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Quelques nouvelles de l’affaire Boeing (suivi par le Seattle Times de près bien sûr).
(1) Les auditions des patrons de la FAA (ceux qui ont tardé a donné l’ordre de clouer les 737 MAX au sol) devant les autorités nationales de transport (National Transportation Safety Board =NTSB) ont plutôt été un exercice de langue de bois. Les questionnements remontent maintenant à la « culture d’entreprise » de Boeing. Voici deux échantillons : D’abord ce qu’on pense d’une part chez Forbes (eh oui, chez les riches…) (2), en essayant de mettre en avant « les meilleurs d’entre nous » (les patrons qui ont mis les profits en sourdine). Et enfin, l’état actuel un peu gazeux bien résumé sur un des forum français qui consacre 210 pages (fort inégales) à l’accident (3) par un intervenant de pseudo « Pierrebx ».
(2) L’article de Forbes magazine, de Laura Rittenhouse, traduit.
Boeing peut-elle être sûre, profitable et sage ?
Les récentes pertes tragiques de tous les passagers et membres d’équipage des Boeing 737 MAX qui se sont écrasés en Indonésie et en Éthiopie ont soulevé des questions troublantes quant à la sécurité de ces nouveaux avions. Les enquêteurs, les investisseurs, les clients et les législateurs, tous se posent la question : Boeing — l’un des deux principaux avionneurs au monde — a-t-il un problème de culture de la sécurité ?
Comment savoir si les dirigeants de Boeing se concentrent sur la sécurité ? Essayez donc notre approche : Nous commençons par analyser les mots des rapports annuels de Boeing. Tout simplement, nous recherchons les mots clés qui révèlent les croyances et les valeurs sous-jacentes qui définissent la culture de l’entreprise. Pourquoi est-ce important ? Parce que la culture d’entreprise inspire des actions qui déterminent les résultats. Et la qualité de cette culture commence au sommet.
Pour évaluer la culture de Boeing, nous avons cherché dans leur rapport annuel 2018 combien de fois le mot » safe » et ses dérivés – » safety « , » safer « , » safely, etc. – ont été utilisés dans ce document public. Puis nous avons fait une recherche identique dans le rapport annuel 2018 d’Airbus, l’autre constructeur mondial d’avions.
Nous avons comparé ces résultats de recherche et constaté que le rapport annuel de 154 pages de Boeing ne contenait que 17 mots relatifs à la « sécurité ». En revanche, le rapport annuel de 324 pages d’Airbus contenait 155 mots relatifs à la « sécurité ».
Nous avons constaté la même tendance lorsque nous avons cherché ces mots dans les rapports annuels des entreprises au cours des cinq dernières années. Boeing a utilisé des mots « sûrs » 76 fois au total et Airbus les a utilisés 397 fois au total.
Nous avons également calculé le rapport entre le nombre de fois où des mots sur les « profits » ont été trouvés dans chaque rapport annuel et le nombre de mots sur la sécurité. Dans son rapport annuel 2018, Boeing a utilisé deux mots de profit pour chaque mot de sécurité, tandis que le ratio d’Airbus était d’un mot de profit pour chaque mot de sécurité.
Du point de vue linguistique, Airbus semble avoir une approche plus équilibrée et plus axée sur la sécurité que Boeing. Mais en quoi la linguistique est-elle importante ? Parce que les mots mènent à des actions qui créent l’avenir. Comme l’a dit Peter Drucker : « Pour prédire l’avenir, il faut le créer. » Et comment créer l’avenir ? Par nos paroles qui mènent à des actions intentionnelles et non intentionnelles.
Que pouvons-nous retirer de cette analyse en tant qu’investisseurs, clients ou employés ? Pensez à ce principe fondamental de gouvernance et de performance : le ton à la tête d’une entreprise se révèle dans le vocabulaire des cadres. C’est cela qui crée un climat moral et éthique inspirant à son tour des actions qui créeront des comportements dignes de confiance ou emprunts de méfiance.
Depuis les deux tragiques accidents aériens, certains rapports reprochent à Boeing de se concentrer davantage sur les profits que sur la sécurité. Mais il y a eu deux PDG d’entreprises manufacturières qui ont bien montré dans le passé que choisir les profits plutôt que la sécurité constituait un choix erroné et imprudent. Chacun a compris que la recherche de profits plutôt que l’avancement de pratiques clés qui favorisent la rentabilité – comme la sécurité des travailleurs et des clients – est une stratégie qui… fait perdre des profits.
L’un de ces PDG était Paul O’Neill. En 1987, peu après sa nomination au poste de PDG d’Alcoa [géant de l’Aluminium], il a prononcé son premier discours devant la communauté financière de Wall Street. Il a admis que l’entreprise avait des problèmes financiers : ses bénéfices ne couvraient pas le coût du capital. Mais O’Neill n’a jamais mentionné ses attentes en matière de marges bénéficiaires et de ventes. Au lieu de cela, il a dit à l’auditoire qu’il parlerait de la sécurité des travailleurs. Bien que le bilan d’Alcoa en matière d’accidents à cette époque fût supérieur à la moyenne nationale, son objectif pour l’entreprise serait d’atteindre l’objectif de « zéro blessure ».
Lorsqu’un analyste lui posa des questions sur les stocks de l’entreprise, M. O’Neill répondit : « Je ne suis pas certain que vous m’ayez entendu. Si vous voulez comprendre comment Alcoa s’en sort, vous devez regarder nos chiffres sur la sécurité au travail. »
Selon un compte rendu de cette réunion dans le livre de Charles Duhigg, « Power of Habit » [La puissance de l’habitude], les investisseurs ont quitté la salle après la présentation et ont conseillé aux clients de vendre leurs actions Alcoa. Des années plus tard, un de ces investisseurs a dit à l’auteur de ces lignes : « ce fut le pire conseil que j’ai donné de toute ma carrière. »
Lorsque M. O’Neill prit sa retraite en 2000, la capitalisation boursière d’Alcoa avait augmenté de 900 % et le nombre d’accidents avec blessure chez les travailleurs avait chuté à 0,13 contre 1,6 dans l’industrie [ pour 100 personne an ?]. Qu’est-ce qui a causé cela ? O’Neill l’attribue à sa conviction que les êtres humains ont une énergie à discrétion qu’ils peuvent donner ou ne pas donner. Lorsqu’ils sont respectés et bien valorisés, les employés sont fiers de donner le meilleur d’eux-mêmes. Et cela permet d’augmenter les profits.
Comment un PDG peut-il restaurer la confiance lorsque des clients meurent à cause de leurs produits ? En ne se cachant pas derrière une tonne de communications formatée d’avocats. En juin 2014, la nouvelle PDG de General Motors (GM), Mary Barra, dirigea une assemblée publique qui a été diffusée aux 220 000 employés de l’entreprise. Elle fit état des conclusions d’un groupe d’experts chargé d’enquêter sur le problème d’allumage défectueux de GM qui avait causé la mort de 124 passagers. Elle déclara que le rapport d’enquête était « extrêmement complet, d’une dureté brutale et profondément troublant ».
Elle ajouta : « Je ne veux pas que vous l’oubliiez. Il ne s’agit pas juste d’une crise commerciale de plus pour GM. Nous n’allons pas simplement réparer ça et passer à autre chose. »
Elle a décrit comment GM améliorait ses processus de sécurité et indemnisait les familles des personnes décédées ou blessées. Elle expliqua : » Je veux garder cette expérience douloureuse à jamais dans nos mémoires collectives. Je ne veux pas qu’on oublie ce qui s’est passé parce que je ne veux plus, moi, – et je vous connais –, que cela se reproduise. »
Depuis ce temps, Barra est crédité d’avoir conduit avec succès à la levée du plan de sauvetage gouvernemental de GM, pour bien positionner l’entreprise pour la révolution technologique automobile et à en faire l’une des entreprises automobiles les mieux gérées au monde.
Ses mots sont de ceux qu’il est difficile d’oublier. Tout autant que ceux de Paul O’Neill. Ils changent les esprits et les comportements. Ils parlent de ce qui est possible lorsque les gens sont respectés et choisissent de faire la différence.
Laura Rittenhouse
(3) Trouvé sur le forum crash-aerien.com, ce résumé tout frais et un brin ironique de « pierrebx » :
[Lun 20 Mai 2019 16:17 ]
La situation actuelle est d’une limpidité d’eau de boudin :
– Il y a visiblement un problème de conception sur le 737 MAX ;
– Un jour c’est de la faute de l’AOA, ou du MCAS, ou des deux, ou des pilotes non WASP ;
[AOA = sondes Angle Of Attack = sonde d’incidence, les girouettes sur les côtés, ne pas confondre avec les sondes Pitot vitesse, des tubes ; MCAS : le système de correction de l’excès de tendance à cabrer près du décrochement ; WASP = White Anglo-Saxon Puritan, référence aux critiques de notables US qui ont dit grosso modo ceci depuis leur fauteuil : « c’est la formation pourrie des pilotes de l’autre bout du monde, nos pilotes yankees n’auraient pas planté les avions ».]
– Mais c’est un simple problème de logiciel, déjà corrigé, par ailleurs testé sur les simulateurs 737 MAX par des pilotes totalement neutres (juste un peu choisis par Boeing), et c’est tellement fiable que le Président de Boeing, lui-même est monté dans le simulateur [emoticone : mrgreen:]
Ah mais zut!!! Pas de bol, on vient de découvrir que les simulateurs 737 MAX ont eux-mêmes des défauts et qu’ils ne peuvent pas restituer fidèlement le comportement de l’avion… [Notamment les efforts sur les roues manuelles de trim, le « dernier recours », sauf si l’avion va si vite que les efforts sont démesurés]
C’est un peu gênant car Boeing comptait sur lesdits simulateurs pour repasser sa certification…
Pire encore, ces « enfants gâtés » de pilotes veulent absolument recevoir une formation sur simulateur avant de repiloter ce bel avion…
Bientôt, va-t-on découvrir que le MCAS n’existe pas sur le simulateur?
En plus de ça, il y a de gros délais de livraison sur les simulateurs, et la remise en service du 737 MAX s’éloigne lentement mais surement, peut-être en 2020 ou 2021…
Le plus étonnant, c’est que rien ne semble bouger dans le Board de Boeing… On a l’impression que la direction et les actionnaires se comportent comme un lapin, en pleine nuit, qui reste en plein milieu d’une route, ébloui et hypnotisé par les phares du camion qui va l’écraser.
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Amicalement vôtre
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