Voici plusieurs samedis qu’environ 200.000 personnes manifestent en France pour protester contre le passe-sanitaire et l’obligation vaccinale à laquelle seront soumis certains d’entre nous. Seuls Darmanin et Macron peuvent croire et laisser croire que cela représente une menace pour la République. Seuls des politiciens à l’ancienne répartis sur l’échiquier politique français peuvent penser et laisser penser que la défense de la liberté au sens large anime le participants.
Mais qui sont ces personnes dont il est malaisé de comprendre ce qui les rassemble tant leurs origines sont diverses ? Mal à la l’aise lorsqu’ils sont interrogés, ils réclament d’abord de pouvoir prendre du recul face aux décisions centralisées et autoritaires prises par les pouvoirs et d’être écoutés.
Pouvons-nous leur refuser la liberté qu’ils réclament de ne pas être vaccinés et de ne pas présenter un passe-sanitaire chaque fois qu’ils projettent de se rendre dans des lieux fermés ? Et à l’inverse, comment, à leur tour pourraient-ils s’opposer à la demande de la très grande majorité des Français de vouloir être protégés par un vaccin et par le passe sanitaire des autres ?
Que pèse un plaidoyer aux idées discordantes pour le droit à une liberté que tous mettent en avant dans une structure politico-économique dominée par une oligarchie ? Cela a tout l’air de la défense d’une servitude volontaire.
Issus des classes moyennes en difficulté et condamnés pour nombre d’entre eux à se nourrir d’une alimentation néfaste pour leur santé, à loger dans des locaux en mauvais état, à ne pas être soignés lorsque leur état l’exige, à renoncer aux études pour leurs enfants et à des emplois attrayants pour eux, ces mécontents ont reçu toutefois une éducation suffisante pour accéder à la compréhension du dérèglement des systèmes dans lesquels ils évoluent.
Ils ont rapidement compris qu’en 2017, Macron avait été le candidat des dirigeants, des riches, de ceux qui avaient suivi des études supérieures et de leurs partisans. Bref de tous ceux qui pouvaient encore profiter d’un système très injuste et de surcroît particulièrement destructeur. En outre ils n’ont pas perdu de vue que le président de la République avait été élu par des vieux plutôt aisés et, par conséquent, ne représentait pas la majorité des Français.
Je crois que ces gens ressentent la peur de ceux qu’une grande précarité fragilise dans un monde anéanti. Ces manifestants disent une chose simple : « Nous ne voulons plus de ce monde ; nous ne voulons plus du système de gouvernance mis en place contre notre volonté et se perpétuant depuis des siècles ; et nous ne voulons plus de ceux qui se cooptent pour en assurer la direction ». Mêlant ainsi refus du népotisme, du clientélisme, de la partialité et des injustices, des abus de biens sociaux et du trafic d’influence pouvant aller jusqu’à la corruption et le refus de la prédation et de la dévastation des milieux au seul nom du profit et de l’accumulation.
Toutefois, savent-ils vraiment ce qu’ils voudraient pour satisfaire leurs besoins et combler leurs désirs ?
Beaucoup de médias s’étonnent de la présence parmi eux de citoyens d’extrême-droite et d’extrême-gauche et s’empressent aussitôt de les disqualifier au nom d’une bien-pensance. Mais nul ne paraît se demander – et Macron non plus – ce qu’ils pourraient avoir en commun qui les pousseraient à ne pas regarder qui marche à leurs côtés et quel sens cela pourrait avoir ? Quelles idées, quelles convictions les rassembleraient ? Quelles aspirations ils auraient pour l’Humanité ?
Au fond, n’est-il pas heureux que ce mouvement soit hétérogène ? Cela n’est-il pas gage d’abondance, d’exubérance théorique, philosophique et spirituelle et aussi l’assurance qu’un autre monde peut se mettre en marche ? L’autre volet de l’alternative étant un néo-fascisme conduisant à la barbarie.
Imaginons, comme ils y ont droit, que ces contestataires reçoivent une véritable formation de haut niveau selon le modèle des conférences de citoyens, reposant contradictoirement sur des bases critiques ; imaginons que la parole leur soit enfin régulièrement donnée dans l’hypothèse d’une régénération de la démocratie directe au sein d’assemblées locales ?
Alors, après avoir compris qu’ils étaient opposés sans le savoir vraiment au système économique et financier au nom duquel on régit le monde depuis belle lurette, leurs yeux pourraient se dessiller et ils pourraient bien acquérir la conscience que le système qui fait la part belle aux barbares et aux prédateurs est bel et bien effondré et que la crise sanitaire – crise de la vie – n’est rien d’autre qu’une des conséquences de la dégradation infinie de notre milieu, de la crise écologique en cours. Et pour qu’ils admettent que la responsabilité du système capitaliste dans les atteintes au vivant, dans les perturbations infligées à la vie sauvage, dans les pollutions, dans le pillage des ressources, dans la production de déchets des plus anodins au plus dangereux, dans la disparition de la bio-diversité et que l’exploitation des humains est avérée, il ne manque plus qu’un dernier coup de pouce. Un dernier effort pour se rassembler en une Grande Vague des Égaux, sous la seule bannière, anti-capitaliste. Avec, dans un monde en réparation, un monde qui se rétablit et que l’on s’affaire, ici et là, à remuer et en réensemencer, ce mot d’ordre unique : « Faisons notre égal de tout être humain ». Et s’emparant de ce contenant qu’on leur a, depuis si longtemps, appris à détester, ils œuvreraient ensemble pour lui donner le plus réjouissant, le plus stimulant et le plus inattendu des contenus.
Mieux informés pour comprendre la globalisation du monde et donc sa complexité, ils façonneraient, à n’en pas douter, une société altruiste, sans domination ni compétition, basée sur l’équité, l’entraide, l’appui mutuel et la disparition de la propriété.
Qui voit d’autres solutions ?
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