Dès le départ, une polarisation extrême, Cummings Démocrate, explique pourquoi Cohen a été invité, Jordan Républicain remet en cause l’audition : un moyen ridicule de tenter de délégitimer l’élection d’un président des États-Unis. Cummings rappelle qu’il dispose de la possibilité de faire intervenir la police en cas de troubles de l’ordre dans la salle (il vise directement Jordan, qui tente d’interrompre le processus, aussitôt après avoir rendu la parole).
La déposition de Cohen consiste à lire les notes dont je vous ai cité tout à l’heure certains extraits. Il y a projection sur un écran des documents confirmant ses affirmations (photocopies de chèques, lettres, etc.)
Jordan tente d’attribuer l’attitude de Cohen au fait qu’il aurait espéré un poste à la Maison-Blanche. Il répond qu’être l’avocat du président des États-Unis lui suffisait.
Mme Wasserman demande à Cohen si Trump est le genre de personnes prêt à tout pour l’emporter. Il répond que oui. Elle ajoute : « Même à coopérer avec un ennemi ? » Il répond que oui. Il reviendra sur le même point un peu plus tard.
Un député Républicain (je retrouverai son nom) suggère que Cohen a falsifié tant de documents que ceux qui sont présentés sont probablement faux.
Un autre Républicain, Comer, tente de suggérer que Cohen ment sur absolument tout. Les Républicains n’ont qu’une seule stratégie : Cohen ment aujourd’hui comme il l’a toujours fait.
Cohen est très poli et respectueux. En réponse aux Républicains qui l’attaquent, il se montre cependant très combatif, très « tough guy ». À Jordan qui tente de lui attribuer des malversations qu’il considère ne pas avoir commises, il répond avec force : « Shame on you, Mr. Jordan, shame on you! » : « Honte à vous, M. Jordan, honte à vous ! »
Aucune des questions en provenance des Républicains ne porte sur les affirmations de Cohen durant sa déclaration, elles visent seulement à saper sa crédibilité de manière générale. Ce fait sera sans doute retenu comme un point saillant au moment de résumer la déposition.
Les questions en provenance des députés Démocrates visent au contraire à étoffer systématiquement certains points mentionnés dans la déclaration de Cohen.
Lynch, Démocrate, se tournant vers ses collègues Républicains : « Vous ne craignez pas que M. Cohen mente, mais qu’il dise la vérité ! »
Gosar, Républicain : « Vous êtes un menteur pathologique ! » Je suppose que ceux qui regardent cela se convainquent que les Républicains se sont mis d’accord sur une stratégie, mais il devient de plus en plus clair qu’ils n’en ont qu’une seule et que leurs questions apparaissent comme de simples diversions, botter en touche, à répétition, révélant involontairement qu’ils savent avoir déjà perdu. À l’époque de la nomination de Kavanaugh à la Cour suprême la rage des Républicains leur assurait encore l’ascendant, ici ils perdent pied petit à petit.
On demande à Cohen quand sa confiance en Trump a vacillé : « Helsinki [son comportement servile vis-à-vis de Poutine], Charlottesville [son soutien à la manifestation identitaire débouchant sur la mort de Heather Heyer], la disparition de la civilité en politique. Le problème c’est que pendant 10 ans j’ai été pareil à vous ! », dit-il à l’intention des députés Républicains.
Quand un député demande à Cohen si devant une résistance à ses agissements, Trump menacerait physiquement, comme Cohen répond Non, son interlocuteur lui demande s’il recruterait quelqu’un pour y mettre fin par la violence physique, Cohen répond alors : « He wouldn’t have to hire, they were already there! », il n’avait pas besoin de recruter : ils étaient déjà là (en tant que membres de la Trump Organization). Nous viendrions chaque jour, et nous mentirions sur quelque chose. »
Cohen vend la mèche quant à la stratégie des députés Républicains : « Pas un d’entre vous ne m’a encore posé une question sur M. Trump, la raison pour laquelle je me trouve ici. »
[Comme je ne suis pas citoyen américain, j’ai le droit de dire ce qui apparaîtra comme des horreurs là-bas : je ne peux manquer de noter l’accent sudiste de la majorité des députés enragés contre le témoignage de Cohen – vous connaissez ma thèse : « Trump dernier général de l’armée sudiste en déroute », formulée précisément comme commentaire aux événements de Charlottesville].
À la question « Est-ce que M. Felix Sater [membre fameux de la mafia russe] payait un loyer pour l’appartement qu’il occupait dans la Trump Tower ? », Cohen répond « Non ».
Jordan est totalement déstabilisé quand il demande qui a lancé la campagne de Trump candidat à la présidence et que Cohen répond « Moi, en 2011 », en donnant des détails.
« Combien de fois M. Trump vous a-t-il demandé de menacer / intimider quelqu’un ? » Réponse de Cohen : « Environ 500 fois ».
La question est posée à Cohen s’il est prêt à transmettre les enregistrements qu’il a fait de conversations avec ses clients [et Trump en particulier], il répond « Oui ! » L’assemblée éclate de rire car cela rappelle à tout le monde un tournant dans les auditions du Watergate quand John Dean mentionna une liste d’« ennemis de Nixon » que celui-ci avait établie, demandant à l’administration de les cibler par tous les moyens, et qu’il dit au comité que si ce document pouvait l’intéresser, il le communiquerait volontiers, provoquant alors l’hilarité générale [Notons que John Dean fait évidemment partie des personnes que Trump appelle « rats »].
Le Républicain Steube, surprenant l’assemblée, pose des questions visant à prouver que Trump n’était pas à l’origine des paiements qui furent faits à Stormy Daniels et Karen McDougal pour les faire taire quant à leur liaison avec le président, un fait que Rudy Giuliani, avocat de Trump avait pourtant publiquement admis. (Dans ses notes préalables publiées avant la déposition, Cohen appelle Giuliani « l’avocat TV » du président).
[Entracte d’une heure environ]
Alexandria Ocasio-Cortez pose plusieurs questions relatives à des subventions obtenues par Trump dont l’effet a été d’augmenter le valeur de ses propriétés. Elle demande si la publication des déclarations d’impôt du président pourrait éclairer cette question, Cohen répond que Oui.
Crise majeure, révélatrice hélas de l’incapacité des États-Unis d’exorciser leurs démons : Rashida Tlaib, Démocrate « socialiste » (comme Ocasio-Cortez), s’en prend au Républicain Meadows, lui reprochant d’avoir fait venir une femme noire et lui avoir fait dire que Trump n’était pas raciste. Cummings lui demande à plusieurs reprises de relire sa déclaration où elle distingue « un acte raciste » dont elle l’accuse, d’une « personne raciste », qu’il n’est pas. Mais ceci donne l’occasion à Cummings de dire que ses parents étaient des sharecroppers [je reviendrai un jour là-dessus] et qu’il n’y avait pas une grande différence entre cela et être des esclaves.
Michael Cohen fait une dernière déclaration, Cummings également, appelant les États-Unis à se ressaisir : « Nous valons mieux que cela [Trump] ! »
Ces deux déclarations sont à ce point exemplaires que je vais essayer de vous trouver ça et de vous les traduire ici.
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À ceux d’entre vous qui me demanderont si je n’ai rien de plus utile à faire : ceci est d’ores et déjà l’un des événements majeurs de l’histoire mondiale du XXIe siècle. Et d’ailleurs, je fais d’autres choses également : Le programme du Blog de PJ pour les élections européennes, par Paul Jorion et Vincent Burnand-Galpin.
P.S. Ces six heures que j’ai passées à rendre compte de cette déposition ont été une très grande expérience : l’humanité dans certains de ses meilleurs moments (évidemment pour qu’il y ait des très bons, il faut aussi qu’il y ait des très méchants – Jordan, Roy et Meadows, retenez ces noms : ils ne valent guère mieux que Trump).
C’est la méthode descendante (top-down) : avec un LLM en arrière-plan de chaque personnage, répliquant dans chaque instance, un humain…