Retranscription de Mueller ferait ses paquets, le 24 février 2019. Ouvert aux commentaires.
Bonjour, nous sommes le dimanche 24 février 2019 et si vous vous inquiétez pour ma santé, je peux vous dire que je vais très bien. Vous avez dû le voir : je me suis déplacé pour plein de choses. Mais pourquoi vous inquiéteriez-vous ? Eh bien, parce que cela fait presque une semaine que je ne vous ai pas parlé de Donald Trump !
Une explication tout de suite. Pourquoi est-ce que je ne vous en ai pas parlé ? Eh bien, parce qu’il est question essentiellement du rapport de la commission Mueller. On entend dire que M. Robert Mueller, à la tête d’une special counsel investigation, à la tête d’une commission spéciale, pourrait être prêt à déposer ses conclusions.
Qu’est-ce qui fait croire cela ? Un certain nombre de gens qui le disent. On aurait vu des gens de sa commission déplacer des cartons. On aurait entendu parler que certains d’entre eux auraient contacté leur ancien patron pour voir s’ils pouvaient recommencer à travailler là-bas.
Qu’est-ce que cela voudrait dire ? Cela voudrait dire que M. Mueller va déposer ses conclusions auprès du nouveau ministre de la Justice : M. William Barr, qui a été désigné récemment, et surtout est passé sous les fourches caudines d’une audition au sénat américain. C’est un vieux républicain. Le sénat est encore à majorité républicaine donc il ne courait pas grand risque. C’est un ancien ministre de la Justice. Il a été ministre de la Justice de M. Bush, le père, dans les années 1991 à 1993. C’est un monsieur qui était, selon ses dires, en semi-retraite et qui a expliqué sur un ton extrêmement posé qu’il aurait préféré opérer la transition à la retraite plutôt que redevenir ministre de la Justice. C’est un monsieur qui a provoqué pas mal de colère du côté des Démocrates au cours de son audition. C’est un monsieur qui m’apparaît, à moi, extrêmement posé. Il me semble avoir le sens de l’État. Il me semble s’identifier au gouvernement d’une grande nation.
Pourquoi cette divergence entre les Démocrates et moi ? Eh bien, parce que M. Barr a rappelé que M. Mueller lui transmettrait un rapport succinct qui serait communiqué probablement à l’ensemble du public et qu’il y aurait, en arrière-plan de cela bien entendu, des choses plus complètes.
La question lui a été posée à plusieurs reprises par les Démocrates : « Vous engagez-vous à faire connaître l’ensemble du dossier, tout ce qui a été découvert ? » et là, il a souligné que, dans des rapports de ce type-là, il y a en général les raisons pour lesquelles on a inculpé quelqu’un. Il y a aussi les raisons pour lesquelles on n’a pas inculpé quelqu’un malgré des soupçons qui peuvent être sérieux. Et là, la politique du gouvernement, sous la forme du ministère de la Justice, est que, si on n’a pas inquiété quelqu’un, il ne serait pas juste – on parle de « justice » – de faire connaître les soupçons qui n’ont pas conduit à une inculpation.
Qu’est-ce qui terrifie les Démocrates là-dedans ? C’est que l’on pourrait décider de ne pas inculper M. Trump et que, du coup, toute l’information relative aux bonnes raisons pour lesquelles on aurait pu le faire ne soient pas là, en particulier parce qu’il est considéré par la doctrine du ministère de la Justice en ce moment que l’on n’inculpe pas un président en exercice. Donc si on n’inculpe pas Trump par principe, parce que c’est une sorte de doctrine, c’est un principe général, aucune des raisons pour lesquelles on pourrait l’inculper – s’il était inculpé – n’apparaîtraient.
Ceci dit, nous savons déjà que M. Trump apparaît dans certains dossiers. Il est la personne mentionnée en filigrane mais de manière extrêmement précise comme une personne à laquelle M. Roger Stone, dès qu’il obtenait une information relative au hacking de la campagne démocrate durant les élections présidentielles, que ce M. Roger Stone communiquait immédiatement avec « une personne très haut placée dans l’équipe de M. Trump » et dont tout le monde suppose qu’il s’agit de M. Trump lui-même. Et tout cela a été mentionné dans des documents officiels. Et par ailleurs, vous le savez, dans l’inculpation de M. Michael Cohen qui a été très longtemps l’avocat de M. Trump, il est question d’une personne, d’un « Individu n° 1 » qui n’est pas inculpé mais qui est la personne donnant les ordres qui conduisirent à des infractions sur le financement des campagnes électorales.
Vous me direz : « Cela n’a rien à voir avec la Russie ! ». Effectivement, cela n’a rien à voir avec la Russie. Quand on a demandé à M. Michael Cohen qui était cette personne qui lui donnait les ordres, il n’a pas hésité à dire que c’était le président.
Par ailleurs, nous savons qu’il y a des tas de gens qui ont été inculpés. On nous a dit, pour certains exactement pourquoi, et il y a des gens comme M. Paul Manafort, qui a été directeur de campagne de Trump à une époque, qui a été inculpé pour des tas de choses et même condamné, des choses qui n’ont aucun rapport avec la Russie mais tout le monde sait que c’est à l’incitation de la commission Mueller qu’il a été arrêté, c’est-à-dire qu’il y a des tas de choses sur M. Manafort justifiant le fait qu’on le traîne devant les tribunaux pour des crimes qui sont de l’ordre du fisc, d’avoir triché sur ses impôts, et il y a des pointillés à connecter entre le fait qu’il ait été inquiété à ce point. Un monsieur qui a travaillé longtemps pour un président ukrainien soutenu par la Russie. On ne sait toujours pas pourquoi M. Manafort a été inculpé. On a eu des nouvelles, je crois que c’était hier, un communiqué de la commission Mueller disant que M. Manafort est « un criminel endurci ». Je crois que c’est essentiellement parce qu’il est question de M. Trump qui pourrait éventuellement accorder la grâce présidentielle à M. Manafort en disant que « C’est un brave gars ! ».
Il y a beaucoup de choses que l’on aimerait encore savoir. Il y a des choses que le nouveau ministre de la Justice nous dit qu’il ne dira probablement pas mais il y a encore autre chose. Pourquoi ce M. Barr résiste-t-il tellement à l’idée d’une transparence absolue ? Pourquoi n’est-il pas d’accord sur le fait de dire absolument tout ce que l’on saura ? En particulier du fait qu’il y a un précédent récent, c’est le fait que les Républicains avaient obtenu des informations extrêmement complètes sur les investigations, les recherches, l’enquête qui avaient été faites sur le fait que Mme Clinton, quand elle était secrétaire d’État, ministre des Affaires Etrangères, avait utilisé un serveur privé pour certains de ses mails. Le précédent devrait faire qu’une transparence absolue existe aussi à ce niveau-là.
Quand M. Barr dit dans certaines phrases qu’il répond à des gens qui l’interrogent, qu’il exercera sa discrétion quant à ce qui devra être rendu public ou non mais que sa décision sera inspirée par de grands principes, je crois qu’une fois de plus, il ne faut pas être docteur en Sorbonne pour comprendre ce qu’il entend dire là, qu’il entend protéger le service de l’État, qu’il y aurait des choses qui pourraient être de l’ordre du secret d’État, des choses que l’on n’aimerait pas révéler bien qu’elles seraient vraies.
Qu’est-ce que l’on pourrait ne pas révéler ? Si vous avez écouté mes petites chroniques, si vous avez lu mes articles, une chose que l’on aimerait peut-être ne pas révéler, c’est le fait que le président est un agent d’une puissance étrangère : ça la fout mal ! ce n’est pas bon pour la communication pour n’importe quel pays. C’est rare quand c’est le cas mais si c’était le cas, et les États-Unis sont une grande puissance : c’est encore la première grande puissance mondiale à l’heure qu’il est, cela ne présenterait pas bien de révéler que le président de l’État Fédéral depuis 2 ans est quelqu’un qui a été placé là par une puissance étrangère. Donc, M. Barr pourrait avoir une bonne raison que l’affaire suive son cours, et que l’on se débarrasse quand même de M. Trump s’il est agent d’une puissance étrangère, mais qu’on le fasse de telle manière à ce que cela ne soit jamais dit officiellement. D’où toutes ces précautions sur le fait que « Il n’est pas bon pour un ministère de la Justice de laisser savoir pourquoi on avait des soupçons vis-à-vis de telle personne mais que, comme on n’a pas inculpé la personne, c’est mieux pour la nation que l’on ne dise pas exactement sur quoi les soupçons portaient, etc. » C’est comme ça en tout cas que je l’entends.
Qu’est-ce que cela voudrait dire ? Cela voudrait dire qu’il est possible que, dans les jours qui viennent, on nous dise quelque chose qui n’est pas « M. Trump est un agent d’une puissance étrangère » et qu’il faille, par rapport à tout le reste qui sera fait, que l’on en tire les conclusions, que tout à coup, M. Trump décide qu’il doive avoir plus de temps à consacrer à sa famille et ainsi de suite… On peut imaginer qu’il ait un gros rhume et qu’il doive transmettre son pouvoir à titre provisoire à son Vice-président et qu’ensuite – je ne sais pas moi – il disparaisse en tombant dans une faille en visitant le parc de Yellowstone… Vous voyez ce que je veux dire…
Je pense en particulier… Ce qui me vient à l’esprit, c’est la manière dont un roi des Belges a disparu un jour dans une expédition d’alpinisme et dont une personne digne de foi nous a expliqué, à des étudiants, à 2 h du matin, qu’il connaissait une autre explication et qui a donné à ses étudiants une explication extrêmement précise de ce qui, selon lui, s’était passé, à l’intérieur de sa propre famille, et qui expliquerait ce qui s’est exactement passé. Là, je crois que tous ces étudiants, on ne s’est pas vus récemment mais je crois que nous avons tous été convaincus par cette histoire.
Je vais terminer par une interview qui a eu lieu. C’était il y a quelques jours à l’occasion de la sortie d’un livre qui s’appelle « The Threat » : la menace, par M. Andrew McCabe qui a été le directeur du FBI brièvement au moment où M. James Comey a été démis de ses fonctions par Trump et dont il a dit à l’ambassadeur de la Russie et au ministre des Affaires Étrangères de la Russie qui était en visite, que c’était une bonne décision parce que « On m’emmerdait avec cette histoire de Russie ! ». M. McCabe a été directeur du FBI dans les jours qui ont suivi. Il a lancé de fait l’enquête qui allait donner lieu à la nomination par M. Rod Rosenstein de la commission Mueller. Ce monsieur était interrogé à l’occasion de la sortie de son livre par Anderson Cooper, un grand journaliste de télévision de la CNN, et qui lui a dit, en terminant l’interview : « Est-il possible que M. Trump soit un agent de la Russie ? » et M. McCabe lui a répondu : « Oui, c’est une possibilité, et nous espérons tous que la commission Mueller nous donnera des éclaircissements à ce sujet ».
Je termine là-dessus mon petit rapport. Je vous tiens bien sûr au courant de la suite.
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