Bonjour,
Comme le silence, la peur a deux faces.
Le silence est essentiel car il faut de l’air à l’inspiration des interlocuteurs entre les phrases mais, il peut être persécutant, inapproprié, à rompre impérativement.
Idem la peur : que serait l’audace sans elle ? Et comment identifier la témérité sans les limites qu’elle nous oppose ? Les éducateurs accueillent avec bienveillance ses mouvements spontanés qui animent un enfant (tant et tant de mouvements) car aucun n’est appelé à se figer. Cependant, un éducateur spécialisé reçoit aussi des enfants que l’on a effrayés, harcelés, terrorisés et qui grandissent en saisissant où ils peuvent ce qu’ils désespèrent de trouver chez les adultes.
Avec ses généralités, je voudrais montrer qu’une certaine normalité fait coexister ces deux enfants. Ainsi, nombre d’entre nous depuis notre naissance, sommes à la fois les bénéficiaires d’une éducation suffisamment bonne, au sens de Winnicott mais aussi, en même temps objets d’un système fondé sur la peur dont en quelque sorte nous avons hérité.
Ainsi, en 1979, soldats à l’Est de l’Allemagne, nous rions mes camarades et moi (norme mâle) à l’idée qu’en cas d’alerte NBC, nous avions 100 secondes pour réagir. La même année, R. Reagan évoquait « La guerre des étoiles » tandis qu’il laissait s’échapper le rapport Meadows. Fini de rire.
Auparavant, j’ai vu l’autoroute de Wallonie, tronçon par tronçon, couper la campagne. Une nuit, dans les Ardennes, j’ai vu le ciel embraser l’horizon avec ces lumières oranges que nous repérons désormais de l’espace. En un endroit de la Lesse, une ligne à haute tension recouvrait d’un son constant le doux silence de la rivière. Affreux mais en progrès. Viol de la nature forçant la jouissance.
A Charleroi, plus de mines, plus de verreries, plus de sidérurgies. Plus de poisson dans la Sambre ni de biche à Loverval.
A la télé, la guerre. Depuis, je ne supporte plus la juxtaposition des informations médiatiques où les morts vont rejoindre le sport et la météo.
La civilisation névrosée de Freud et celle, paranoïaque de Lacan, cède la place à ce nouveau malaise : l’état limite, borderline, sans autrui, schizo. Une éducation clivée donne de beaux enfants bien clivés, bien campés pour porter haut le drapeau de la Vérité.
Le vrai, comme la peur ou le silence, a deux visages. L’un des deux, parfois, heureusement, ferme sa gueule. L’autre est une drogue dont le masque horrifié dissimule une persécution silencieuse.
Bien à vous,
Pascal
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