Trump est-il affaibli ? C’est difficile à dire. Ayant en la personne de William Barr un ministre de la Justice à sa botte, le petit jeu d’affirmer dans un premier temps à propos du rapport Mueller : « Ni collusion, ni entrave à la justice ! », avant que le public ne puisse découvrir un mois plus tard que le rapport dit en fait 1° « Tant de gens nous ont menti qu’il est impossible de savoir, à ce stade-ci de l’enquête, s’il y a eu collusion ou non », 2° « Il y a 10 comptes directs d’entrave à la justice, plus un indirect, il se fait cependant que ce n’est pas à nous mais, selon la Loi, au Congrès de s’occuper de cette affaire », ce petit jeu était habile, puisqu’il permettait aux amis de M. Trump, au moment où l’opinion de Mueller serait connue, de se draper dans leur dignité et d’affirmer : « Trop tard, temps mort ! Affaire classée ! »
Mais tout cela n’a d’importance que si l’on imagine que les Américains se lèvent chaque matin en s’interrogeant : « Trump est-il un bon Président ? », alors que ce que révèlent les sondages, c’est qu’imperturbablement depuis son élection, 40% des Américains l’approuvent, 55% lui sont hostiles, et 5% continuent de se tâter, confirmant mon hypothèse que le fait d’aimer ou de ne pas aimer Trump n’a rien à voir avec la politique mais avec la psychologie : qu’on l’aime si on trouve génial qu’un voyou soit – pour une fois, et enfin ! – au pouvoir, qu’un Président rote et pète devant tout le monde en disant : « Oups ! C’est comme ça qu’on est fait ! », et qu’on ne l’aime pas si on pense qu’un Président est quelqu’un qui doit rassembler et faire preuve de bonnes manières plutôt qu’affirmer comme celui-ci : « Ah ! Ah ! Avec moi, les ploucs sont rois ! Amis ploucs, on a gagné ! ».
On répète en ville que les Chinois imaginent que Trump est affaibli parce qu’il harcèle Jerome Powell, le Gouverneur de la Federal Reserve, la banque centrale américaine, en lui disant qu’il ne faut surtout pas hausser les taux d’intérêt à court terme, et que cette insistance trahit son peu de confiance dans la bonne santé de l’économie américaine en ce moment. Mais cela supposerait que les Chinois soient convaincus que Trump a une compréhension même minimale des principes régissant la finance, alors que son obsession des taux bas n’a sans doute pas d’autre motif que le fait qu’il a toujours été un emprunteur empêtré dans une cavalerie permanente, priant le ciel que les taux restent bas et donc abordables aux surendettés comme lui (voir l’enquête du New York Times publiée hier, révélant un Trump accumulant les pertes jusqu’à un montant de 1 milliard de dollars, avant un redressement inattendu et difficile à expliquer dans le cadre de la loi : Decade in the Red: Trump Tax Figures Show Over $1 Billion in Business Losses).
S’ils ont un brin de psychologie, en sus d’interpréter les propos de Trump sur les taux d’intérêt comme un signe de faiblesse, les Chinois auront noté que M. Kim Jong-un, à la tête de la Corée du Nord, n’arrête pas de tester de nouvelles armes ces jours-ci, dont M. Mike Pompeo, ministre des Affaires étrangères américain, a beau dire qu’« elles ne sont pas aussi balistiques qu’elles en ont l’air… », il n’y a pas moins là la preuve que la lune de miel entre M. Trump et son homologue nord-coréen – à laquelle il tient tant pour l’avenir de son Prix Nobel de la paix – a du plomb dans l’aile, pour ne pas être plus cruel.
S’ils ont un brin de psychologie, les Chinois auront noté aussi la déconfiture US ces jours-ci dans leur soutien à une tentative de renversement du pouvoir au Venezuela. Mieux encore, ils n’auront pas manqué de noter le désaccord entre M. Trump et son gouvernement dans cette affaire. Car si son conseiller John Bolton, avec le soutien de Mike Pompeo, a mis tout son poids de faucon impérialiste derrière le coup manqué des jours derniers, Trump, dans la logique qui lui est propre de kompromat, a rétropédalé à vive allure. Qu’a-t-il dit ? « Mon copain Poutine m’assure que Maduro est un brave type et je n’ai aucune raison de ne pas le croire ! »
Quelle que soit la qualité du raisonnement conduisant les Chinois à considérer qu’ils ont en ce moment la main, Trump ne l’entend pas de cette manière : il menace de faire passer à 25% les tarifs douaniers sur certains produits chinois qui se trouvaient déjà à 10%. L’issue du bras de fer reste très ouverte.
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