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Face à la question climatique, il n’est pas rare que la responsabilité soit renvoyée au consommateur. Dans le discours médiatique, on entend souvent que les ménages et individus devraient adopter sans tarder des « éco-gestes » qui pourraient permettre le changement nécessaire pour atteindre les objectifs climatiques. Mais une étude du cabinet de conseil, Carbone 4, spécialisé dans la stratégie bas carbone, datant de juin 2019, (« Faire sa part ? Pouvoir et responsabilité des individus, des entreprises et de l’État face à l’urgence climatique ») montre que les gestes individuels, même « héroïques », sont loin d’être suffisants pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris.
En 2017, l’empreinte carbone moyenne des Français s’élevait à 10,8 tonnes de CO2 par an. Pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris, elle devrait ne pas dépasser 2 tonnes de C02 d’ici 2050, sinon plus tôt.
Les auteurs commencent par faire la liste des éco-gestes ne demandant aucun investissement préalable, des « petits gestes du quotidien » (acheter une gourde, équiper son logement d’ampoules LED…) à des « changements de comportement plus ambitieux » (manger végétarien, ne plus prendre l’avion, réaliser ses trajets courts avec des moyens de transport alternatifs à la voiture,…). Il en ressort qu’un Français réalisant conjointement tous ces gestes baisserait son empreinte carbone de 25%.
Ces gestes étant loin d’être tous réalisés par l’ensemble de la population, les auteurs estiment l’impact global des éco-gestes individuels à une baisse de 5% à 10% de l’empreinte carbone nationale. Si l’on ajoute à cela des investissements individuels tels que la rénovation thermique ou l’achat d’une voiture électrique par une partie de la population, ils estiment l’impact global des ménages à une baisse de 20% des émissions carbone.
Ces efforts individuels s’avèrent non-négligeables mais largement insuffisants. Ils ne représentent qu’un quart de l’effort nécessaire pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris. La raison ? Nous dépendons tous d’un cadre « socio-technique », qui nous dépasse, fondé sur la consommation massive d’énergie. Les auteurs développent en particulier l’exemple de la mobilité :
Utiliser davantage les transports en commun et avoir systématiquement recours au covoiturage sont des pratiques qui ont un impact indiscutable sur le total des émissions liées à nos déplacements (environ -1/3 sur le poste mobilité). Mais ces gestes ne supprimeront pas notre dépendance à un système de transports fonctionnant, que nous le voulions ou non, sur la base d’énergies toujours carbonées comme le diesel, l’essence, le kérosène ou le GNV. Et dans de très nombreux pays (mais pas en France), l’électrification du parc ne fait que déplacer le problème, puisque l’on a indirectement recours au charbon et au gaz des centrales électriques au lieu d’une utilisation directe de pétrole. Sans une mutation profonde des équipements que nous utilisons, aucune baisse significative de l’empreinte ne pourra être atteinte.
La sobriété à laquelle incitent les éco-gestes est nécessaire, mais elle ne peut être la seule réponse au problème. Il faut la doubler la réponse individuelle d’une réponse collective aux enjeux climatiques pour changer la structure même du cadre « socio-technique » car si les gestes individuels apportent un quart de la solution, le collectif doit apporter les trois quarts manquants. Seule une transformation en profondeur du système énergétique, des modes de transport, des processus agricoles et industriels pourra permettre d’atteindre les objectifs de l’Accord de Paris.
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