Grèce 2 ans : hier 13,817 % – aujourd’hui 14,906 %
Portugal 2 ans : hier 4,552 % – aujourd’hui 5,509 %
Espagne 2 ans : hier 2,191 % – aujourd’hui 2,61 %
© Bloomberg
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Une situation inédite s’était donc créée : celle du capitalisme en péril incapable de se sauver, ni par les moyens « conventionnels » à sa disposition, ni même à l’aide des moyens « non-conventionnels » appartenant aussi à sa palette. Désormais, et parce qu’il n’avait pas été possible de faire autrement, la finance internationale était entrée dans l’ère du semblant : celle où l’on mobilise la brume artificielle et les miroirs dont abusent les magiciens sans talent. Ceci aurait des conséquences inattendues : faire apparaître aux yeux du public cette impuissance comme la mise en œuvre d’un plan délibéré, non seulement de sauver les banquiers par priorité par rapport aux ménages – à l’instar du traitement préférentiel en termes de vie ou de mort qui avait été réservé aux passagers de première classe du Titanic –, mais encore de profiter de la confusion générale pour offrir à ces mêmes banquiers une nouvelle occasion d’accroître leur pouvoir. Mus par l’arrogance qu’encourage la possession d’argent, confondue par eux avec la preuve d’un talent, les milieux financiers commirent par maladresse tous les impairs qui renforceraient encore ce sentiment au sein de l’opinion publique.
Le déroulement des événements suivait en effet un cours inexorable, exacerbant le ressentiment au sein de la population envers les dirigeants du secteur bancaire et soulignant aux yeux du public l’inaction des politiques, incapables de comprendre les événements dramatiques qui se déroulaient sous leurs yeux, la décision en matière économique et financière ayant été déléguée par eux à des techniciens dont la vulgate économique qui s’était répandue à partir de 1975 prétendait que l’expertise se situait en-dehors de la sphère politique elle-même. Auraient-ils voulu intervenir et prendre de quelconques mesures visant à renverser la tendance, que la déréglementation et la privatisation intervenues au cours des trente-cinq dernières années les en aurait empêchés, les rouages de la finance étant désormais en-dehors de leur juridiction. Les politiques seraient-ils sortis de leur paralysie qu’ils auraient constaté alors toute l’étendue de leur impuissance. Les seuls d’entre eux actifs en ces matières, étaient ceux qui, comme nous l’avons vu avec l’affaire de la « cote-au-marché » aux États-Unis, appliquaient servilement les consignes que leur transmettaient leurs bailleurs de fonds.
Je n’ai pas écrit cela ce matin, ni hier, j’ai écrit cela en juillet dernier pour un article à paraître dans la revue Le débat. L’article aurait dû être publié en septembre. Quand Pierre Nora m’a signalé que le dossier sur la crise paraîtrait plutôt dans le numéro de décembre, j’ai été très contrarié. J’ai essayé de l’infléchir en lui rappelant que mes articles sont très liés à l’actualité. Il a eu la gentillesse de m’appeler quelques heures plus tard. Il m’a dit : « Ne vous inquiétez pas : votre texte sera toujours d’actualité ! » Il avait malheureusement raison.
Dans cet article, intitulé « La sortie du capitalisme » (Le débat No 157, décembre 2009 : 17-30), j’écrivais aussi ceci :
Selon des chiffres rassemblés par Hayman Capital, un fonds d’investissement spéculatif domicilié à Dallas, les émissions obligataires prévues par l’ensemble des nations du monde en 2009 atteignent un total de 5.300 milliards de dollars (3.018 pour les États-Unis, 536 pour le Japon, 319 pour le Royaume-Uni, 190 pour l’Allemagne, 166 pour la France, 132 pour la Chine, etc.). Ce total représente l’équivalent de 9 % du PIB de l’ensemble de ces nations en 2008, un objectif hors d’atteinte.
La dette que les États-Unis tenteront d’émettre en 2009 se montera, comme on le voit, à plus de 21 % de son PIB pour 2008. Admettons même que l’épargne mondiale puisse être mobilisée pour des montants totaux de cet ordre en 2009, l’opération pourrait-elle être répétée en 2010 ?
Nous en avons la preuve maintenant : elle ne peut pas être renouvelée en 2010. La mise à jour ci-dessus des taux à deux ans pour la Grèce, le Portugal et l’Espagne, en offrent l’illustration. Bien sûr, ce sont les plus faibles qui tombent en premier, mais nul ne sera épargné.
P.S. : j’ai promis une note de synthèse sur le bancor, j’y travaille, vous devriez la trouver ici, au plus tard demain.
138 réponses à “Le pire est possible”
Le ratio « besoin de financement des états/PIB » fait par Paul Jorion n’est pas forcement le plus pertinent. Les besoins de financements des États doivent être comparé à la masse d’argent qui circule. La croissance de la masse monétaire est superieure depuis des annnées à la croissance du PIB. Dans les années avant crise elle a été supérieure à 10%.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Euro_Money_Supply.jpg