Les aimables personnes qui traduisent désormais mes billets en anglais ont ressuscité le compte-rendu que j’avais fait de l’audition du Conseil spécial Robert Mueller. Vous trouverez la traduction ici. J’en profite pour reproduire ce billet, le faisant précéder de l’introduction que vous trouverez dans le Tome II de La chute de la météorite Trump.
25 juillet 2019
Les conclusions de la commission Mueller sont considérées comme un désastre par les Démocrates et comme une victoire en rase campagne par les Républicains
Dans mon écoute, je tente de détecter la différence qu’établissent ceux qui sont dans le secret des dieux, entre la partie émergée de l’iceberg : ce qu’ils peuvent révéler au public que nous sommes, et sa partie immergée à propos de laquelle il font discrètement allusion dans leurs échanges entre bons entendeurs.
Ainsi, lors de l’audition de Robert Mueller devant le Congrès, à Adam Schiff qui lui demande : « C’est le genre de choses dont sont faits les cauchemars du contrespionnage, n’est-ce pas ? », le Conseil spécial lui répond : « Cela relève du contrespionnage et de la nécessité d’une structure du contrespionnage forte ».
Audition de Robert Mueller : Un bilan
M. Robert Mueller est un vieux monsieur. Il va avoir 75 ans dans quelques jours (le 7 août), et plusieurs commentateurs américains s’en sont plaints, qui espéraient hier quelqu’un avec davantage de punch, avec une voix moins fluette. Ils disaient qu’aujourd’hui à 74 ans, on a davantage d’assurance, on ne cherche pas parfois ses mots, comme ce fut quelquefois le cas hier.
Je suppose qu’à la différence de Robert Mueller et, entre autres, Paul Jorion, ils n’ont pas assisté pour la plupart aux 7 heures d’audition, et n’ont donc pas souffert d’un coup de fatigue.
Je vous ai rendu compte des 7 heures en direct. Je suis allé voir ce matin ce que les autres avaient observé. En gros, nous avons noté la même chose : Mueller disant qu’il n’avait pas exonéré Trump, que son enquête n’était ni une chasse-aux-sorcières, ni un canular (hoax), que Trump pourrait être inculpé à la fin de son mandat, qu’il restait la partie cachée de l’iceberg : les choses dont s’occupe en ce moment, le contrespionnage.
Qu’est-ce que je n’ai pas relevé hier et que j’aurais sans doute dû ? En raison sans doute d’une vieille sympathie pour Julian Assange, qu’appelé à qualifier les commentaires dithyrambiques de Trump à la gloire de WikiLeaks (qu’un député a lus in extenso), Mueller a dit : « Ils sont problématiques… c’est le moins qu’on puisse dire. » Aussi, que Mueller a précisé qu’en rapport avec WikiLeaks précisément, Donald Trump Jr. fait l’objet d’une enquête en ce moment même, en lien avec des propos tenus par lui qui peuvent être interprétés comme une collaboration active avec WikiLeaks.
Qu’ai-je noté qui ait échappé aux autres ? Peut-être la larme furtive que Robert Mueller essuie subrepticement quand Adam Schiff, président de la commission Renseignement du Congrès, lui pose avec solennité la question : « Est-ce que ce qui est le plus lamentable dans cette affaire, ce n’est pas ce manque de loyauté flagrant de notre Président envers nos institutions ? ». Si vous avez saisi à ce moment-là votre tasse de café un peu à droite devant vous, vous ne l’avez pas vu, parce que ça s’est passé très vite, comme un clignement d’œil. Pour l’avoir vu, il faut effectivement être vissé devant son écran et l’oeil fixé sur lui, comme votre serviteur 😉 .
Des Démocrates et des Républicains, qui l’a emporté hier ? Les Démocrates qui imaginaient que Mueller se révélerait l’égal de l’Homme-chauve-souris remettant de l’ordre dans Gotham City, ont dû être bien déçus devant le vieux monsieur qui n’était plus que l’ombre du sous-lieutenant des Marines continuant de diriger sa section en dépit d’une balle dans la cuisse. Les Républicains qui s’apprêtaient à pulvériser en la personne de Mueller le sous-marin Démocrate qu’ils dénonçaient, ont fait machine arrière, les Démocrates ayant habilement souligné le parcours sans faute d’un American Hero, chouchou de tous les présidents Républicains avant Trump : de Reagan au fils Bush, en passant par Bush le père.
Les Républicains ont par ailleurs commis une erreur stratégique majeure, dont ils ne mesureront l’importance que plus tard. Ils sont sans cesse revenus à la charge à propos du rapport Steele, insistant sur le fait que c’est ce rapport, une manoeuvre de désinformation selon eux, qui a été à l’origine de la commission Mueller, et qu’une enquête doit maintenant être diligentée quant aux personnes qui ont fait circuler ce rapport. « Pourquoi untel et untel n’ont-ils pas été inquiétés, maintenant que la fausseté est avérée ? ». Or la fausseté n’a jamais été démontrée et Mueller a laissé entendre hier à plusieurs reprises que l’enquête était toujours en cours. Une réponse indirecte aux Républicains a été apportée par Adam Schiff, le député Démocrate présidant le commission, et Mueller conjointement, dans un très beau petit dialogue, qui s’adressait à l’Histoire qui leur donnera raison, plutôt qu’à ces députés Républicains d’ores et déjà sur la touche pour ne pas être dans le secret des dieux :
Schiff : « Si le candidat Trump disait : ‘Je n’ai pas de relations avec les Russes’, mais que les Russes avaient un enregistrement, ils pourraient en faire usage, n’est-ce pas ? »
Mueller : « Oui. »
Schiff : « C’est le genre de choses dont sont faits les cauchemars du contrespionnage, n’est-ce pas ? »
Mueller : « Cela relève du contrespionnage et de la nécessité d’une structure du contrespionnage forte ».
Que va-t-il se passer maintenant ? Les rangs des parlementaires en faveur de la destitution du Président (impeachment) vont continuer de grossir lentement mais sûrement. Et Mme Pelosi, à la tête de la majorité Démocrate au Congrès, va continuer de répéter de son côté : « Laissons la justice avancer de son pas ! » Elle n’ajoutera pas « … ainsi que le contrespionnage en parallèle », mais le petit pas-de-deux de MM. Schiff et Mueller hier fera peut-être que davantage de parlementaires auront compris son jeu subtil.
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