Extrait d’un article à paraître en juin dans un magazine.
Il est devenu clair, quand a fallu comprendre l’origine de la pandémie de Covid-19, que la perte de biodiversité fait que des maladies susceptibles de se transmettre entre vertébrés débouchent aujourd’hui de plus en plus souvent sur des zoonoses : des maladies animales se transmettant aux hommes, les chauves-souris constituant en particulier, en raison de leur bonne résistance aux virus, un réservoir privilégié de maladies pouvant se transmettre aux humains.
Dans un autre ordre d’idées, la globalisation économique fait que la production manufacturière se concentre dans des zones de rentabilité maximale qui sont aussi celles bien sûr où les populations sont présentes en fortes densités. C’est dans ce contexte qu’est intervenue une innovation née dans les bureaux d’études de la firme automobile Toyota : la pratique du flux tendu dans la gestion des chaînes d’approvisionnement, la réduction maximale des stocks associée à la vitesse maximale de réapprovisionnement, et ceci pour diminuer les frais de stockage. La confiance a été accordée à un processus permettant qu’un produit qui manque sur les rayons dans une région du monde s’y retrouvera rapidement en raison de la connaissance immédiate du niveau des stocks sur l’ensemble du réseau que le numérique autorise désormais et à la facilité de l’approvisionnement par voie maritime ou aérienne dans des processus de plus en plus automatisés et robotisés.
Or, on l’a vu dans le cas de la Covid-19 : il a suffi qu’une zone de forte production industrielle comme la province chinoise de Hubei et sa capitale Wuhan soit soumise à un confinement pour que certaines marchandises à la production très centralisée se raréfient rapidement au plan mondial, faisant grimper leur prix, renchérissant le panier de la ménagère et constituant du coup un facteur d’inflation. La rareté peut se muer en authentique indisponibilité rompant la chaîne d’approvisionnement et débouchant sur une paralysie des chaînes de montage et le blocage complet de la production. Des machines auxquelles ne manquent parfois qu’une seule pièce encombrent alors les aires de stockage.
À la pandémie est maintenant venue s’ajouter la guerre, dont les causes mêlent raisons d’ordre idéologique et facteurs économiques. Les disruptions des chaînes d’approvisionnement ont des effets considérables quand il s’agit comme dans le cas de l’Ukraine du pays que l’on appelait le « grenier à blé de l’Europe », mais qui l’est désormais d’une zone plus vaste puisque l’Ukraine alimente en blé pour plus de 30% (jusqu’à 50%) de leur consommation, la Tunisie, la Libye et la Mauritanie. La destruction des récoltes de l’Ukraine constitue le prélude d’émeutes de la faim dans les pays les plus dépendants de sa production céréalière, quand l’augmentation du prix du blé, denrée de première nécessité, y aura atteint un niveau intolérable pour la population locale.
La hausse du prix des marchandises et des produits victimes de difficultés d’approvisionnement, voire de ruptures de stock, alimente l’inflation dans les pays où elle se manifeste. Dans une politique antisociale scandaleuse mais considérée aujourd’hui comme allant de soi, les banques interviennent alors en compensant l’érosion du capital due à l’inflation en noyant son taux dans une hausse des taux d’intérêt plus élevée. Or une hausse brutale des taux entraîne automatiquement un krach obligataire : une dépression brutale du prix des obligations en circulation, selon un mécanisme qui mérite d’être rappelé.
Les obligations sont les emprunts que les États contractent auprès des particuliers et du « marché des capitaux », c’est-à-dire auprès des institutions financières. Or, pour refléter le climat de hausse des taux dans ses nouvelles émissions obligataires, l’État doit consentir un coupon plus élevé (le taux rémunérant une obligation d’une certaine maturité) : une rente d’un montant plus élevé accordée aux prêteurs de l’État. Ces obligations nouvellement émises bénéficiant d’un meilleur rendement que celles déjà en circulation (n’ayant pas atteint leur maturité), le prix de celles-ci baissera d’un montant compensant exactement (c’est le mécanisme de l’arbitrage) le fait qu’elles ne donnent lieu qu’à un versement de coupon inférieur à celui qui constitue la nouvelle norme.
Cette hausse du coupon augmente le coût de la charge de la dette pour l’État emprunteur. Or si dans les années récentes les États ont pu faire croître le volume de leur dette nationale à coût réduit en raison de la faiblesse des taux, souvent d’ailleurs négatifs, ils seront désarmés devant une charge de la dette à nouveau onéreuse. La réponse devra alors être une hausse des taxes et des impôts au prorata.
Implication perverse mais bien pratique de l’existence de la zone euro, les dettes nationales des états membres sont absorbées par la Banque Centrale Européenne. Ceci permet à chacune de ces nations de s’endetter toujours davantage pour assurer les frais de fonctionnement d’un État-providence soutenu artificiellement, au lieu d’exiger des plus riches une participation plus équitable de leur part à la gestion de la nation, alors qu’ils représentent une portion obscène de l’empreinte carbone *.
Les disruptions des chaînes d’approvisionnement causent des hausses de prix, facteurs d’inflation. Les banques centrales haussent les taux pour maintenir le rendement du capital dans un contexte d’inflation, précipitant un krach obligataire, tandis que les États émetteurs de dette doivent en hausser le coupon, renchérissant la charge de la dette, forçant à réduire d’autant les prestations de l’État-providence, provoquant ainsi la colère de la population, qui ne tarde pas à se rebeller.
L’enchaînement des faits que je viens de décrire étant hautement plausible, le déroulement en est parfaitement prévisible, et la question qui se pose du coup est « Qui, dans les instances dirigeantes de nos pays, veille-t-il activement à l’heure qu’il est à s’assurer qu’il n’en sera pas ainsi ? »
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Rapport Oxfam 2021 :
« Les émissions par personne de la moitié la plus pauvre de la population mondiale devraient rester bien en deçà du seuil de 1,5 °C fixé pour 2030.
Les 1 % et les 10 % les plus riches devraient émettre des émissions respectivement 30 fois et 9 fois supérieures à ce seuil.
Pour atteindre l’objectif de 1,5 °C, les 1 % les plus riches devraient réduire leurs émissions actuelles de carbone d’environ 97 %. »
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