À propos de ma vidéo « Double deuil » de ce matin.
– Edgar Morin vient de fêter ses 100 ans. Je ne connais pas ton état de santé mais il n’est pas impossible que tu ne sois qu’à 75% de ton temps de vie 😉 . Néanmoins je suis d’accord qu’il est rationnel à cet âge de « mettre en ordre ses papiers ». Une fois que cette formalité est réalisée, une fois le devoir psychanalytique et philosophique accompli (avoir appris à mourir à soi-même), au fond, on peut alors profiter d’une certaine sérénité, durant les éventuelles 25 années qui suivent.
– J’ai déjà investigué aussi l’hypothèse que mon propre souci de l’extinction de l’humanité n’était qu’un paravent destiné à masquer habilement, sous le couvert grandiloquent et commode de la philanthropie, ma propre peur égoïste de ma propre mort. La psychanalyse, c’est sa force, a tendance à réduire à des choses peu glorieuses toutes les élucubrations et grandiloquences de l’esprit…
– Je m’interroge néanmoins sur ce qui conduit des êtres humains (une minorité probablement) à formuler de tels concepts (la survie de l’humanité) qui n’ont pas beaucoup d’intérêt dans le cadre de la théorie de l’évolution classique, en termes d’avantage pour la survie. Y a-t-il un gène du souci de l’avenir de l’humanité, ou du moins du temps long et des générations futures, qui dégénère en « souci pour l’avenir de l’humanité » grâce à la culture, qui aurait été sélectionné dans l’évolution (ou du moins pas anti-sélectionné) de nos ancêtres en peaux de mammouth (« Pourvu qu’il y ait encore des mammouths pour mes arrières-arrières-petits enfants ! »), et qui pourrait assurer la survie de la minorité humaine en disposant ? C’est vrai qu’à long terme, en disposant d’une telle puissance technologique, ne survit que l’humanité composée d’individus qui se soucient du long terme. Il y a déjà des mécanismes évolutifs qui sélectionnent le « sacrifice pour autrui », favorables à la survie des groupes, donc des groupes de gènes (par proximité de groupe)… N’oublions pas que l’homo sapiens est peut-être l’espèce qui partage le plus de gènes avec nous (même si parfois j’en doute à titre personnel quand je vois mes semblables). En se souciant de la survie de l’espèce, on s’assure la transmission d’une bonne partie de ses propres gènes 😉
– Une différence notable avec toi, mon cher Paul, est que je n’ai que 37 ans, et que je connais des gens qui se souciaient également de la survie de l’humanité dès 16 ans. Une certaine Greta Thunberg par exemple. Difficile dès lors de maintenir l’hypothèse selon laquelle « seuls ceux qui sont plus proches de la mort se soucient de l’extinction de l’humanité ». À moins que Greta soit secrètement malade ? Moi pas en tout cas ! On peut néanmoins maintenir à ce stade l’hypothèse selon laquelle « seuls ceux qui se soucient de leur propre mort se soucient de l’extinction de l’humanité »… Mais est-ce vraiment le cas, le souci de l’humanité a-t-il toujours un fondement égoïste ?
– Comme nous sommes tous mortels et susceptibles d’en être conscients (et tous, nous en sommes probablement « inconscients » très jeunes de cette finitude), difficile de trouver un groupe contrôle pour tester cette hypothèse…
– Mais on trouve quand même beaucoup trop de jeunes pétants de santé qui s’en soucient depuis la mi-2018, et autant si pas plus de seniors qui n’en ont strictement rien à secouer, pour que l’hypothèse de la corrélation du double deuil soit relativement affaiblie par les statistiques…
– En outre, ces jeunes gens luttant pour le climat font partie probablement des derniers humains qui s’éteindraient en cas d’effondrements. Peut-être même que ça aurait lieu après leur mort à eux. Est-ce vraiment rationnel de marcher pour le climat quand on est jeune, riche et en bonne santé, habitant au centre de la puissance mondiale ?
– Je me dis que peut-être, il y a des sublimations qui échappent même à la psychanalyse et à son prosaïsme ? Qui sait, nous sommes peut-être un peu plus que la somme de nos pulsions ?
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