Deux aspects étranges du coronavirus ont émergé ces derniers mois : sa mutation et ses séquelles. Le second aspect, les séquelles, me rappelle, mutatis mutandis, une étrangeté récemment perçue à l’intérieur de nos sociétés humaines.
Commençons par notre virus qui nous nargue sous sa couronne :
Le premier aspect est raconté ici par exemple (accès limité gratuit, on y mentionne notamment ces deux articles (1) et (2) en « preprint »).
Il s’agit de la présence d’une lignée plus apte que celle de Wuhan à infecter et donc à favoriser la contagion. Car certes, la très grande majorité des mutations de ce virus sont sans effet, mais cette mutation-ci semble avoir un effet, qui va dans le sens d’une plus grande contagiosité.
De fait, c’est la souche qu’on retrouve le plus aux USA, qui a aussi sans doute fait de gros dégâts en Italie etc. Elle est basée sur le changement d’un seul acide aminé, de « D » (acide aspartique) , à « G » (glycine) [rappel : il y a 20 acides aminés codés par 3 « lettres » chacun], en position 614. Il s’agit d’un point assez critique de la fameuse protéine « spike », la protéine de la couronne, saillante, qui se lie au ACE2.
La mutation consolide surtout la protéine qui dans la forme G est un peu fragile à son n°614, et l’entrée dans la cellule, mais n’a pas l’air de changer trop l’affinité pour ACE2 (affinité => probabilité d’y »coller » dès que trouvé).
Je prends toutefois avec des pincettes l’information « dix fois plus contagieux » qui est indiquée dans ce genre d’article. Un peu comme dans les représentations usuelles des charges PCR (par exemple en nombre de cycles entre 28 et 35 dans les premiers articles d’un certain professeur marseillais), ce facteur 10 est une question de concentration de ce qu’on détecte. Et c’est souvent le logarithme qui compte, log(concentration). Donc peut-être y a-t-il dix fois plus de virus au point de départ (chez le contagieux), mais cela ne signifie pas dix fois plus de chance d’être infecté si on reçoit une gouttelette à 170 virus au lieu de 17 virus.
Au doigt mouillé, je dirais que c’est aussi « logarithmique » à la réception, mais avec un facteur X à préciser (« charge virale moyenne x10 » => « 2 fois plus de chance de contagion » , notons ce facteur X=2 dans cet exemple, … mais si on me montrait que X est entre 1.4 et 5 je le croirais bien volontiers). Et sur le « R », ce peut être un facteur encore plus petit.
Le second aspect est la présence de personnes en longue guérison, ou plutôt en longue maladie de plusieurs mois, sans qu’on comprenne si quelque chose se remet, et de quoi il s’agit. Pour moi, c’est un mystère un peu plus curieux et déstabilisant, que celui d’avoir une maladie à « longue suite » dans un petit pour cent des cas sans décès.
Ce n’est que récemment que les anatomo-pathologistes (les « anapat ») ont trouvé des tissus bizarres au fond des poumons avec des cellules multi-noyaux fusionnés. Et les atteintes aux autres organes, celles vers le cerveau qui sont liées à l’anosmie, perte de l’odorat par exemple, commencent aussi à être cataloguées systématiquement, il faudra du temps et plus de cas pour avancer.
Mais j’aurais surtout envie, sans vouloir favoriser une des hypothèses qui traîne (« le thymus vous dis-je » par exemple dans certaines publications), de faire une analogie avec le terrorisme comme nous l’avons vécu dans le monde « occidental », notamment depuis Daech.
Au lieu d’avoir affaire à des maladies infectieuses « standard » (nos tuberculoses, typhus, et autres rougeoles), le cas du sida (bien tordu quand même) puis de la covid, ressemblent à des désordres étranges car ils font jouer les parties « silencieuses » du système, les N relations peu visibles entre organes (dont une partie ont lieu via les hormones, et une autre sans doute très grande via l’immunité). Par exemple, notre moelle abrite des lymphocytes qui y font un nettoyage « lent », faute de pouvoir circuler dans un liquide, et c’est là un des réservoirs des toxines de l’arbovirus du chikungunya.
De la même façon, il me semble que le terrorisme de Daech ressemblait peu à des choses identifiées au départ. Action à distance déstabilisant pas mal d’institutions.
– En « local », c’est à dire au niveau de la France : Vigipirate fut un changement assez prononcé avec fouilles pour tous les spectacles, etc. choses qui n’allaient pas de soit avant, on peut aussi se rappeler de l’annulation en 2017 des feux d’artifices du 14 juillet à Nice, et certains grands concerts.
– Mais aussi il y eut des impacts sur les relations des parties prenantes en Syrie en général, avec des séquelles assez grosses, comme Hollande s’en est rendu compte quand il a vu les instrumentations de Daech par les uns et les autres s’opérer dans la période 2015-2017, déjà échaudé après qu’Obama eût laissé la ligne rouge être franchie côté Assad … c’était compliqué !).
Or là aussi, il s’agissait « d’organes silencieux » dont les relations furent déréglées : Daech exploitait une « énergie locale » qu’on aurait cru à l’abri des grands dérèglement pour cause de mondialisation : le pétrole des puits de la zone nord-irakienne ou est-syrienne. Même si c’était très à perte, il est parvenu à en faire une ressource, donc à trouver des « contractants » sans doute assez « voyous », mais c’était dans les zones impensables avant de l’avoir su.
En cela, donc, le mouvement était atypique un peu au même sens que les dérèglements que semble causer le coronavirus. Car le terrorisme d’avant Daech était un tant soit peu « explicable », dans les convulsions post-post-Afghanistan. Par exemple, Al Qaïda avait des canaux de financement explicables, à savoir les « dons » proches des « indulgences » que faisaient les riches Saoudiens pour se racheter de leur turpitudes au retour de leurs frasques en divers endroits du monde, notamment (vu qu’on s’ennuie, quand on est riche en Arabie Saoudite). Pour ce « besoin moral », la mission de « propagateur de l’Islam » (beaucoup de guillemets, et plus encore à Islam) était un apport du « bon » côté de la balance à ce titre de « pardon », pas évident pour une vue occidentale, mais compréhensible des connaisseurs du monde saoudien.
Donc, indépendamment du pangolin et de la chauve-souris comme cause « directe », j’ai l’impression qu’il y a un schéma commun,ce schéma est celui de la mise en présence d’un corps dont le métabolisme a dérivé (notre monde capitaliste / notre monde biologique) et d’un agent qui en profite autour de liens « qui allaient de soi », à bas bruit, en « tache de fond ». Et qui n’étaient pas efficacement défendus car pas attaqués dans le cadre usuel des pathogènes classiques/terrorismes « classiques ».
C’est une vue sans doute difficile à justifier rigoureusement, je la propose ici comme simple suggestion.
Pour revenir à la citation « La santé c’est la vie dans le silence des organes » (Leriche 1936), il y a en fond non pas « un » silence, mais « des » silences : ceux des « liens entre organes », Et ceux-là, multiples, sont dans la métaphore des étages, les « escaliers », communs aux étages (principal ou « de service »). Et de fait, ils ne sont pas reconnus aisément comme foyer du problème quand ils sont attaqués ou quand ils lâchent.
Raison supplémentaire de vouloir comprendre plus à fond ce qui « fait du lien ».
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