradox%20of%20Kurt%20Godel%20by%20Rebecca%20Goldstein%EF%BC%882005%EF%BC%89.pdf

[7] Pierre Cassou-Noguès, Les Démons de Gödel – Logique et folie (2007). https://www.amazon.fr/D%C3%A9mons-G%C3%B6del-Logique-folie/dp/2020923394

[8] James R Meyer, The shackles of conviction. Paperback (2022). https://www.amazon.com/Shackles-Conviction-James-R-Meyer/dp/1906706093

[9] https://fr.wikipedia.org/wiki/Affaire_Sokal

[10] Paul Jorion, Comment la vérité et la réalité furent inventées (Gallimard 2009). https://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Bibliotheque-des-Sciences-humaines/Comment-la-verite-et-la-realite-furent-inventees

[11] Jean-Yves Girard , Le Point Aveugle, Cours de Logique – Vers la perfection. http://recherche.ircam.fr/equipes/repmus/mamux/hermann.pdf

[12] Frédéric Roudaut, Comment on invente les hypothèses : Peirce et la théorie de l’abduction, https://www.cairn.info/revue-cahiers-philosophiques-2017-3-page-45.htm

[13] The Essential Turing: Seminal Writings in Computing, Logic, Philosophy, Artificial Intelligence, and Artificial Life:

Plus The Secrets of Enigma, B. Jack Copeland, Editor :

http://www.cse.chalmers.se/~aikmitr/papers/Turing.pdf

[14] Godel, On Formally Undecidable Propositions of Principia Mathematica and Related Systems, translated by Bernard Meltzer :  

https://monoskop.org/images/9/93/Kurt_G%C3%B6del_On_Formally_Undecidable_Propositions_of_Principia_Mathematica_and_Related_Systems_1992.pdf

[15] Godel, On Formally Undecidable Propositions of Principia Mathematica and Related Systems, in « The Undecidable », edited by Martin Davis : 

https://books.google.fr/books?id=qW8x7sQ4JXgC&pg=PA4&hl=fr&source=gbs_toc_r&cad=4#v=onepage&q&f=false

[16] Godel, On Formally Undecidable Propositions of Principia Mathematica and Related Systems, translated in French by Jean-Baptiste Scherrer :

https://www.seuil.com/ouvrage/le-theoreme-de-godel-jean-yves-girard/9782020327787

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30 réponses à “Journée mondiale de la logique 2023 : Une initiative pour la relecture de l’article de Gödel de 1931, par Yu Li”

  1. Avatar de Khanard
    Khanard

    ouf ! Ce que je trouve de merveilleux sur ce blog c’est ce passage permanent de portes spatio-temporelles qui nous font voyager de Konstantin Kinsi à Gödel . Le seul problème que j’y décèle c’est que les deux concepts me sont hermétiques . Alors à choisir je préfère me casser les méninges sur Gödel j’aurai peut être l’impression de m’endormir moins idiot.
    J’avoue être émerveillé par Mme Yu Li ce qui ajoute à ma détermination.

    1. Avatar de YU LI
      YU LI

      “Le seul problème que j’y décèle c’est que les deux concepts me sont hermétiques .”

      Que voulez-vous dire par « les deux concepts » ?

  2. Avatar de Khanard
    Khanard

    Effectivement le mot « concept » est inapproprié . Je préfère utiliser « sujets », « domaine de compétences » .
    Ou encore plus simplement autant je ne comprends pas l’humour de Konstantin Kinsi autant le théorème d’incomplétude de Gödel me semble hermétique .
    Je vous accorde que mettre en comparaison l’humour et la Logique est assez surprenant . Merci pour votre publication.

    Cordialement.

  3. Avatar de ebolavir
    ebolavir

    Perplexité du logicien ignare : comment une proposition (ou théorème) peut-elle être à la fois « vraie mais indémontrable » et « indécidable ». C’est eut-être expliqué dans l’article, mais je n’ai pas vu.

    Pour me venger du mal de tête que m’a donné l’auteur de l’article, je propose ici une histoire où l’identité des héros est indécidable.

    ———–

    Alphonse ALLAIS, « Un Drame bien parisien », 1890, paru en recueil en 1891

    (résumé des chapitres précédents : Raoul et Marguerite, jeune couple parisien, passionnément épris, n’arrêtent pas de se faire des scènes de jalousie)

    CHAPITRE IV

    Un matin, Raoul reçut le mot suivant :

    « Si vous voulez, une fois par hasard, voir votre femme en belle humeur, allez donc, jeudi, au bal des Incohérents, au Moulin-Rouge. Elle y sera, masquée et déguisée en pirogue congolaise. À bon entendeur, salut !

    « Un ami. »
    Le même matin, Marguerite reçut le mot suivant :

    « Si vous voulez, une fois par hasard, voir votre mari en belle humeur, allez donc, jeudi, au bal des Incohérents, au Moulin-Rouge. Il y sera, masqué et déguisé en templier fin de siècle. À bon entendeuse, salut !

    « Une amie. »

    Ces billets ne tombèrent pas dans l’oreille de deux sourds.

    Dissimulant admirablement leurs desseins, quand arriva le fatal jour :

    — Ma chère amie, fit Raoul de son air le plus innocent, je vais être forcé de vous quitter jusqu’à demain. Des intérêts de la plus haute importance m’appellent à Dunkerque.

    — Ça tombe bien, répondit Marguerite, délicieusement candide, je viens de recevoir un télégramme de ma tante Aspasie, laquelle, fort souffrante, me mande à son chevet.

    CHAPITRE V

    Les échos du Diable Boiteux ont été unanimes à proclamer que le bal des Incohérents revêtit cette année un éclat inaccoutumé.

    Beaucoup d’épaules et pas mal de jambes, sans compter les accessoires.

    Deux assistants semblaient ne pas prendre part à la folie générale : un Templier fin de siècle et une Pirogue congolaise, tous deux hermétiquement masqués.

    Sur le coup de trois heures du matin, le Templier s’approcha de la Pirogue et l’invita à venir souper avec lui.

    Pour toute réponse, la Pirogue appuya sa petite main sur le robuste bras du Templier et le couple s’éloigna.

    CHAPITRE VI

    — Laissez-nous un instant, fit le Templier au garçon du restaurant, nous allons faire notre menu et nous vous sonnerons.

    Le garçon se retira et le Templier verrouilla soigneusement la porte du cabinet.

    Puis, d’un mouvement brusque, après s’être débarrassé de son casque, il arracha le loup de la Pirogue.

    Tous les deux poussèrent, en même temps, un cri de stupeur, en ne se reconnaissant ni l’un ni l’autre.

    Lui, ce n’était pas Raoul.

    Elle, ce n’était pas Marguerite.

    Ils se présentèrent mutuellement leurs excuses, et ne tardèrent pas à lier connaissance à la faveur d’un petit souper, je ne vous dis que ça.

    CHAPITRE VII

    Cette petite mésaventure servit de leçon à Raoul et à Marguerite.

    À partir de ce moment, ils ne se disputèrent plus jamais et furent parfaitement heureux.

    Ils n’ont pas encore beaucoup d’enfants, mais ça viendra.

    ———–

    Analysé par Umberto Eco dans « Lector in fabula », 1979, traduction française Grasset 1985.

    Le texte complet de la nouvelle d’Alphonse Allais :
    https://www.dropbox.com/s/elentysm818davt/Un%20Drame%20bien%20parisien%20-%20Alphonse%20Allais.pdf

    et en ligne https://fr.wikisource.org/wiki/%C3%80_se_tordre/Un_drame_bien_parisien

    1. Avatar de Paul Jorion

      comment une proposition (ou théorème) peut-elle être à la fois « vraie mais indémontrable » et « indécidable »

      Eh bien, figurez-vous que, comme le signale Yu Li, tout cela a très bien été expliqué par un certain … Paul Jorion 😉 .

      Comment la vérité et la réalité furent inventées (Gallimard 2009 : 298-302)

      D’où viennent les propositions mathématiques vraies ?

      On admet donc qu’une proposition mathématique est vraie si elle est démontrable. Or le théorème de Gödel avance qu’il existe des propositions arithmétiques vraies qui ne peuvent être démontrées. Il y a donc là au moins un paradoxe. Celui-ci se dissipera par la suite. Comme une préparation à la dissipation du mystère je vais cependant rappeler ce que j’ai dit précédemment de l’origine possible des propositions vraies.

      J’ai déjà cité Ladrière quand il écrit « Les énoncés vrais sont les axiomes et les théorèmes ». Or le second théorème de Gödel établit qu’« il existe en arithmétique des propositions vraies que l’on ne peut ni prouver ni infirmer (prouver leur négation) ». D’où viennent alors ces propositions vraies ? Il ne peut s’agir des axiomes, puisqu’ils sont vrais sans devoir êtres prouvés, faisant partie du cadre de base de la théorie, il ne s’agit pas non plus des théorèmes, puisqu’un théorème est par définition une proposition qui a été démontrée.

      Il y a là une difficulté d’emblée, difficulté dont Gödel était conscient. Dans l’article de John W. Dawson déjà cité, celui-ci note que « Dans le brouillon d’une réponse à une question posée par un étudiant thésard, Gödel indiquait que c’était précisément sa reconnaissance de la différence de circonstances entre la possibilité de définir formellement la démontrabilité et l’impossibilité de définir formellement la vérité qui le conduisit à la découverte de l’incomplétude. Le fait qu’il ne signala pas ceci [en 1931] s’explique peut-être par son observation (dans un passage raturé du même brouillon) que “en raison des préjugés philosophiques de l’époque… le concept d’une vérité mathématique … était reçu avec la plus grande suspicion et le plus souvent rejeté comme sans signification” » (Dawson 1988b : 92).

      Ceci est très étrange. Il y a là un flou qui – si l’on comprend bien Gödel dans ce brouillon de lettre – résulte de choses que l’on ne pouvait pas dire en 1931, en raison des « préjugés de l’époque ». Peut-être la question des propositions mathématiques vraies qui n’appartiennent cependant pas aux deux variétés de propositions reconnues comme vraies en mathématiques, les axiomes, et les théorèmes, pourra-t-elle s’éclairer en répondant de manière plus générale à une question à la consonance très maoïste : « D’où viennent les propositions mathématiques vraies ? ».

      Comme on l’a vu, dans la perspective contemporaine, tout jugement (et idéalement toute proposition) est soit vrai soit faux, au sens de l’« adaequatio rei et intellectus » telle qu’on la trouve déjà exprimée chez Platon, de la correspondance adéquate de la chose dite à la chose dont il est dit, et dont il a été question dans la deuxième partie (cf. aussi Jorion 1990a, chapitre 19). Dans cette optique, la négation est perçue comme l’envers authentique de l’affirmation. La finalité de tout discours n’étant plus aujourd’hui essentiellement d’éviter de se contredire mais de dire le vrai, deux moyens sont disponibles, comme pour Platon, pour atteindre cet objectif : soit affirmer le vrai, soit nier le faux. Autrement dit, dire du vrai qu’il est ou dire du faux qu’il n’est pas. La proposition « Cette pomme est rouge » est vraie si la pomme que je vous montre est effectivement rouge. Elle est fausse si cette pomme est de toute autre couleur. Un moyen donc d’établir la vérité d’une proposition est l’évidence des sens : la proposition doit décrire un état-de-choses que l’évidence des sens confirme.

      Il y a d’autres vérités qui sont de convention parce qu’elles sont des définitions, c’est-à-dire des raccourcis que se donne la langue en remplaçant plusieurs termes par un seul, ce qu’Ernest Mach appelait à la fin du XIXe siècle, une « économie mentale ». Ainsi, pour reprendre l’exemple déjà donné plus haut : « le faon est le petit du cerf ». On pourrait continuer de dire « le petit du cerf », mais on aura la liberté désormais de dire à la place « le faon ». Ou bien « On appelle anticonstitutionnel, un texte législatif dont le contenu est en contradiction avec l’esprit de la constitution ». À partir de là, la proposition « un texte législatif dont le contenu est en contradiction avec l’esprit de la constitution est anticonstitutionnel » est une tautologie, c’est-à-dire dans ce cas-ci, est vraie par définition.

      On peut aussi parvenir à des propositions vraies de manière déductive. Soit, par exemple, une proposition dont on peut établir la vérité immédiatement par l’évidence des sens, « La pluie mouille », on peut également en établir la vérité de manière déductive, à l’aide d’un syllogisme : « La pluie est faite d’eau », « l’eau mouille » donc « la pluie mouille ». Ou, faisant appel à une définition, « la proposition 22 contredit l’esprit de la constitution, donc la proposition 22 est anticonstitutionnelle ».

      On me demande s’il existe des chameaux blancs. Si j’ignore la réponse, je peux éventuellement procéder de manière déductive : « Toutes les espèces de mammifères ont une variété à pelage blanc », « le chameau est un mammifère », donc « il existe des chameaux blancs ». On ne parvient cependant pas à établir la vérité de toute proposition de cette manière : si l’on me demande cette fois s’il existe « en Amazonie une coccinelle ayant dix-sept points noirs sur fond jaune », je devrai soit découvrir la réponse dans une faune entomologique, soit entreprendre en Amazonie l’expédition qui apportera éventuellement la confirmation empirique irréfutable de la proposition.

      A partir de là, il est permis de faire le catalogue des types de propositions vraies : il y a celles qui sont vraies parce que leur contenu tombe sous le sens, et que chacun les tenant pour vraies il est légitime de les faire intervenir comme prémisses dans des raisonnements, il y a celles qui sont vraies pour avoir été prouvées vraies en tant que conclusions de démonstrations syllogistiques – dont les démonstrations mathématiques ordinaires sont des exemples. Il y a aussi celles qui sont vraies par convention, parce qu’elles sont des définitions.

      Et comme on l’a vu dans la troisième partie : « du fait que de deux prémisses vraies on ne peut tirer qu’une seule conclusion vraie, on sera obligé pour poursuivre ses raisonnements, soit d’introduire de nouvelles définitions – et les nouvelles vérités que l’on générera ainsi seront de simples conséquences de ces définitions, soit d’aller chercher dans le monde de nouveaux faits qui « tombent sous le sens », des observations venant corroborer soit des hypothèses, soit encore des faits d’induction » du genre de ceux évoqués plus haut : « Le fait de vivre longtemps caractérise les animaux sans fiel », « Être sans fiel caractérise l’homme, le cheval et le mulet », « Le fait de vivre longtemps caractérise l’homme, le cheval et le mulet » (Aristote, Analytiques Premiers : II xxiii, 68b 15-19).

      On l’a vu, le second théorème de Gödel affirme qu’il existe en arithmétique des propositions « indécidables », autrement dit, des propositions vraies que l’on ne peut pas démontrer, c’est-à-dire, des propositions vraies que l’on ne peut pas prouver de manière déductive à l’intérieur de l’arithmétique. À la lumière de ce que je viens de dire ceci ne peut signifier qu’une seule chose : comme la vérité de ces propositions n’a pas été établie déductivement, elle doit résulter de l’une des deux autres sources des propositions vraies : soit, il s’agit de propositions qui sont vraies par définition, soit il s’agit de propositions qui sont vraies parce que leur vérité tombe sous le sens. Or il ne peut s’agir ici de propositions qui sont vraies par définition : une proposition qui ne serait pas déductible parce qu’elle est vraie par définition devrait faire partie des axiomes de la théorie, c’est-à-dire faire partie des propositions de base par rapport auxquelles d’autres propositions vraies (théorèmes) peuvent être déduites. Par conséquent les propositions vraies non-déductibles qu’évoque Gödel doivent être vraies parce que leur vérité tombe sous le sens. La question qu’un profane en matière de mathématiques se doit alors de poser à Gödel et à ceux qui soutiennent sa position est celle-ci : « Peut-on établir la vérité d’une proposition en arithmétique – indépendamment de sa démonstration – de la même manière que l’on fait la preuve qu’il existe en Amazonie une coccinelle à dix-sept points noirs sur fond jaune ? Autrement dit, quel est le type d’expédition à entreprendre qui permettra de confirmer la vérité de propositions dont la vérité ne peut être établie par déduction ? »

      1. Avatar de ebolavir
        ebolavir

        En effet. Et j’ai le livre à la maison, acheté avec mon argent, mais hélas pas l’équipement cérébral nécessaire pour le lire avec profit. Je trouve que le même auteur est beaucoup plus abordable quand il parle de la formation des prix du poisson et des crustacés à l’île d’Houat.
        Exemple : « … il s’agit de propositions qui sont vraies parce que leur vérité tombe sous le sens … » Ma modeste formation en méthodologie de l’analyse du réel en vue de la technologisation d’un processus informationnel (mot préféré à « informatisation » par mon maître à penser de l’époque) m’avait appris à ne jamais considérer que quelque chose « tombe sous le sens », mais à vérifier dans le réel. Et j’ai eu plus d’une fois l’occasion de vérifier combien ce qui « tombe sous le sens » pour les praticiens peut être une illusion.

      2. Avatar de Ruiz
        Ruiz

        Merci, autrement dit l’expédition longue et hasardeuse en Amazonie serait en l’espèce constituée par une démonstration longue et …

        En fait une sorte de démarche de mesure expérimentale, qui par analogie avec la mécanique quantique (dans les préoccupations pas toujours acceptées de l’époque) constituerait une réalisation d’une potentialité probabiliste indécidable.

        N’est ce pas pourtant un axiome (non exprimé) de toute mathématique (et non physique) qu’aucune vérité ne peut être établie parce que leur vérité tombe sous le sens (par ce seul moyen) ?
        N’est-il pas possible alors en abordant par là l’alternative d’en déduire plutôt que l’énoncé de Gödel est alors nécessairement un axiome ?

        « des propositions que l’on ne peut pas démontrer » ni dont on ne peut démontrer le contraire, n’est-ce pas là une définition des propositions « indécidables ».
        En quoi devraient-elles être vraies ? à moins que ce ne soit une conséquence que le raisonnement se place dans le cadre d’une arithmétique ..

        1. Avatar de Paul Jorion

          N’est-il pas possible alors en abordant par là l’alternative d’en déduire plutôt que l’énoncé de Gödel est alors nécessairement un axiome ?

          Ok ! Mais si l’énoncé de Gödel est un axiome, jetons alors sans regret à la poubelle ce qu’il nous présente comme la démonstration de son théorème, et disons plutôt : « Gödel nous jure qu’il y a en arithmétique des propositions vraies indémontrables ».

          N’est ce pas pourtant un axiome (non exprimé) de toute mathématique (et non physique) qu’aucune vérité ne peut être établie parce que leur vérité tombe sous le sens (par ce seul moyen) ?

          Si ce n’est pas grâce à l’évidence des 5 sens, quelle est alors – pour des mathématiciens comme Gödel – la 3e source de vérité possible de vérité qui lui permette de dire qu’une proposition est vraie alors qu’ elle n’est NI un axiome, NI un théorème ? Qu’on nous dise son nom !

          P.S. La raison pour laquelle les mathématiciens « platoniciens » (= la structure intime du monde, ce sont les nombres) ne s’aventurent pas du côté du monde empirique (qu’ils importent pourtant à tout bout de champ dans leurs démonstrations comme passager clandestin : « Ma géniale intuition ! » Ouais : ta compréhension intuitive du monde tel qu’il est !), c’est qu’ils devraient commencer par prouver mathématiquement … l’observateur (= nous), et là ils calent quand même 😉 .

  4. Avatar de Benjamin
    Benjamin

    Bonjour à toutes et tous,

    Le malaise avec ce théorème tient vraiment dans sa démonstration… car finalement Goëdel utilise (d’une certaine façon) les caractèristiques de son propre théorème pour le démontrer (alors même qu’à ce stade, le théorème n’est pas réputé « vrai »).

    Mais aussi « imparfaite » (ou plutôt « incomplète ») soit la démonstration de Goëdel, cela rend-il « faux » son théorème ?

    En fait cette démonstration interroge énormément sur la notion de « vérité » mathématique.

  5. Avatar de Khanard
    Khanard

    Je ne sais pas si cela fait partie du même domaine , j’en doute, mais puisqu’ici il y a un certain nombre d’intervenants qui aiment avoir mal à la tête je leur conseille aussi cet ouvrage : « Sherlock Holmes en échecs » (Raymond Smullyan) réédition d’un ouvrage paru en 1983 chez Dunod sous le titre Mystères sur échiquier avec Sherlock Holmes .
    Pour ceux qui sont intéressés il s’agit de « remonter » une partie d’échecs à partir de positions finales .

    Aux amateurs de logique à vous de jouer !

    (sous réserve que vous connaissiez les règles du jeu )

    Lors d’une de ses analyses à rebours Sherlock Holmes prononce cette phrase:«Pour connaitre le futur on doit connaître le passé» ou encore «Comment il est possible de trouver un raisonnement juste par un résultat faux»

    Dommage que je ne puisse pas mettre des exemples sur les commentaires !

    1. Avatar de Paul Jorion

      Pour connaitre le futur on doit connaître le passé.

      Je doute sérieusement que Sherlock Holmes ait été le premier à dire cela.

      Par contre je n’hésiterais pas à le complimenter s’il avait affirmé – comme je le pense de mon côté – que

      Pour comprendre le passé on doit connaitre le futur.

      1. Avatar de Hervey

        Si pour comprendre le passé on doit connaitre l’avenir, c’est qu’il n’y a pas de solution de continuité entre le passé et la futur, le présent n’est rien, il n’existe pas.
        Il n’est pas 10h55.

        1. Avatar de Benjamin
          Benjamin

          Bonjour Hervey,

          Tout dépend où l’on place le passé et le futur… 😉

          A l’instant où je vous écris, je suis dans le futur de la réponse que vous avez posté à 10h55… et, inversement, vous êtes dans le passé de ma propre réponse à 14h41.

          Pour comprendre ce qui s’est passé à un instant T, il faut assurément pouvoir l’analyser au l’aune de tous ses effets (donc se trouver en T+1, T+2, … et je dirai même le plus loin possible temporellement parlant).

          1. Avatar de Hervey

            Benjamin
            Si la connaissance du futur détermine la compréhension du passé, ce que je peux tout à fait concevoir puisqu’il détermine ce qui sera et peut donc être un correctif à ce qui fut … oui … que voulais-je dire ?… Ah ! Oui, mais présentement c’est sans importance … 😉

      2. Avatar de Benjamin
        Benjamin

        Bonjour Paul,

        « Je doute sérieusement que Sherlock Holmes ait été le premier à dire cela. »

        « Pour prévoir l’avenir, il faut connaître le passé, car les événements de ce monde ont en tout temps des liens aux temps qui les ont précédés. » (Nicolas Machiavel)

        1. Avatar de Paul Jorion

          Machiavel en effet. Mais j’imagine qu’on doit trouver des choses semblables chez les grands historiens grecs et romains.

          1. Avatar de Benjamin
            Benjamin

            @ Paul,

            Certainement que d’autres ont dit ça bien avant Nicolas Machiavel… Peut-être pas formulé tel quel mais certainement dans un esprit proche.

            Ma conjointe (ayant fait Lettres Classiques) m’a soufflé de se pencher sur la perception de les arts divinatoire de l’époque greque ou romaine, notamment la mantique qui est déjà une forme de prédiction de l’avenir sur une base analytique.

            Apparemment, Ciceron aurait traité de ce sujet (à creuser).

      3. Avatar de Ruiz
        Ruiz

        Cela signifie-t-il qu’il faut un certain temps pour comprendre :

        « Pour comprendre le passé on doit connaître le futur. »

        Comme il semble que l’on ne puisse bien connaître que le passé (et encore), il faut que le futur (du passé que l’on veut comprendre) soit devenu du passé pour celui qui veut comprendre !
        Un historien comprendrait alors mieux qu’un éditorialiste contemporain.

        Quand à l’autre assertion
        « Pour connaître le futur on doit connaître le passé. »
        il semble que ce soit aussi une maxime de Pierre Simon Laplace qui avait tendance à penser que c’était nécessaire et suffisant.
        La modélisation de la mécanique quantique dissipe cette suffisance.
        Et la complexité des systèmes constitue souvent une limite à la démarche.

    2. Avatar de ebolavir
      ebolavir

      Je viens de redécouvrir que « Sherlock Holmes en échecs », en PDF image, fait partie de mes livres ramassés un peu partout, dans l’intention de le lire un jour (je suis un dévot de Sherlock Holmes). C’est peu probable, la vie est courte, je le partage pour les jeunes https://www.dropbox.com/s/c7f2qsia2915vda/Raymond%20Smullyan%20-%20Sherlock%20Holmes%20en%20%C3%A9checs.pdf

      (deuxième proposition, la première ayant disparu dans les limbes d’Akismet)

      1. Avatar de Khanard
        Khanard

        bienvenue au club ! Je le possède depuis au moins 30 ans et je ne me lasse pas de le relire régulièrement . Bon c’est vrai qu’en tant que joueur d’échecs émérite cela m’aide . Merci à vous de le mettre à disposition pour nos amis , ne pouvant le faire pour des raisons évidentes .

  6. Avatar de Khanard
    Khanard

    non malheureusement Holmes l’a bien formulé dans cet ordre et bien avec le verbe connaître . Cela reste humblement Sherlock Holmes 😉!

    Ceci dit les exercices de logique associés à cette expérience sont très intéressants pour décrypter le fonctionnement du cerveau humain.

  7. Avatar de YU LI
    YU LI

    @Khanard : Désolée. Je n’ai pas vu le billet de Paul “Le choix des lecteurs : Konstantin Kisin” quand je vous ai interrogé sur le « concept », et mon français n’est pas assez bon pour comprendre certaines des conversations.

    Merci pour la référence à « Sherlock Holmes en échecs »! Cela aidera à comprendre l’abduction (le raisonnement de l’effet à la cause) mentionné dans mon article, et donc la preuve de Gödel !

    Merci à tous pour vos expressions franches ! Il confirme la perplexité que j’ai ressentie lorsque j’ai rencontré la preuve de Gödel pour la première fois, et c’est cette perplexité indescriptible qui m’a fait comprendre l’importance de relire le texte original de Gödel.

    1. Avatar de Khanard
      Khanard

      @Yu Li
      Ne vous méprenez pas, votre niveau de français n’a rien à envier à celui de certains de mes compatriotes.
      J’admire d’autant plus votre abnégation à rechercher une lumière dans cette complexité qu’est Gödel .

  8. Avatar de konrad
    konrad

    Bonjour,

    En conclusion, Gödel, Il a raison ou tort, son théorème est vrai ou pas ?
    Bref, est-il coupable ? 😉

    1. Avatar de Ruiz
      Ruiz

      @konrad Que cette proposition soit indécidable est indémontrable. Au moins peut-on le croire !

  9. Avatar de YU LI
    YU LI

    @Benjamin, « Mais aussi « imparfaite » (ou plutôt « incomplète ») soit la démonstration de Goëdel, cela rend-il « faux » son théorème ? »
    La question porte en fait sur le « rôle des preuves ».
    Observons la preuve de Gödel et la preuve du théorème de Pythagore.
    Le théorème de Pythagore : Si un triangle est rectangle, le carré de la longueur de l’hypoténuse est égal à la somme des carrés des longueurs des deux autres côtés.
    Le premier théorème d’incomplétude de Godel : Dans n’importe quelle théorie récursivement axiomatisable, cohérente et capable de « formaliser l’arithmétique », on peut construire un énoncé arithmétique qui ne peut être ni démontré ni réfuté dans cette théorie. (https://fr.wikipedia.org/wiki/Th%C3%A9or%C3%A8mes_d%27incompl%C3%A9tude_de_G%C3%B6del)
    La preuve du théorème de Pythagore consiste à déterminer si a^2 + b^2 = c^2 est vrai pour un triangle rectangle quelconque.
    La preuve du théorème d’incomplétude de Gödel consiste à construire un énoncé arithmétique indécidable.
    Les deux preuves exigent une explication raisonnable d’une conclusion, mais le théorème d’incomplétude de Gödel est un « théorème existentiel », «Être ou ne pas être, telle est la question» (Hamlet de Shakespeare).
    Que construit donc la preuve de Gödel ? Gödel construit une proposition paradoxale G similaire au paradoxe du menteur (qui dit qu’elle est indémontrable).
    En réponse, Russell a exprimé sa profonde perplexité comme nous :
    – I realized, of course, that Gödel’s work is of fundamental importance, but I was puzzled by it. It made me glad that I was no longer working at mathematical logic. If a given set of axioms leads to a contradiction, it is clear that at least one of the axioms must be false. Does this apply to schoolboys’ arithmetic, and, if so, can we believe anything that we were taught in youth? Are we to think that 2+2 is not 4, but 4.001? Obviously, this is not what is intended.
    @konrad,Ainsi, je pense que la preuve de Gödel n’est pas simplement une question comme « Gödel, Il a raison ou tort, son théorème est vrai ou pas », mais une question de «  réalité ou illusion ».

    1. Avatar de Benjamin
      Benjamin

      Bonjour Yu Li,

      « La question porte en fait sur le « rôle des preuves ». »

       » je pense que la preuve de Gödel n’est pas simplement une question comme « Gödel, Il a raison ou tort, son théorème est vrai ou pas », mais une question de « réalité ou illusion ». »

      D’où ma propre conclusion à mon premier message :
      « En fait cette démonstration interroge énormément sur la notion de « vérité » mathématique. »

  10. Avatar de konrad
    konrad

    Bonjour M Yu li,

    Merci d’avoir répondu au potache que je suis qui s’est immiscé dans une conversation qui le dépasse totalement.

    Je retiens que le théorème de Gödel est un « théorème existentiel ».
    Et donc qu’il se résume à la question : « Réalité ou illusion » ?
    Je ne saurais répondre mais j’aime l’idée « d’incomplétude », ça laisse une place à l’imagination créatrice.

  11. Avatar de un lecteur
    un lecteur

    Cette histoire d’incomplétude revient à dire que dans le cadre des mathématiques (Platon, nombre, formalisme, etc..), grâce à la démonstration de Gödel, il est impossible de construire une théorie (vision du monde) cohérente ou complète, validant une évidence impossible à établir dans le monde matériel des phénomènes physiques. A partir de là, on peut faire un raccourcit et prétendre la supériorité des mathématiques qui arrivent à prouver son imperfection (avec le coup de pouce des mathématiciens en explorateur du monde), donc plus proche de Dieux, si ce n’est pas carrément le langage divin dans le prolongement des travaux de Spinoza.

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