Annie Le Brun a publié chez Stock en 2018 Ce qui n’a pas de prix. Beauté, laideur et politique, une dénonciation en règle d’une arnaque intitulée « marché de l’art contemporain », dont la fonctionnalité est double :
1° Autoriser autour de croûtes des joutes entre les plus grosses fortunes du type de celles qui faisaient rire les Romains à propos des Gaulois : leurs beuveries où dans une escalade dans l’emphase, les chefs de clan gueuleraient à tour de rôle que la leur était la plus grosse.
2° Recycler des quantités astronomiques d’argent sale.
Dieu sait pourquoi je reçois depuis un certain temps les newsletters de sites vendant de « l’art contemporain » : un catalogue de croûtes ne valant en réalité pas un clou.
J’aimerais vous montrer ce qu’on me propose d’acheter à l’instant pour la somme modique de « entre 75.000 et 100.000 dollars » : une horreur dont le seul mérite est d’évoquer vaguement le Picasso de la période bleue, le talent en moins. Je crains cependant que « le marché » ne se défende à sa manière habituelle lorsqu’on tente de rappeler les vertus de la qualité contre celles de la quantité : une offensive de juristes mercenaires sous la forme d’une menace de procès.
Ne comptez pas sur moi bien entendu pour m’apitoyer sur le sort de gens ayant 100.000 dollars à foutre en l’air, mais ce qui m’intéresse, ce qui a retenu mon attention, c’est la stratégie de ces prétendus « marchands d’art », la manière dont on tente de vous allécher, de vous convaincre qu’il s’agit d’un « excellent placement », à savoir l’allusion. Autrement dit, ce que je viens de mentionner : que ce tableau offert à la vente à un prix défiant toute concurrence (mais néanmoins bourré de zéros), vous rappelle vaguement quelque chose dont on vous a convaincu à une époque qu’il s’agissait bien de « l’art ». Je ne parle pas de la beauté bien entendu – soyons sérieux ! – mais d’une réminiscence lointaine de Chagall, de van Gogh, de Michel-Ange ou, pourquoi pas, de Léonard de Vinci : un tampon marqué « culture » à la portée de celui qui malheureusement pour lui n’en a pas, mais dispose à la place de son substitut : du cash en quantité substantielle.
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