Jeunes gens, mêlez-vous de ce qui vous regarde !
Pendant combien de temps encore accepterez-vous de subir les contrecoups de la crise sanitaire, composante bien visible d’une incontestable crise écologique majeure ?
Nombre d’entre vous, et cela est intolérable, ont faim, sont mal ou pas logés, sont mal ou pas soignés et la mort dans l’âme se résignent à abandonner leurs études, ignorant si cette décision est provisoire ou définitive. Les difficultés que vous rencontrez pour trouver les stages indispensables à votre formation et à la validation de vos travaux ajoutent à votre détresse.
Nombre d’entre vous constatez avec colère la dégradation de notre environnement et l’insuffisance des décisions prises pour y remédier.
Néanmoins, d’un peu partout, des associations, des particuliers qui croient plus que jamais à l’entraide, proposent leur soutien et leur concours. Cela est essentiel car il s’agit maintenant de sauver des vies. Cela témoigne aussi de la tristesse des habitants de ce pays qui comprennent à quel point la situation est périlleuse et sera terrible lorsque leurs enfants et petits-enfants auront définitivement perdu l’espoir.
Face au désarroi, on vous suggère de consulter des psychologues, cela n’est pas une mauvaise idée car parler de ce qui nous angoisse ou désespère est nécessaire. Las, il s’agit d’une décision individuelle et cela demeurera insuffisant pour imaginer collectivement des objectifs et ouvrir des voies.
Face au désarroi, on vous prie d’attendre que les conditions soient de nouveau rassemblées pour qu’enfin la vie reprenne comme avant. Mais croyez-vous vraiment au retour du monde d’avant ?
Face au désarroi, on vous prescrit la réussite individuelle, on vous recommande la croissance, le commerce et son frère jumeau le gaspillage, on vous enjoint de croire en une religion féroce – le capitalisme –. Mais ne faudrait-il pas d’abord songer à s’en débarrasser ?
Jeunes gens, rassemblez-vous ! Rassemblons-nous ! Votre responsabilité collective sera d’aider vos concitoyens et notamment les enfants à supporter les chocs et à ne pas abandonner la partie.
Jeunes gens, les générations qui vous ont précédés n’ont pas su analyser comme il convenait les situations sociale et environnementale dans lesquelles vous vous démenez. Elles sont également impuissantes à vous proposer une vision globale et positive de l’avenir et à vous montrer un chemin à suivre. Alors comme « Il n’y a aucun autre choix que d’inventer ce qui n’a jamais été » selon Aurélien Barrau, qui lors d’une autre prise de parole précisait : « Aucun pouvoir politique qui ne fait de l’écologie sa priorité n’est aujourd’hui crédible. » Alors, mettez-vous en mouvement avec une idée simple : tout transformer radicalement.
D’une manière générale, dans les vingt prochaines années, nous serons les témoins de changements considérables. Changement climatique, baisse des ressources, pression démographique, pollutions diverses et empoisonnement des sols fertiles, surabondance des déchets, urbanisation incontrôlée et artificialisation des sols, érosion de la biodiversité, corruption des océans, emplois en forte diminution, fragilité des circuits d’échanges marchands, gestions crapuleuses, logique de l’illimitation et injustices sociales nombreuses à l’origine dans nombre de pays de crises démocratiques et de tentations totalitaires ; en outre la perspective de vivre pendant les prochaines décennies avec des virus en grand nombre nous contraint dès à présent à nous inspirer de la crise sanitaire actuelle pour changer de cadre et pour trouver un mode de vie adapté aux nouvelles conditions sans penser à coloniser d’autres planètes. Oui, le monde aura bien changé.
Après des décennies d’agressions diverses, de dégradations et de pollutions infligées par l’espèce humaine, la terre n’en peut plus. Ses réponses pour préserver la vie et venir à bout des souffrances sont jour après jour plus brutales. Par conséquent, de plus en plus d’êtres humains se rendent compte qu’il n’existe plus qu’un seul remède efficace : soumettre l’espèce humaine à une cure de désintoxication du capitalisme jusqu’au retour à la raison.
Difficile donc de ne pas remarquer que le cadre économique et financier dans lequel nous existons est la cause principale d’injustices sociales considérables. L’encouragement de la maximisation illimitée des profits est précisément la cause directe de l’effondrement des systèmes.
Nous sommes de plus en plus nombreux à espérer que de cette période difficile subsistent des comportements nouveaux adossés à des valeurs nouvelles parmi lesquelles portées par des écolo-anarchistes : la sobriété, l’entraide, la gratuité des biens communs indispensables à l’humanité et l’amour des autres. Nombreux à espérer que, pour échapper à l’éco-anxiété, chacun se mettra en chemin pour retrouver la paix intérieure et croire enfin qu’il peut être heureux.
Alors, l’alternative est simple. Soit nous acceptons l’affaiblissement voire l’explosion des états et donc la coexistence de zones opulentes défendues par des milices et de zones misérables tournées exclusivement vers leur survie ; soit nous décidons de nous en remettre à la fraternité et d’aimer nos différences.
En effet, l’alternative est simple. Soit nous continuons à consommer en cinq mois les ressources d’une année entière – l’équivalent chaque année de 1,7 planète – , soit nous décidons ensemble de changer nos modes de vie pour sauver l’espèce humaine et maintenir en état la planète Terre.
Ce que nous savons, ce que vous savez, les détenteurs divers des pouvoirs le savent aussi. Mais ils ne font rien et surtout ils ne feront rien. Votre attente est vaine.
Soyez attentifs à vos nouveaux désirs ; soyez attentifs à vos nouveaux besoins pour leur faire correspondre de nouvelles activités. Ce devra être votre ambition. L’ambition de tous.
Avons-nous d’autres choix que de nous déclarer favorables à une économie au service de l’humanité et du vivant dans le respect absolu de la planète, de ses ressources et de ses capacités à se régénérer. Et de proposer à nos concitoyens une vision globale, positive et réaliste de l’avenir pour répondre à la seule question qui vaille :
« Dans quelle société voudrions-nous vivre dans les 20 ou 30 prochaines années ? »
Cette vision fera du changement climatique le premier défi à relever sans omettre les autres et elle s’appuiera sur le retour de la nature dans nos vies, sur l’ensauvagement de zones artificialisées à l’extrême, sur la cohabitation avec les virus ; votre vision devra prévoir de mettre en œuvre un plan audacieux de sobriété dans tous les domaines. Faute de quoi l’espèce humaine disparaîtra.
Renonçons ensemble à la logique des petits pas car il est urgent de proposer, et d’obtenir, un changement significatif de nos comportements en une dizaine d’années.
Sommes-nous incapables de proclamer ce qui niche dans le secret de nos cœurs : nous en avons assez de ce monde exigeant : aller vite, gagner de l’argent, consommer, posséder, se déplacer sans raison, avoir tout vu ou tout écouté, vouloir tout goûter et tout savoir. Vouloir Noël tous les jours ; assez d’un monde dans lequel on ne consacre plus beaucoup de temps à sa vie ni à celle des autres ; d’un monde où marchands et spéculateurs appellent à la défense d’un mode de vie qui n’est qu’une chimère de citadins déconnectés de la nature ; d’un monde qui n’est pas le nôtre.
Et si cette crise nous offrait l’occasion de nous demander si nos désirs sont des besoins, de quoi nous pourrions nous passer sans ressentir un douloureux manque et ce que nous exigerons, ce que nous imposerons, après, lorsque le virus aura baissé la garde pendant un instant. Ce moment viendra et nous triompherons.
Ceux qui appartiennent aux générations qui vous ont précédés vous en conjurent. Ne laissez plus le désarroi nous miner, l’angoisse nous ronger, l’intolérance nous envahir. N’acceptez plus les mensonges ni les récits produits par celles ou par ceux qui souhaitent nous manipuler ou instrumentaliser notre fragilité ; ne cédez pas aux théories fumeuses. Renoncez à vous glisser dans les rêves de vos parents et grands-parents. Regardez la réalité en face et faites-vous confiance.
Jeunes gens, proposez-nous une autre vision du monde : tous pour chacun.
Le moment est donc venu d’imaginer ensemble, là où nous vivons, un monde qui présente la double particularité d’être déjà là et de se dérober à toute tentative de l’imaginer. Nous serons seuls responsables de notre avenir dans des contrées devenues défavorables. Rien ne sera simple mais nous savons que nous pourrons compter sur quelques valeurs : l’entraide, la mutualisation des moyens, la sobriété, l’éducation, le respect et l’abnégation… À condition de renforcer les liens qui nous unissent pour, grâce à l’intelligence collective, développer la résilience nécessaire et nous rendre compte que nous pouvons être autosuffisants si nous nous demandons d’abord quels sont nos besoins réels et de quels moyens nous disposons pour les satisfaire. À condition que la création artistique remplace la fuite en avant technologique. Nous devons fournir la preuve que nous sommes capables de porter une manière nouvelle d’être au monde. Alors, de toute urgence, commençons à réfléchir à un projet de société qui nous aidera à partager et à supporter nos craintes et nos peurs.
Jusqu’à une époque récente, la réussite professionnelle valait réussite d’une vie. Les parents rêvaient que leurs enfants volent de succès en succès dès l’école élémentaire. Chacun s’accordant à dire que plus on menait d’études longues plus on disposait de chances d’occuper un poste important et bien rémunéré. Tout cela fut vrai tant que l’économie reposant sur une croissance forte générait des emplois nombreux. Et puis, il fut clair à partir des années soixante-dix du vingtième siècle que la croissance était liée au coût de l’énergie et singulièrement à celui du pétrole dont la production diminuerait inexorablement. Si l’on ajoute l’arrivée depuis une vingtaine d’année de l’informatique, des logiciels et des algorithmes, des robots, des banques de données, il est plus facile d’apprécier la diminution inévitable du nombre d’emplois. Malgré les efforts des familles usant alors de tous les stratagèmes pour maintenir les enfants dans le peloton de tête, l’évidence a fini par s’imposer : pour être heureux dans sa vie il ne fallait pas seulement compter sur l’exercice d’un métier.
Pour libérer les enfants – quel que soit leur âge – de cette pression considérable, génératrice de troubles psychologiques et physiques divers, de souffrance sociale, de comportements addictifs et déviants, il est désormais nécessaire que leur éducation, leur formation reposent sur trois piliers : un apprentissage le plus large possible dans un esprit de coopération, une participation à la production collective de biens utiles à la communauté et un enrichissement artistique et philosophique dans les domaines les plus variés.
Jeunes gens, libérez-vous des fausses certitudes, de vos servitudes, et constituez des groupes autonomes pour vous émanciper !
Constituez des groupes prêts à intervenir à proximité, dans tous les domaines de la vie quotidienne, sur le modèle des résistants des années quarante. Pour faire cesser les injustices et les atteintes à notre écosystème, pour réparer et / ou reconstruire…
Réorganisez la démocratie et implantez partout des réseaux. Accueillez les femmes et les hommes de bonne volonté et de tous âges.
Rencontrez celles et ceux qui détiennent des pouvoirs, non loin de chez vous, vos professeurs, les dirigeants d’entreprises, les bénévoles des associations, les femmes et les hommes politiques. Exigez d’être consultés pour toutes les décisions car il s’agit avant tout de votre vie et de votre avenir. Participez à la définition du cadre dans lequel s’effectuera nécessairement la réorganisation des niveaux de notre sociétés, la réparation de notre milieu dans les domaines les plus divers et la lutte contre les injustices.
Demandez tous à participer à un service civil, appuyez-vous sur l’entraide et la mutualisation des ressources pour donner gratuitement votre travail et faire profiter de vos connaissances.
Demandez à intervenir dans les écoles. Préparez-vous à exercer plusieurs métiers, à accorder à l’agriculture une nouvelle place, prépondérante et régénératrice. Encouragez l’habitat et le travail à la campagne car chaque région de France mérite qu’on la respecte. Participez à la production de la nourriture pour tous. Exigez de vivre dans la beauté et encouragez la création artistique, l’écriture, la poésie, la musique.
Faites confiance aux mots pour désamorcer la violence répandue sur la terre et déclencher une révolution pacifique, paysanne et poétique.
Voici peu de temps, vous étiez de jeunes enfants chéris, idolâtrés.Vos parents et vos éducateurs étaient persuadés qu’il fallait vous encourager à prendre la parole très tôt. Vous l’avez prise, sans savoir hélas qu’en faire. Désormais, on vous la donne mais comme personne n’est plus sûr de rien, on insiste pour que vous la preniez et proposiez des solutions dont les vieux sont incapables. C’est votre chance, saisissez-là !
En effet, la crise sanitaire peut être considérée comme une bonne nouvelle. Profitons de cette période de confinement /déconfinement / reconfinement / couvre-feu pour apprendre ou réapprendre à ralentir, pour imaginer une manière solidaire de vivre, pour renoncer à certains de nos tics et manies et pour changer nos habitudes coûteuses.
Demandez-vous quelle vie vous désirez mener parmi les autres ? Ne vous demandez pas ce que vous voulez faire mais qui vous voulez être. Comprenez qu’il vous faut choisir entre la vie qui s’étend et s’étale devant et autour de vous, une vie de mauvais bruits et de sales odeurs, de trognes moches et de foutaises diverses et variées contre une vie à inventer. Comme jamais femmes et hommes du temps passé n’ont eu l’occasion de créer la leur. Une vie où l’on vit, d’harmonie et de paix et ce n’est pas trop demander. Une vie avec des arbres et des animaux, une vie qui ne dévore pas notre liberté et s’écrive en poésie. Rien qu’une vie simple où les humains ne s’embarrasseront pas de leurs différences.
Jeunes gens, mobilisez-vous ! L’immense tâche qui vous attend, promet d’être exaltante.
Alors, soyez créatifs ! Prenez le pouvoir tous ensemble et ne le rendez pas !
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