Le 8 mars, il y a 18 jours, je créais un fichier intitulé « Covid-19 : France, Belgique, Suisse », que j’ai tenu à jour jusqu’ici où je vous montrais le nombre de cas de contamination pour la France, la Belgique et la Suisse. J’ai ensuite ajouté l’Italie quand le nombre de décès chez nos voisins a dépassé celui de la Chine. Enfin les États-Unis où l’impréparation fera qu’ils risquent d’être la nation la plus affectée, malgré leur développement technologique.
Mon objectif était de mettre en évidence que la crise serait sérieuse dans les pays qui sont les plus familiers aux lectrices et lecteurs du Blog de PJ.
Mon objectif a été atteint : il ne reste plus grand monde pour douter que nous soyons au coeur d’un maelström qui nous touche une fois au cours d’une vie. Le nombre de cas durant ces 18 jours a été multiplié pour la France, par exemple, par 20.
Ce qui nous intéresse maintenant, c’est la tendance : est-elle à la hausse, constante, ou en baisse, ce qui laisserait entrevoir le bout du tunnel ? Et c’est de cela que je rendrai compte désormais dans des bulletins quotidiens.
Est-on en vitesse de croisière, la vitesse augmente-t-elle (j’ai accéléré), ne bouge-t-elle pas, baisse-t-elle (j’ai laissé le véhicule décélérer ou j’ai carrément freiné) ?
La tendance naturelle d’une pandémie comme celle-ci, à partir d’un nouveau virus – du moins pour les humains – est à l’accélération parce que personne n’est encore immunisé et qu’à la surface du globe (un espace à 2 dimensions), chaque individu contaminé peut en infecter d’autres situés par rapport à lui à droite, à gauche, vers le haut ou vers le bas sur la carte. Le mouvement ne freinera que quand ceux que je pourrais contaminer aujourd’hui seront demain à l’hôpital, au cimetière, immunisés (du moins on l’espère) parce que guéris, ou barricadés chez eux et refusant très sagement de m’ouvrir leur porte.
Une expansion de ce type là est exponentielle : le nombre de cas supplémentaires d’un jour à l’autre ne cesse de croître d’un jour à l’autre. Ce n’est pas que j’aie 200 cas de plus en France chaque jour, c’est que j’aie 20% de cas en plus chaque jour. Donc, si on en a 1.000 le lundi, alors oui, on en a 200 de plus le mardi. Mais le mercredi, on a en plus 20% de 1.200, ce qui fait 240 cas. Et le jeudi, on a en plus, 20% de 1.440 (1.200 + 240), ce qui fait 288 cas supplémentaires, etc. Vous voyez ce que je veux dire. Sauf que, comme vous avez pu le voir, la progression aux États-Unis était il y a quelques jours plutôt de 40%.
Le problème avec une courbe exponentielle – comme ce que je vous présentais jusqu’à hier – c’est que ça vous montre essentiellement une ligne qui monte de plus en plus droit vers le ciel et, difficile de dire au premier coup d’oeil si le mouvement s’accélère ou ralentit.
C’est là qu’intervient la fonction logarithmique de base e (le logarithme népérien). Ne vous enfuyez pas, je vais vous expliquer et il n’y a là rien de bien sorcier.
Comment montrer qu’il y avait un jour un seul lecteur sur mon blog et que maintenant il y en a un million ? Si je représente 200.000 lecteurs par chaque cran sur mon diagramme, le million apparaîtra au cinquième cran. Mais le seul lecteur du 27 février 2007 sera invisible : il sera un deux cent millième du premier cran. Mais si je décide que le premier cran représente 10 lecteurs, le second 100 lecteurs, le troisième, mille … et le sixième un million, alors mon premier lecteur unique sera parfaitement visible, de même que le moment où j’en avais 20, et ceci sur le même diagramme où apparaîtra aussi de manière très visible mon million de lecteurs. Qu’est-ce que j’aurai fait ? J’aurai représenté mes données à une échelle logarithmique de base 10.
Or il se fait qu’il existe une fonction inverse de la fonction exponentielle, la fonction logarithmique népérienne de base e (e = 2,71828… ce qui n’a aucune importance, ce qui compte, c’est que le logarithme népérien de e = 1), et – et c’est là le miracle qui nous intéresse : dans une représentation logarithmique de base e, les données d’un phénomène exponentiel apparaissent comme une droite. C’est-à-dire qu’au lieu d’avoir un truc qui a juste l’air de partir vers le ciel, on a une ligne droite, qui est simplement plus ou moins inclinée selon l’accélération : si l’accélération quotidienne est de 20% elle est un peu inclinée, si elle est de 40% elle est inclinée davantage. Et surtout, si le mouvement s’accélère, la droite cesse d’être droite et se relève, et s’il décélère, elle s’affaisse. Je vous montre ça sur des exemples réels.
Pourquoi est-ce que je vous répète depuis plus de quinze jours que la pire catastrophe aura lieu aux États-Unis ? Vous allez voir.
Vous avez vu : la tendance aux États-Unis en échelle logarithmique est une droite quasiment parfaite. Ce qui veut dire que RIEN ne vient freiner le développement de la pandémie, ni voisins immunisés, ni voisins confinés. Comme sur un boulevard !
Maintenant regardez l’Italie : le pays au plus grand nombre de décès à l’heure actuelle [* en fait les États-Unis ont dépassé l’Italie au moment même où j’écrivais mon billet].
La ligne représentant la tendance n’est même plus une droite, c’est une courbe qui s’affaisse chaque jour un peu plus : les Italiens sont en train de gagner la bataille. Il est trop tôt pour que ce soit grâce aux individus déjà immunisés pour avoir eu le Covid-19 et avoir récupéré : c’est le confinement mes amis !
Maintenant les 3 pays que j’avais retenus initialement : France, Belgique et Suisse. Avertissement : moins il y a de cas, plus les cas individuels allant dans un sens ou dans un autre influeront sur la représentation, autrement dit, moins la droite (ou la courbe si la tendance baisse) sera une « belle droite », bien lisse.
France :
La ligne de tendance fléchit, même si ce n’est pas autant qu’on aimerait (élections municipales, patrons caractériels en liberté, joggeurs pas encore en prison eh eh !).
Belgique :
En rouge : ce n’est pas une « belle droite » (on a affaire à un petit chiffre pour un petit pays), c’est même plutôt une courbe, et qui s’affaisse : bonne nouvelle !
Suisse :
On n’est pas loin de la « belle droite » (ce qui est une très mauvaise chose !), mais il y a un tout petit début encourageant de fléchissement = décélération.
Voilà, j’ai essayé d’expliquer tout ça même aux très mauvais en maths. Si vous n’y avez toujours rien compris, dites-moi ou ça cale et j’essayerai d’améliorer encore.
PJ : « Un lecteur d’aujourd’hui de mon livre Principes des systèmes intelligents » Je pense que c’est le commentateur Colignon David*…