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Pour l’humanité, le temps presse
Steven Pinker, professeur à Harvard, affirme que nous n’avons jamais été aussi riches, nous n’avons jamais été en meilleure santé, jamais la violence dans nos sociétés n’a été aussi faible qu’aujourd’hui.
Tout ce qu’il dit là est absolument vrai.
Mais une fois nous être réjouis de ce constat réconfortant, notons que le fait que nous soyons plus riche qu’autrefois, en meilleure santé, que la violence soit réduite, est sans rapport avec le fait de savoir si nous maîtrisons ou non le risque d’une extinction de l’humanité, à moyenne ou à brève échéance.
Rien n’interdit que nous puissions disparaître en tant qu’espèce alors qu’à titre individuel nous n’ayons jamais vécu aussi longtemps en bonne santé. Nous pourrions même être sur le point de faire du rêve de l’immortalité individuelle une réalité, ayant d’abord défini le vieillissement comme une maladie, l’ayant vaincue ensuite par les progrès combinés de la médecine et de la génétique, cela ne changerait rien au fait qu’un être immortel, au sens de la longévité, serait enseveli comme avant sous la lave ou la cendre crachées par un volcan, terrassé par une peste inédite, pulvérisé par une bombe, et doive pouvoir respirer un air non toxique, boire une eau potable, manger des aliments en quantité suffisante et qui ne soient pas empoisonnés.
Car nous avons pillé au fil des millénaires la nature autour de nous, nous l’avons transformée en décharge pour des déchets, plastiques ou nucléaires, dont nous ignorons toujours comment les recycler. Nous avons rejeté dans l’atmosphère des gaz à effet de serre qui y ont déclenché un réchauffement climatique causant déjà des déplacements dramatiques de populations devenues trop nombreuses pour un environnement dégradé. Quelques scientifiques isolés doutent que nous soyons à l’origine de ce réchauffement, qu’importe puisqu’il se lit dans les faits et dans les chiffres.
Il est déjà bien tard. Notre environnement est fragile. Notre survie, malgré la générosité de la Terre, n’est assurée que dans une bande extrêmement étroite. Nous sommes en train de détruire les conditions de notre propre survie comme espèce (sans même mentionner toutes celles que nous entraînons dans notre propre chute) et nous sommes sans doute proches d’avoir rendu le processus irréversible.
Une chose est claire : il faut que nous changions. Mais soyons réalistes, ce que nous n’avons jamais été jusqu’ici : pour nos grands projets d’avenir, nous avons conçu des utopies, des mondes idéaux. Pour les réaliser, il aurait fallu que nous changions du tout au tout : dans nos croyances et dans nos comportements.
Nous sommes dans l’urgence : il est trop tard pour transformer l’être humain en autre chose que ce qu’il est aujourd’hui, car le temps presse. Nos croyances sont logées au plus profond de nous-même car elles ont été les premières à s’inscrire en nous avec l’apprentissage de notre langue maternelle, avec les premières grandes vérités apprises à l’école, avec la piété que nous manifestons spontanément envers nos parents et les parents de nos parents.
Mais ce qui ne relève pas de l’utopie, c’est demander aux gens de modifier leur comportement parce qu’il est raisonnable de le faire. D’autant plus si la raison est un but évident à chacun, comme souhaiter rester en vie. Cela, chacun le comprend sans grandes explications, quelle que soit sa religion, sa culture ou sa langue.
Donner à tous comme but d’assurer sa survie propre est aisé : chacun ou presque s’en acquitte déjà parfaitement. Mais il est plus difficile de donner à tous comme but ultime la survie de l’espèce dans son ensemble.
Le risque existe en effet pour chacun d’entre nous d’une tentation « survivaliste » : « Je me sauve moi et ma famille, et peut-être quelques amis… ». Il s’agit là d’une illusion coupable. Durant un effondrement généralisé, il est plus que probable que l’une ou l’autre des neuf nations à la tête d’un arsenal nucléaire perdra son sang-froid et désignera comme responsable de la catastrophe en cours son ennemi « héréditaire ». Or, selon une étude publiée en 2014, il suffirait que soit détonnées 100 bombes thermonucléaires (0,7 % de notre stock global) pour provoquer un « hiver nucléaire » débouchant sur une « famine nucléaire globale ». Aucun grenier, aussi protégé qu’il soit, ne résisterait longtemps contre les hordes affamées.
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