Retranscription de Trump et les enfants persécutés, le 1er octobre 2019
Bonjour, Nous sommes le mardi 1er octobre 2019 et les choses évoluent rapidement, en particulier aux États-Unis, depuis que l’impeachment, la procédure d’impeachment à l’égard de M. Trump, a été lancée.
Les Démocrates, majoritaires au Congrès, avaient été très frustrés par les résultats de la commission Mueller. D’abord, le fait est que le ministre de la Justice, M. William Barr, avait extrêmement bien joué pour essayer de neutraliser le rapport en faisant une déclaration, en disant qu’il n’y avait rien à voir et qu’il fallait circuler avant de permettre, un mois plus tard, au public de voir le rapport, de voir qu’il y avait bien davantage. C’était bien joué puisque l’opinion publique s’était dite qu’effectivement, il n’y avait rien.
Et c’est que M. Mueller lui-même a desservi son rapport. Pourquoi ? Je vous l’ai signalé au moment même. Parce que le public qui était favorable à sa commission, qui enquêtait donc sur une collusion entre la Russie et l’équipe de M. Trump, le public qui attendait des révélations extraordinaires de M. Mueller, a découvert, le jour où il est venu témoigner devant deux commissions du Congrès, du Parlement, a trouvé un monsieur très diminué, un monsieur dont l’âge faisait une différence, un monsieur qui hésitait, une voix chevrotante. Ce n’était pas l’officier des marines qu’on attendait ! Là, il y a eu une véritable déception. Encore que, je l’ai dit à l’époque, il fallait vraiment être un petit peu, comment dire ? miro, pour ne pas voir que, dans les 400 pages de ce rapport, il y avait de quoi… Il y avait les matériaux pour faire l’équivalent de 50 Watergate. Mais tout ça était… On s’était habitué au fil des mois aux turpitudes du personnage de M. Trump et, finalement, on finissait par être assez blasé.
La question qui se posait, quand il y a eu ce rapport d’un lanceur d’alerte dont il s’agit probablement – il n’y a pas eu de démenti à ce sujet-là – qu’il s’agit d’un ou d’une fonctionnaire appartenant à l’agence de contre-espionnage américain bien connue sous le nom de CIA – on s’est dit du côté Démocrate, et ça a été le tournant pour Mme Pelosi qui s’était opposée à l’idée d’un impeachment jusque-là, qu’il y avait là un smoking gun comme on dit en anglais : on voyait encore la fumée qui sortait du revolver et que, donc, on avait ce qu’il fallait. Elle s’est ralliée à l’idée d’une procédure et la procédure a été véritablement lancée à ce moment-là.
Le raisonnement de Mme Pelosi est que, dans l’opinion, il n’y avait pas un courant suffisant pour porter la procédure de destitution du président. Est-ce qu’on l’a maintenant ? Les sondages dont on a parlé surtout hier en nous disant qu’il y avait un revirement de l’opinion, je les ai regardés dans le détail et je ne trouve pas ça extrêmement convaincant. Il y a des chiffres, oui. Il y a 47 % des Américains qui se disent en faveur de l’impeachment, contre : 45 – c’est quand même très très proche – qui ne sont toujours pas en faveur d’une procédure de ce type-là. Et, il ne s’agit pas d’un revirement extraordinaire. Il y a déjà eu, dans le passé – quand vous regardez ces sondages – il y a déjà eu des majorités de ce type-là. Donc, à mon sens, pas très très convaincant.
On nous montre qu’effectivement, mais c’est le cas depuis toujours, il y a beaucoup plus de femmes défavorables à M. Trump que d’hommes, beaucoup plus de blancs qui l’aiment bien que de personnes de toute autre couleur et, on le sait, une majorité chez les moins de 34 ans pour ne pas aimer le bonhomme : 60 % se disent en faveur d’un impeachment. Mais, ça ne montre pas, à mon sens, un véritable glissement dans les opinions.
Pourquoi ? Parce que la manière de regarder les choses, je l’ai déjà suggérée : M. Trump, dans toute cette affaire, quand il sort la retranscription de la conversation qu’il a avec le président ukrainien, il n’y a qu’une explication possible. Pourquoi est-ce qu’il se précipite à montrer ça alors que, devant nos yeux ébahis, on montre un personnage qui met véritablement tout l’appareil d’État au service de sa réélection et qui semble préparé à faire tous les mauvais coups, qui utilise le langage mafieux que l’on reconnaît très facilement et, lui, considère qu’il n’y a pas de problème. Il trouve que c’est même « une très très belle conversation ». À ses yeux, c’est comme ça qu’on fait. C’est un monsieur qui s’est toujours vanté de réussir en affaires et on voit maintenant, je dirais, de manière tout à fait visible, parce qu’il nous souligne lui-même comment il fait, qu’il a dû mener ses affaires exactement de la même manière qu’il mène l’État pour le moment. C’est quelqu’un qui considère, comme il l’a dit l’autre jour, quand il radotait indéfiniment devant des gens qui l’avaient aidé à organiser sa venue aux Nations Unies, « … je n’ai rien fait. Je ne sais pas si je suis la personne la plus innocente du monde… mais, vous savez… ».
Quel est son type de raisonnement, qui lui permet de considérer qu’il n’est jamais à l’offensive, qu’il est toujours sur la défensive, que c’est toujours les autres qui ont commencé et qu’il ne fait que se défendre ? Le raisonnement, c’est un raisonnement de type persécutoire. C’est quelqu’un qui se considère comme persécuté et qui se débat en permanence pour se défendre contre les preuves supplémentaires de sa persécution.
Il y a dans les États, je ne vous apprends rien, un système de droit. Il y a des tribunaux. Il y a des prisons. On vous dit : « Nul n’est censé ignorer la loi ». Il y a des lois. Quand lui enfreint la loi – et ses partisans font des raisonnements du même type – ce n’est pas comme ça que c’est vu. C’est vu tout à fait autrement. C’est vu comme le fait qu’il y a une organisation secrète qui est là pour le faire tomber : « Moi, j’ai rien fait ! Je suis innocent pratiquement par définition ! Je peux faire n’importe quoi ». Et quand il dit : « Je pourrais me mettre au milieu de la Fifth avenue [P.J. « Je pourrais me mettre au milieu de l’avenue Montaigne… »] et tuer quelqu’un et ça ne ferait aucune différence auprès de mes partisans ! », c’est ça exactement : c’est quelqu’un qui est bon. Il est juste. C’est un croisé contre les misères qu’on fait au Peuple auquel il s’identifie véritablement et, quand il enfreint la loi, quand il est dans une perspective qui n’est absolument pas collective, qui est purement individuelle, de « Je suis Président donc je fais ce que je veux » – ça me rappelle une de mes cousines qui, le jour de son anniversaire, disait : « Je fais ce que je veux ! ». Je me souviens d’un petit-déjeuner où elle avait demandé 6 œufs durs puisque c’était le jour où elle faisait ce qu’elle voulait ! C’était une enfant qui avait 10 ans. Ce n’était pas une adulte. Trump en est toujours là. Et il a mis au service de sa croisade de redresseur de torts, essentiellement des torts qui lui ont été faits…
Et là, je disais l’autre jour qu’il y a un certain type d’enfance qui produit des personnages comme celui-là, des enfances véritablement persécutées, des enfances qui sont souvent des enfances d’enfants, comment dit-on ? d’enfants uniques où l’enfant unique se trouve désarmé. Il n’y a pas de solidarité possible avec d’autres enfants qui sont des frères ou des sœurs et qui vous donnent, dès l’enfance, le sentiment qu’il y a du collectif, qu’il faut négocier, qu’il faut faire des alliances, que parfois, il faut se mettre tous les enfants contre les parents, etc. L’enfant seul est très très désarmé. Il a devant lui un pouvoir arbitraire et, parfois, des parents qui ne sont pas à la hauteur du rôle à jouer et qui sont des parents qui transmettent simplement leurs sautes d’humeur, leurs caprices comme étant des changements dans ce qu’il faut faire.
On a le sentiment, voilà, que Trump, c’est un personnage de ce type-là. Ce qu’on découvre maintenant, c’est qu’il est arrivé quand même à mettre un certain nombre de gens à son service. En particulier dans la lettre du lanceur d’alerte, il est dit qu’il a mis à son service personnel, dans cette affaire de discussion avec le président de l’Ukraine, non seulement son avocat, Rudy Giuliani, mais également le ministre de la justice, William Barr, celui qui avait produit un rapport biaisé sur la commission Mueller, qui pouvait déjà faire penser qu’il était simplement, je dirais, un lieutenant : il avait mis le ministère de la Justice au service du boss, du parrain.
Et on a appris hier que M. Mike Pompeo… Je souris intérieurement parce que je réfléchis à son nom. M. Mike Pompeo, qui est le ministre des Affaires étrangères, Secretary of State, on a appris hier qu’il était présent à la conversation où Trump joue son rôle de raquetteur devant le président de l’Ukraine. C’est-à-dire qu’il est arrivé à embrigader un certain nombre de lieutenants à son service. Et s’il tombe, il faudra que tombent aussi les messieurs Rudy Giuliani, William Barr et Mike Pompeo. On le voit maintenant. Ils sont complices. Ils étaient là.
Quand M. Barr réagit immédiatement quand il voit cette lettre, que cette lettre est publiée, enfin la retranscription est publiée de la conversation qui a eu lieu et qu’il dise : « Non, je n’étais pas au courant », on sait maintenant, ce qu’on vient de voir les jours derniers, qu’il était au courant.
On a appris aussi hier que Trump, très récemment, a essayé de mettre le Premier ministre de l’Australie dans son racket, dans sa tentative de mettre les gens de son côté, toujours dans cette perspective de se défendre.
Pourquoi est-ce qu’il s’adresse à ce Premier ministre australien ? C’est parce qu’au départ, quand on décide de faire une commission comme la commission Mueller, il y a effectivement un rapport qui vient d’Australie. Il y a une alerte qui est lancée du côté australien et donc, voilà, maintenant, Trump veut, de son point de vue, que l’on fasse, que l’on comprenne exactement tout ce qu’il s’est passé au début, avant que l’on ne mette en place la commission Mueller.
Donc, dans sa perspective, c’est toujours de la défense et jamais de l’offensive. C’est un type d’approche.
On a, maintenant, le Parti démocrate et on a le Parti républicain aux Etats-Unis, on a l’impression qu’ils sont en train de jouer 2 parties absolument distinctes. Dans une des parties, celle des Démocrates, c’est une question d’État de droit, d’organisation de la nation, de la Constitution, de faire respecter ça, que l’organisation collective puisse fonctionner, que l’on ne dresse pas un clan contre l’autre. Et dans l’autre perspective, c’est cette perspective persécutoire dont je vous parlais : il n’y a pas d’État de droit, il y a simplement des gens qui sont injustement persécutés et qui ne font que se défendre et là, bien entendu, tout le monde sait bien que, quand on doit se défendre, tous les moyens sont bons et c’est exactement ce qu’on fait. Et on enrôle des alliés, et on désigne des ennemis, etc.
Dans la situation où M. Trump se trouve, où il est dans la trahison, dans le high crime, dans la haute trahison peut-être, qu’est-ce qu’il déclare hier ? Il déclare qu’il faudrait arrêter pour haute trahison M. Adam Schiff qui est à la tête de la commission du Congrès sur les questions de renseignement. Alors, les journaux Démocrates se grattent la tête. Quelle serait la raison pour laquelle on arrêterait M. Adam Schiff pour haute trahison alors que, comme le lanceur d’alerte, he follows the rules : he plays by the book, c’est-à-dire qu’il ne fait que les choses qui se trouvent dans le règlement de manière très très précise. Il est absolument dans les clous de la loi.
Mais, bien entendu, de l’autre côté, on peut vous dire que la loi est biaisée contre des gens comme Trump. C’est une façon de voir. Je ne suis pas sûr, moi, personnellement, que les lois ne soient pas biaisées en faveur d’un certain type de personnes. C’est quelque chose, vous le savez bien, que je souligne souvent, mais il y a un État de droit et il y a des gens qui l’enfreignent et il y a des gens qui ne l’enfreignent pas et qui respectent les principes de la loi. Il est normal qu’un certain nombre de personnes se mettent au service de cet appareil d’État et fassent respecter la loi, ce que le camp d’en face dénonce comme deep state, comme organisation secrète motivée par la haine.
C’est un peu ça aussi la différence. Du côté Démocrate, on ne suppose pas, d’après ce que j’ai vu dans les toutes les commissions, a priori, que tout le monde est motivé par la haine. Dans le camp de M. Trump, c’est le schéma d’interprétation : « Tout le monde est comme moi, motivé par la haine ! Et donc, si moi, je fais des choses à partir de là, c’est normal puisque tout le monde le fait de cette manière-là ! »
Comme souvent, deux types de représentation du monde dans nos démocraties qui s’affrontent et comme je le dis, probablement à l’arrière-plan de tout ça, deux types d’enfance : un type d’enfance heureuse, souvent avec beaucoup de frères et sœurs, et un certain type d’enfance malheureuse, avec de la maltraitance, et qui conduit à deux interprétations du monde : une vision assez généreuse d’un côté parce qu’on a pu se permettre de le faire, parce qu’on a pu mobiliser la solidarité, voir que c’est comme ça que les choses marchent et, de l’autre côté, la mentalité mafieuse, la mentalité de « Moi, seul contre tous, et je vais simplement essayer de recruter des gens qui seront loyaux vis-à-vis de moi ».
On se souvient de la conversation de M. Trump avec M. James Comey, le patron du FBI, conversation dont M. Comey parle longuement dans son livre autobiographique. Il se disait : « Je suis simplement devant un parrain de la mafia », alors que de l’autre côté, du côté de Trump, l’interprétation était simplement : « Je voudrais savoir dans quel camp il est. Je lui ai demandé simplement de la loyauté envers moi ». Deux représentations du monde, deux façons probablement d’avoir vécu son enfance. Un monde qui, de ce point de vue là, à mon sens, restera très très partagé à moins que l’on ne puisse permettre une enfance heureuse à tout le monde, ce que nous aimerions bien tous, soit le cas, mais nous aurons d’autres soucis majeurs avant que l’on puisse résoudre ce problème-là.
Allez, à bientôt !
@Pascal (suite) Mon intérêt pour la renormalisation est venu de la lecture d’un début d’article d’Alain Connes*, où le « moi »…