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La participation citoyenne, qu’est-ce que c’est ?
La participation citoyenne désigne le processus par lequel les citoyens sont intégrés à la prise de décision que leurs représentants exercent en leur nom. Que ce soit à l’échelle d’une ville, d’un département, d’une région ou même d’un pays entier, la participation citoyenne vise à ouvrir une partie du pouvoir délégué aux décideurs.
Comprendre la participation citoyenne à travers des exemples
Prenons un exemple simple de participation citoyenne : lorsque le/la maire d’une ville demande par un questionnaire en ligne s’il faut oui ou non adopter une politique de tri des déchets, on parle de consultation en ligne. C’est une forme de participation citoyenne : les citoyens sont invités à donner leur avis sur une question de politique publique, ici la gestion des déchets. De la même manière au niveau national, l’Assemblée Nationale organise régulièrement des consultations, comme en octobre 2021 sur l’abstention et la participation aux élections.
Cette participation citoyenne peut être plus ou moins poussée. Dans certains cas, le décideur public invite les citoyens à donner un avis spontané sur une question, comme dans l’exemple des consultations évoquées ci-dessus. Dans d’autres cas, l’ouverture à la décision est plus ambitieuse : le décideur peut par exemple organiser un débat sur une période donnée avec des interventions d’experts et un cadre de facilitation du débat ; il peut même donner toute liberté aux citoyens de décider directement par eux-mêmes d’une politique publique en organisant un référendum.
Enfin, la participation citoyenne peut être obligatoire dans certains cas. La loi oblige par exemple les collectivités à organiser des débats publics en cas d’aménagement de grande ampleur. Une autre loi oblige toute ville française de plus de 80 000 habitants à disposer de conseils de quartier, sorte de petites assemblées de quartier aux formes variables.
A quoi sert la participation citoyenne ?
La participation citoyenne sert plusieurs objectifs. Elle se révèle particulièrement efficace pour éclairer la décision publique et contribuer à produire des politiques publiques de meilleure qualité. En effet, en incluant plus de diversité dans la conception d’une politique publique, beaucoup d’aspects sont abordés et certains écueils peuvent être évitées. L’opportunité d’une politique publique est ainsi véritablement évaluée et questionnée par des personnes extérieures et indépendantes.
La participation citoyenne permet également de renforcer l’acceptabilité des mesures et de réduire ainsi la contestation. En ouvrant les discussions sur la construction d’une politique publique, les citoyens ont l’occasion de poser leurs questions et de comprendre l’objectif de cette politique. Ils peuvent alors avoir un meilleur aperçu des contraintes et des opportunités, et ainsi plus facilement accepter sa mise en œuvre.
L’ouverture des décisions par la participation citoyenne semble enfin déterminante pour restaurer la confiance du public envers le monde politique et réciproquement, souvent réduit à des querelles de boutiques et des intérêts personnels. A l’inverse, les décideurs peuvent également se défaire de cette image des citoyens souvent considérés comme consommateurs de services, éternels insatisfaits et incohérents dans leurs revendications.
De la participation citoyenne à la démocratie participative
Lorsque ce principe d’ouverture de la décision est placé au cœur du système politique, on parle de démocratie participative. En France, bien que certains efforts aillent en ce sens, nous sommes encore très loin d’une démocratie participative, mais bien dans d’une démocratie représentative. D’ailleurs, un système politique dans lequel toutes les décisions font l’objet d’une participation citoyenne n’est peut-être pas souhaitable. Il semble cependant évident aujourd’hui que la participation citoyenne doit jouer un rôle plus important dans la prise de décision publique.
« [La démocratie participative] commande que chaque décision importante fasse l’objet d’une discussion préalable avec ceux qu’elle affecte. Le pouvoir reste in fine entre les mains des représentants élus, mais ceux-ci ont l’obligation de rendre des comptes sur les choix qu’ils accomplissent. Il leur est parfaitement loisible de ne pas suivre l’avis des citoyens consultés, encore faut-il qu’ils justifient leur choix. Ils doivent motiver leur décision. »
Le Nouvel esprit de la démocratie, 2008, Loïc Blondiaux
Le (faible) développement de la participation citoyenne en France
Les prémisses de la participation citoyenne : une réponse à l’urbanisation aveugle
Loi « Bouchardeau » sur la démocratisation de l’enquête publique
Obligation d’enquête publique : informer, écouter les suggestions et contre-propositions.
Loi relative à l’administration territoriale
Donne aux communes la possibilité de consulter les citoyens et de créer des comités consultatifs.
Renforce l’information des citoyens.
Loi « Barnier » relative au renforcement de la protection de l’environnement
Crée la CNDP, autorité indépendante.
Erige un « principe de participation ».
Les processus de participation citoyenne sont nés au sein des politiques de l’urbanisme et de l’environnement. Depuis la loi « Bouchardeau » du 12 juillet 1983, des enquêtes publiques accompagnent les opérations d’aménagement affectant l’environnement. Elles respectent l’obligation « d’informer le public, de recueillir ses appréciations, suggestions, contre-propositions, afin de permettre à l’autorité compétente de disposer de tous les éléments nécessaires à son information ».
La loi du 6 février 1992 érige en principe « le droit des habitants de la commune à être informés des affaires de celles-ci et à être consultés sur les décisions qui les concernent ». Elle donne ainsi la possibilité au conseil communal de consulter la population sur un sujet, et de créer des comités consultatifs. Les citoyens ont de plus désormais la possibilité de s’informer sur les débats tenus en conseils dans les collectivités.
Poursuivant sur cette voie, la loi « Barnier » du 2 février 1995 crée tout d’abord la Commission Nationale de Débat Public (CNDP). Cette autorité indépendante organise les débats sur tous les grands projets d’infrastructure d’intérêt national susceptibles d’avoir un impact sur l’environnement. Cette loi énonce de plus pour la première fois un « principe de participation » dans le cas de grands projets d’aménagement ou d’équipement : « Chacun a accès aux informations relatives à l’environnement […] et le public est associé à l’élaboration des décisions ayant une incidence importante sur l’environnement ou l’aménagement du territoire. »
Une tentative d’institutionnalisation de la participation citoyenne dans les années 2000
Loi « Voynet » d’orientation pour l’aménagement et le développement durable du territoire
Instaure les conseils de développement.
Loi « Vaillant » relative à la démocratie de proximité
Crée les conseils de quartier, obligatoires au-dessus de 80 000 habitants.
Loi de révision constitutionnelle relative à l’organisation décentralisée de la République
Instaure les droits de pétition et de référendum locaux.
Charte de l’environnement
Consacre le principe constitutionnel de « participation du public » pour des projets ayant un impact sur l’environnement.
A l’échelle intercommunale, la loi « Voynet » du 25 juin 1999 crée les conseils de développement, obligatoires au-delà de 50 000 habitants. Ces conseils s’efforcent d’apporter une expertise citoyenne en rassemblant des bénévoles, notamment de la société civile (associations), en identifiant des projets de développement économique.
En 2002, la démocratie de proximité tente de prendre un nouvel élan. La loi du 27 février instaure des conseils de quartierdans chaque commune de plus de 80 000 habitants. L’organisation de ces conseils en termes de composition, de fonctionnement et de compétence reste libre : la commune peut en renforcer ou non l’indépendance et l’influence de ces conseils sur les décisions politiques.
La révision constitutionnelle du 28 mars 2003 permet de plus aux citoyens d’inscrire une question à l’ordre du jour de l’assemblée délibérante de leur collectivité sous certaines conditions. En effet, une pétition rassemblant 1/5 des électeurs pour une commune, 1/10 pour toutes autres collectivités voit désormais sa question étudiée en conseil collégial de la collectivité. Les modalités plus précises sont décrites ici. La révision constitutionnelle permet également aux collectivités de soumettre une décision au référendum local : pour être adopté, la moitié des électeurs doivent prendre part à l’exercice, avec une majorité de vote en faveur.
En 2004, la Charte de l’environnement, écrite par la commission Yves Coppens, érige plusieurs principes au plus haut rang de la hiérarchie des normes, notamment les principes de précaution (art. 5) et de participation du public (art. 7).
« Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement. »
Article 7, Charte de l’environnement, 2004
Le renforcement des dispositifs de participation citoyenne lié aux préoccupations environnementales et bioéthique
Loi relative à la bioéthique
Obligation d’organiser des Etats généraux pour toute réforme liée au développement de la connaissance en biologie et en médecine.
Loi relative à la mise en œuvre du principe de participation du public
Rend obligatoire la publication et la synthèse des contributions en ligne.
Ordonnance portant réforme des procédures destinées à assurer l’information et la participation du public
Définit les objectifs et les droits relatifs à la participation.
Crée le système des garants de la CNDP.
Crée un droit de saisine de la CNDP.
Crée un droit d’initiative de concertation.
En 2011, la loi introduit l’exigence d’organiser un débat public sous la forme d’Etats généraux pour tout projet de réforme concernant un problème éthique ou questions de société soulevé par le progrès scientifique en biologie et en santé. C’est la première et unique apparition dans la loi du terme de « conférence de citoyens », avec les caractéristiques suivantes : représentative de la diversité de la société, comprenant une formation des citoyens, délibérative, produisant des recommandations reconnues publiques.
Les « conditions et limites définies par la loi » évoquées dans l’article de la Charte de l’environnement ne seront précisées que plusieurs années plus tard. La loi du 27 décembre 2012 fait suite à une décision du Conseil Constitutionnel ayant jugé que les dispositions légales relatives à la participation du public étaient insuffisantes. Cette loi oblige ainsi à mettre en ligne les contributions reçues dans le cadre des consultations, et introduit la nécessité de produire une synthèse de ces contributions. Cette loi est complétée par une ordonnance déclinant ces dispositifs sur les décisions administratives individuelles.
Par une ordonnance du 3 août 2016, le gouvernement définit enfin les objectifs et les droits conférés au public : accéder aux informations pertinentes, avoir le temps de formuler des observations et des propositions, être informé de la manière dont les contributions ont été prises en compte. L’ordonnance crée par ailleurs le réseau des garants de la CNDP, chargé d’assurer le suivi de multiples concertations sur le territoire.
Enfin, elle crée différents dispositifs de saisine de la CNDP pour les projets selon leur ampleur : Plus de 300 M€, la saisine est obligatoire. Entre 150 M€ et 300 M€, 10 000 résidants, 10 parlementaires, un conseil régional, départemental ou communal, une association agréée au niveau national, ou un EPCI peuvent saisir la CNDP. Entre 5M€ et 150 M€, 20% de la population d’une commune concernée, ou 10% de la population d’un département ou d’une région peuvent demander une concertation à la préfecture. De plus, 500 000 ressortissants de l’UE ou 60 parlementaires peuvent demander une concertation sur un projet de réforme d’une politique publique ayant un effet important sur l’environnement ou l’aménagement du territoire dans les conditions définies à l’article L121-10 du code de l’environnement.
A ces différentes étapes s’ajoutent d’autres initiatives, comme les budgets participatifs par exemple. Ceux-ci ont fait leur apparition en France au milieu des années 90 dans les communes de Morsang-sur-Orge et Saint-Denis. Ils se retrouvent aujourd’hui dans plus de 100 communes. Les exercices de conventions citoyennes se sont également développées ; au niveau national avec la Convention citoyenne pour le climat, comme à d’autres échelles par exemple à Nantes ou à Besançon.
Les dispositifs de participation citoyenne sont donc variés et poussent l’inclusion des citoyens à différents degrés. La chercheuse américaine Sherry Arnstein a d’ailleurs développé dès 1969 une échelle d’évaluation de la participation. Elle place dans l’ordre : 1. manipulation, 2. thérapie, 3. information, 4. consultation, 5. conciliation, 6. partenariat, 7. délégation de pouvoir, 8. contrôle des citoyens. On distinguera notamment l’échelon de la consultation, où l’échange est unilatéral, des échelons de participation supérieurs. Cette hiérarchie, issue d’une vision américaine, oppose cependant « contrôle des élus » et « contrôle des habitants ». Elle ne laisse à mon sens pas suffisamment de place à la concertation (élus organisant une délibération authentique entre acteurs produisant un avis), et à la co-construction, dans laquelle les citoyens ont encore davantage de pouvoir de décision en coopération avec les élus.
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